
On assimile souvent les méthodes de la non-violence à « toutes celles qui ne sont pas violentes ». À première vue, la non-violence englobe tout moyen ou attitude qui ne trouble pas la paix. On pense à la brebis (qu’on mène doucement à l’abattoir), à la joue que l’on tend à la seconde gifle (avant la crucifixion…) et au bon citoyen qui ne fait pas de vagues (pendant que tournent à plein les chambres à gaz !). Pour beaucoup, il va de soi que la non-violence respecte le cadre légal, qu’elle est gentille, qu’elle est douce et qu’elle ne se fâche jamais.
On vient de définir le contraire de la non-violence : la passivité. Peut-être est-ce le terme « non » violence lui-même, avec sa définition par la négative, qui prête à confusion.

Or, l’action non-violente, en théorie politique, est d’abord et avant tout une méthode de lutte. L’action non-violente, par définition, c’est résister. Il ne saurait en être autrement dans une société fondée sur la violence : pauvreté, sexisme, racisme, oppressions de toutes sortes. La non-violence englobe la persuasion, mais ne se limite pas à elle, heureusement! La non-coopération, qu’elle soit sociale (grève étudiante) ou économique (grève syndicale, boycott), de même que les diverses méthodes d’intervention non-violente (occupation, désobéissance civile), font également partie de l’arsenal des techniques d’action non-violente.

De nombreux mouvements ont démontré que la non-violence est une méthode capable de générer un rapport de force et qu’elle ne se réduit pas à implorer les bonnes grâces d’un pouvoir violent et insensible. Que l’on songe au mouvement essentiellement non-violent des suffragettes pour le droit de vote des femmes, à la lutte pour l’indépendance de l’Inde, au mouvement pour les droits civiques des noirEs aux États-Unis, à divers mouvements anti-guerre et sociaux ou, plus près de nous, au mouvement étudiant contre les coupures dans l’éducation… on voit que le recours qu’à des méthodes d’action non-violente a donné des résultats somme toute impressionnants dans l’histoire.

La non-violence ne suppose pas que nos opposants seront doux et gentils avec nous. Au contraire, l’histoire démontre amplement que les mouvements non-violents efficaces feront face à une répression parfois brutale et sanglante. La stratégie non-violente a toutefois comme avantage de minimiser la répression puisque, dénué d’un prétexte, l’appareil répressif se voit politiquement entravé.
Toute l’idée de la non-violence repose sur ce constat bien simple : « aucun gouvernement ne peut survivre ne serait-ce qu’un seul instant sans la coopération, volontaire ou forcée, de la population; et si celle-ci devait soudainement lui retirer sa coopération jusque dans les moindres détails, le gouvernement s’en trouverait aussitôt paralysé » (Gandhi).
Notre tâche est donc bien celle-ci : d’amener les secteurs plus larges possibles de la population à cesser de coopérer avec un système qui est en train de nous détruire, de détruire la planète et, avec elle, de dérober à l’humanité tout entière le concept même d’avenir.