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URGENCE ÉNERGÉTIQUE AU QUÉBEC?

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Tout indique que notre avenir énergétique ne sera plus l’exclusivité d’Hydro-Québec, mais de plus en plus une fonction des municipalités accompagnées par nos chercheurs du domaine électrique. Ainsi, pour éviter de nouveaux méga-barrages un BAPE générique sur l’énergie s’impose au Québec.

Normand Beaudet

Montréal subit encore le choc du verglas. Un nouveau défi de sécurité des approvisionnements énergétiques émerge. Montréal a voulu interdire la connexion de nouveaux bâtiments au gaz sur son territoire, plusieurs municipalités semblent vouloir emboîter le pas. Immédiatement, les mandarins d’Hydro-Québec se sont fait défenseur du gaz naturel en brandissant l’incapacité à répondre à la demande. Sous peu, l’électrification complémenté du gaz sera un danger. Les dirigeants issus du monde gazier de notre société public, dont l’actuel pdg par interim, défendent déjà bec et ongles le compétiteur Energir. Nos dirigeants politiques verront-t-ils sous peu les actifs du monopole gazier Energir comme les garanties de notre sécurité énergétique?

Mythe de la complémentarité hydroélectricité et gaz.

En réalité la haute direction d’Hydro, aiguillée par le gouvernement cherche la façon sans efforts pour résoudre son problème de pointe de consommation. Pour repousser la construction de nouveaux barrages, la direction de Hydro-Québec souhaite ainsi subventionner à coup de milliards les actionnaires d’Energir, la CDPQ et le Fonds de la FTQ. La solution envisagée : installer la quincaillerie permettant d’alterner au gaz pour les bâtiments dans les milieux ou le réseau gazier est disponible. Mais, le résultat direct de cette paresse systémique sera de prolonger pour des décennies la dépendance au gaz de schiste importé des québécois. Installer des systèmes bi énergie deviendra-t-il maintenant le geste à poser pour assurer la sécurité énergétique des citoyens? C’est justement la perspective à craindre.

Depuis la création de Hydro-Québec, l’électricité et le gaz accessibles ont cadenassés la diversification énergétique de la province. Continuer à limiter les investissement dans le renouvelable maintenant, pour verser des bénéfices rapides au gouvernement, et assurer la viabilité à long terme du gaz est un piège. L’externalisation à grands frais de l’éolien et des petits barrages n’a jamais permis la diversification des approvisionnements au Québec. Le Québec est définitivement dû pour un BAPE générique sur l’avenir énergétique du Québec auquel doivent participer librement les chercheurs d’Hydro-Québec, et la société civile.

Installations de l’IREQ: Institut de recherche électrique du Québec.

Revoir les assises énergétiques.

Le Premier Ministre Legault aura beau ériger son Ministre Fitzgibbon en nouveau Prince québécois de l’énergie, et mandarin actuel d’Hydro-Québec champion d’un avenir économique électrifié. Si on regarde la situation actuelle, le portrait est loin d’être rose. L’essentiel de nos installation électrique a besoin d’une importante cure de rajeunissement; ceci des turbine, aux réseaux de transport, jusqu’à la distribution vers votre résidence. Le simple chantier du maintien et de la mise à niveau des installations électriques vieillissantes est pharaonique. De plus, une imposante réorganisation de la production, et un planification de la gestion d’exportations massives sont à l’ordre du jour. La réduction des GES sera aussi une importante cause de l’accroissement et de diversification de la demande. La haute direction de Hydro-Québec risque, sous peu d’avoir d’immenses chantiers plein les bras.

Nous avons tout misé sur la méga production. Nous avons aujourd’hui un actif d’une grande valeur. Mais si on regarde le portrait mondial au niveau des technologies, tout indique que le futur énergétique sera le fait de petit réseaux municipaux hyperefficaces. Les technologies qui se développent les plus rapidement présentement et qui sont sur les planches des chercheurs québécois sont entre autres de l’ordre de la domotique, de la multidirectionnalité des réseaux, des petites production renouvelables locales et du micro stockage. Comme l’abordait le plan stratégique 2022-2026 d’Hydro-Québec qui fut l’objet d’une consultation des experts, l’avenir est à la gestion intelligente de réseaux de proximité.

Le municipal dans l’équation:

Inévitablement le monde municipal doit jouer un rôle majeur dans le grand virage nécessaire vers l’efficacité énergétique. Le succès de l’électrification sera beaucoup moins entre les mains des gestionnaires d’Hydro-Québec, mais plutôt entre les mains des chercheurs de la prestigieuse Institut de recherche électrique du Québec (IREQ). Le succès reposera surtout sur la capacité qu’offrira le gouvernement et les dirigeant de Hydro, de transférer de l’expertise des nombreux développements en efficacité de notre centre de recherche de réputation internationale en électricité, vers nos régions et municipalités. Le défi Monsieur Fitzgibbon et de la haute direction d’Hydro-Québec n’est pas économique, c’est un défi de réorganisation du réseau et de transfert urgent de connaissances, de techniques et technologies de pointe vers les régions du Québec. Ce sont les clés pour accroître considérablement l’efficacité.

Heureusement les travaux ont débutés. Ce grand virage s’effectue présentement, mais à tout petit pas, avec le micro-réseau intelligent au centre-ville de Lac Mégantic. Avec la participation de plusieurs municipalités et MRCs du Québec aux appels d’offre pour la production éolienne d’Hydro-Québec on commence à pressentir cet important virage. L’expertise dans la redistribution électrique développée au cours des décennies par une trentaine de municipalités du Québec rend de plus en plus attrayante la redistribution comme source de revenus et la production de proximité comme voie pour générer des revenus. Les villes doivent devenir des acteurs centraux du changement si on veut éviter l’aventure risquée de nouveaux grands barrages. Ce n’est qu’un début!

Barrage de la société Hydro-Sherbrooke, le service de redistribution municipal.

Devrions-nous parler d’Urgence énergétique au Québec?

Le Québec et sa société d’État sont resté assis trop longtemps sur cette incomparable richesse que constitue l’hydroélectricité. Pendant ce temps, dans les sociétés moins privilégiées au niveau énergétique, l’avenir se dessine bien autrement. Une diversification s’est imposée.

Dans les autres provinces canadiennes, plus dépendantes envers les combustibles fossiles et le nucléaire, on jongle avec les mécanismes de diversification énergétique. Plusieurs municipalités se penchent activement sur les assises possibles pour établir des micro-réseaux électriques intelligents et des réseaux municipaux de chaleur. Dans une dizaine d’États américains le cadre législatif favorisant l’implantation de micro-réseaux multidirectionnels à sources de production diversifiée est en cours. Dans plusieurs régions d’Europe c’est la course aux réseaux municipaux de partage de la chaleur. Au Québec une loi sur l’opération de réseaux électriques municipaux existe et la redistribution électrique se pratique depuis la création d’Hydro-Québec. Le grand virage vers la production de proximité est inévitable, pour des raisons de sécurité et de viabilité économique du modèle énergétique. Les municipalité et régions hériterons de systèmes intégrés de gestion de la chaleur et des micro-opérations électriques (smart electric micro-grids). Un niveau de subsistance et la capacité de résilience énergétique locale s’imposeront. Les méga-barrage et l’approvisionnement unidirectionnel sont une voie du passé.

Fait méconnu au Québec, près d’une une trentaine de municipalités opèrent déjà des réseaux de redistribution électrique, et en génèrent des bénéfices pour leur communauté. Depuis des décennies ces villes et villages possèdent un réseau de redistribution qu’elles opèrent soit directement, soit via une structure coopératives ou dans le cadre de contrats de services avec des opérateurs privés. Regroupées au sein de l’Association des redistributeurs d’électricité du Québec (AREQ), ces municipalités achètent à tarif préférentiel l’électricité d’Hydro-Québec, et la revendent à leurs résidents via leur propre réseau; avec bénéfices. Certaines de ces municipalités opèrent des barrages et se tournent inévitablement vers des formes de production plus autonome. Nous sommes témoins de la fragilité croissante de notre méga réseau hypercentralisé lors de tempêtes. La redistribution de proximité approvisionnant des centres urbains grâce à un maximum de ressources énergétiques décentralisées et avec des réseau composé de fils principalement enfouis sont la voie d’avenir. Pour des raisons de sécurité de l’approvisionnement, de proximité des ressources humaines, et de plus grande efficacité; ces transformations vers des opérations électriques de proximité et une beaucoup plus grande implication des communautés locales sont inévitables! Plusieurs réseaux municipaux ont d’ailleurs accrue leur sécurité d’approvisionnement, et ont déjà enfouis la portion urbaine de leur lignes électriques.

Panneaux solaires du micro réseau intelligent de Lac-Mégantic.

Un grand virage? Mais de quoi parle-t-on au juste?

Il est question ici de décarbonation accélérée, en passant par une électrification durable et renouvelable. Les chercheurs se penchent activement sur mise en place d’une multidirectionnalité des réseaux électriques, et l’implantation de réseaux de transfert de chaleur. Ce sont des voies incontournable afin de rendre possible l’intégration d’une diversité de ressources électriques décentralisées (voir les REDs dans le plan stratégique d’Hydro-Québec). Miser sur des solutions individualisées est un piège.

L’intelligence numérique de ces petit réseaux doit permettre une gestion beaucoup plus pointue de la production et de la consommation; tant pour l’électricité que la chaleur. Partout on prend le virage de micro-réseaux locaux intelligents aussi autonome que possible; qu’ils soient électrique (smart microgrids) ou de chaleur. Le Québec n’y échappera pas et les chercheurs le savent. C’est une simple question de temps; l’efficacité et la sécurité l’imposeront.

La création de la Société privée Hilo par la direction de Hydro-Québec, visant à gérer à large échelle l’efficacité énergétique est un échec. Un modèle d’affaire ou on vend une quincaillerie d’économie, et on capte les ristournes sur l’efficacité énergétique au lieu de la verser aux acteurs de l’efficacité ne marche pas. L’efficience énergétique ne se matérialisera pas, par magie, avec l’ajout de nouvelle quincailleries d’appoint, aussi efficaces soient-elles. Nous devons revoir nos façons de faire.

Notre virage vers une électrification accrue doit permettre d’intégrer efficacement les REDs. Ici même, au Québec, l’essentiel des technologies de pointe et innovantes du secteur énergétique se font dans les secteurs de la petite production, dans le stockage de proximité, dans l’efficience et la gestion des opérations et de la consommation multidirectionnelle. Bref, on parle essentiellement de l’optimisation des petits réseaux pour intégrer un maximum de mécanismes efficaces de stockage, de réduction de consommation, de domotique, de production renouvelable; bref une gestion intelligente de la ressource. Lorsqu’on parle d’efficacité, on parle d’informatisation et intégration de toute une gamme de technologies souvent simples, axées sur une meilleure utilisation de l’énergie. C’est ainsi qu’on pourra libérer assez de puissance pour éviter les périlleux méga projets.

Au Québec on parlerait donc de redistribution électrique améliorée. La municipalité comme certaines le font présentement, achète sont électricité du réseau central, la distribue à ses résidents avec bénéfices et entretient son propre réseau de distribution. Ces réseaux doivent rapidement devenir intelligents, multidirectionnels, capables d’intégrer toute une gamme de nouvelles ressources électriques décentralisées (REDs) et devenir des sources importantes d’efficacité énergétique, et de revenus pour les municipalités et les coopératives régionales. Le chantier est immense, les chercheur du secteur de l’électricité en sont le pivot et l’enfouissement de ces systèmes sera nécessaire. On parle d’y intégrer efficacement les REDs soit: la production solaire et éolienne; de municipaliser ou régionaliser la propriété des équipements privés actuels (petits barrages et parcs éoliens), d’implanter sur une base régionalisée une domotique de pointe, des systèmes de stockage et d’échange; et de gérer en continu la connectivité de ressources de stockage, d’approvisionnement et de demande. D’imposants chantiers en perspective, mais beaucoup mois risqués que les entreprises pharaoniques associées à de nouveaux barrages hydroélectriques à grande distance.

L’implantation de micro-réseaux électrique de proximité et intelligents représente rien de moins qu’une révolution dans la production et la distribution au Québec. C’est le complément indispensable à nos vastes réseaux devenus avec le temps couteux pour l’entretient et vulnérables. Les acteurs centraux de ces chantiers seront les municipalités et les régions qui y trouveront dans la redistribution électrique une alternative au financement par la taxation foncière. L’autonomie et l’efficacité du réseau local comme source de revenus continus.

Schéma du réseau de transfert de chaleur de la municipalité de Surrey.

Mieux distribuer la chaleur.

Certaines activités produisent de la chaleur et la perdent, pendant que d’autres surconsomment. Il est possible de mieux partager la chaleur en se servant de circuits d’eau fermés.

Encore ici les municipalités ont un rôle important. Les réseaux de chaleur utilisent directement l’infrastructure municipale, soit les égouts. La technologie est bien connue. Ce sont des boucles fermées, des conduites isolées en transport, dans lesquelles circule de l’eau. Circulant dans le sol, les circuits d’eau restent plus frais que l’air en période de chaleur, et plus chaud que l’air en période de froid. Déjà ici il y a un gain sur les thermopompes aérodynamiques.

En hiver le circuit de chaleur peut maintenir sa température élevée grâce à toute une gamme de périphériques calibrées pour chauffer l’eau : des puits géothermiques, une chaufferie au GNR, la combustion ou la décomposition de déchets, des installations à haut niveau de réfrigération et de congélation (épiceries et entreprises de conservation alimentaire), des panneaux solaires et autres équipements. L’eau peut aussi capter la chaleur des systèmes de refroidissement d’installations industrielles ou de services publiques tels l’eau d’égouts, les arénas et les site de traitement des eaux. On capte la chaleur ou elle se trouve, et on la distribue à des installations munies d’échangeurs de chaleur (pompes à chaleur) par temps froid.

En été, l’eau circulant dans le sol est plus fraîche que l’air. La géothermie peut maintenir la fraîcheur du liquide en mode de stockage en profondeur de la chaleur. Toute opération industrielle nécessitant un apport de chaleur peut extraire la chaleur de l’eau en préchauffage et agir comme source active de refroidissement du circuit, ceci grâce aux équipement de transfert de chaleur existants. La boucle devient donc une source de climatisation pour les bâtiment et de fraîcheur pour certains procédés industriels.

Bref, on échange la chaleur. On la capte pour refroidir et la redistribue à ceux qui ont besoin de chauffage en été. On la capte des systèmes de refroidissement, et on la distribue en hiver pour les besoins de chauffage. L’installation peut utiliser la géothermie, le solaire, des pompes éoliennes, les pompes à chaleur existantes, des systèmes de captation par masse thermique etc. On parle donc d’un second système d’intégration de sources d’énergie décentralisées. Le défi à relever devient celui de l’équilibrage des sources de réchauffement et de refroidissement.

Efficacité et sécurité

Imaginons simplement l’enfouissement des fils électrique dans les réseaux d’égouts, en même temps que l’installation de boucles d’échange de chaleur. L’idée est loin d’être farfelue, certaines entreprises gazières dont Enbridge en Ontario voient déjà la transformation de leur réseau existant de distribution du gaz, en d’éventuelles boucles d’eau pour le transfert de chaleur. Si ces boucles utiliseraient bien entendu comme source de chauffage le gaz qu’elles fournissent. C’est la voie que le Québec ne doit pas suivre. L’achat de combustibles fossiles au Québec est une ponction négative, directe et continue dans notre balance commerciale.

Le concept de ressources électriques décentralisées expliqué dans le plan stratégique de Hydro-Québec

En fait pour matérialiser ces projets, on doit simplement revisiter le récent plan stratégique 2022-2026 de Hydro-Québec. Le document publié en mars 2022 et issue d’une consultation importante à l’interne chez Hydro-Québec est clair, on doit repenser la gestion de l’électricité au Québec et se préparer à la nécessité de faire les choses autrement. Les grands principes restent les mêmes que ceux qui guide les micro-réseaux, qu’ils soient de chaleur ou électriques. On parle de décentralisation, de multidirectionnalité et d’optimisation intelligente. Les réseaux de chaleur n’apparaissent pas dans le document mais font indéniablement parti de l’équation. La gouvernance d’Hydro-Québec doit être repensé pour y neutraliser les intérêts des gazières. Et les lubies de nouveaux méga barrages.

On doit consolider la propriété publique des installations en donnant un rôle centrale aux municipalités et MRCs dans la redistribution intelligente et les petites productions. On peut très bien entrevoir la Société d’État comme maître d’oeuvre de cette reconfiguration des systèmes électriques et de chaleur de la province.

Hydro-Québec, ses employés syndiqués et chercheurs ont reconnus dans le récent plan stratégique l’incontournable réalité d’une transformation. Le plan préparait le terrain pour s’y adapter. Le plan stratégique affirme sans ambiguïté que la priorité est «la décarbonation, soit le remplacement progressif des énergies fossiles par des énergies renouvelables à faible empreinte carbone ». Cette transformation doit passer par un: «virage numérique, qui met à profit les nouvelles technologies pour optimiser l’exploitation des réseaux électriques et la consommation d’énergie». Et passera inévitablement par «la décentralisation, grâce à laquelle la clientèle peut jouer un plus grand rôle dans la production d’énergie renouvelable et la gestion de la consommation. » Allons-nous entendre la voix des experts?

Notre bien pragmatique Premier Ministre n’a pas aimé le plan semble-t-il? Le grand départ de la haute direction sonne-t-il le glas du très grand pragmatisme des experts de l’hydroélectricité au Québec? Le pragmatisme de ces experts ne semble malheureusement pas compatible avec le pragmatisme affairiste des têtes dirigeantes de notre gouvernement? Le nouveau pdg par intérim d’Hydro est encore une fois issue de la compétition, Energir. Quelqu’un, quelque part, n’a pas compris. Une profonde réflexion s’impose!

Nous sommes en situation d’urgence énergétique.

Cette urgence nous impose d’innover.

L’auteur fait partie de l’équipe Gmob à l’origine de la Déclaration d’Urgence Climatique. Il œuvre depuis plusieurs années sur les questions de mobilisation climatique et est présentement responsable de la mobilisation au comité de coordination RVHQ.