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Un service civil de la paix au Canada

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De nombreux organismes internationaux offrent des services d’accompagnement aux personnes menacées, on se penche sur la communication communautaire sécuritaire en situation de conflit, du travail s’effectue sur la mobilisation des diaspora pour désamorcer les conflits et des réseaux internationaux se penchent sur la détection avancée et l’alerte internationale.  Les initiatives sont multiples, mais les ressources financières et humaines compétentes manquent.

Introduction

La recherche de solutions alternatives à l’intervention militaire pour résoudre les conflits progresse.  La mise sur pied de ces solutions nécessite une infrastructure, un organisme citoyen basé à Ottawa, Service civil de la paix du Canada (SCPC), s’est donné cette mission. En activité depuis 2004, le SCPC travaille avec des organismes canadiens et étrangers à concevoir et offrir une accréditation professionnelle normalisée pour les travailleurs de la paix. Ainsi, des bénévoles et des professionnels de la paix, entièrement accrédités, pourraient former des équipes d’intervention civil qualifiés toujours prêts à intervenir. Ces personnes travailleraient sur appel grâce à des listes établies et maintenues à jour.  Ces intervenants selon leur spécialité faciliteraient la résolution des conflits, offriraient des services l’accompagnement, participeraient à des processus de réconciliation basés sur la justice réparatrice, bref interviendraient de façon non violente lors de situations à fort potentiel de violence.  Ce travail essentiel représente un pas essentiel vers une paix durable.

Cet organisme ne serait pas seulement utile dans le cadre des actions actuellement initiés par les organismes de coopération international existants. À l’échelle mondiale, le SCPC, ainsi que d’autres services équivalents en planification dans certains pays européens pourraient de répondre aux multiples appels lancés par l’ONU, la Francophonie, l’Union Européenne et même les organisations régionales Américaines et africaines afin qu’on « accorde une place plus importante » à la prévention des conflits. Grâce à une étroite collaboration avec la société civile il serait possible d’offrir de véritables moyens d’action à ces organismes.  Il s’agit ici de confirmer ce qu’on a constaté à maintes reprises : « les conflits ne peuvent être résolus uniquement par des moyens militaires. »

L’idée fait son chemin un peu partout en Europe, de la Suède à l’Italie, divers projets de service civil de la paix prennent forme grâce au soutien d’un réseau européen. Un service civil de la paix allemand (Ziviler Friedensdienst) est en activité depuis 1999 et dispose d’un financement appréciable de l’Union européenne. Les démarches visant à créer un service semblable au Royaume-Uni vont bon train, et la formation d’intervenants civils pour la paix est déjà bien amorcée.

En France et en Espagne des projets de loi en ce sens ont été déposés aux Parlement afin de débattre de la création d’un service civil de la paix.  Le gouvernement italien, quant à lui, prépare un tel projet de loi.  Suite aux échecs répétés de l’action militaire, l’idée de soutenir l’action citoyenne pour la paix progresse rapidement.

Au Québec, un réseau d’organismes de paix nommé «CitoyenNEs pour un Ministère de la Paix » travaille présentement à promouvoir cette idée. Le Canadian Department of Peace Initiative (CDPI), le projet de création d’un ministère canadien de la Paix intègre l’idée de la mise en place d’un Service civil de la paix au Canada dans ses objectifs fondamentaux, les autres étant :

-L’éducation et la formation à la paix

-Le désarmement nucléaire et le contrôle des armements

-La justice réparatrice et le dialogue interconfessionnel

-Les droits de la personne et les droits économiques

Le Canada accorde depuis longtemps une importance aux notions de maintien et de consolidation de la paix suite à des conflits et y a investit beaucoup de ressources financières et humaines depuis la seconde guerre mondiale.  Le Canada pourrait tirer parti de ces expériences multilatérales pour se faire un pionnier dans le domaine de la prévention des conflits internationaux par l’action civile.

Au lieu de persister dans l’inquiétante tendance actuelle de recours croissant aux troupes canadiennes à des fins militaires.  Le Canada pourrait agir en amont, en formant et mobilisant son expertise civile pour prévenir la dégénérescence des crises.  L’organisme canadien de promotion d’un service civile de paix SCPC, a produit un imposant livre blanc sur la question qui vise à tirer profit de la solide expérience du Canada en matière de maintien et de consolidation de la paix.  Ce document débute l’élaboration d’un programme qui, à l’aide de l’expertise canadienne, renforcera le rôle, les compétences et l’efficacité des professionnels de la paix dans le monde.

Professionnaliser le travail pour la paix

Le 2 avril 2007, le professeur Johan Galtung (sommité mondiale dans les études et les recherches sur la paix) a vivement appuyé les efforts canadiens visant à créer un Service civil de la paix au Canada. Il participait alors à la troisième conférence organisée par le SCPC, en collaboration avec de nombreux organismes et instituts qui s’intéressent activement à la question dont:

-l’Institut canadien pour la résolution des conflits (ICRC),

-le programme d’études de conflits de l’Université Saint-Paul,

-l’Institut international canadien de la négociation pratique (CIIAN),

-le McMaster Centre for Peace Studies,

-le Canadian Department of Peace Initiative,

-TRANSCEND International Institute.

Cette conférence, qui s’est tenue du 3 au 5 avril 2007 à l’Université Saint-Paul, portait principalement sur le développement des compétences nécessaires aux professionnels de la paix. L’honorable Flora MacDonald, tout comme d’autres participants, a orienté les discussions sur la réalité afghane. Malgré l’existence de nombreuses politiques et stratégies nationales, on reconnaît que seuls, les gens sur place peuvent ultimement réussir à résoudre leurs propres conflits. Les intervenants de l’extérieur deviennent une partie du problème s’ils essaient d’imposer leurs solutions ou choisissent de se ranger dans un camp, au lieu de renforcer la capacité de la population à trouver ses propres solutions. C’est justement à ce niveau que le professionnel de la paix entre en jeu.

La conférence a permis d’explorer la notion de « professionnel de la paix » sous des angles aussi divers que le contexte mondial, les valeurs fondamentales et les compétences clés, le recrutement, l’évaluation, la formation, la certification, et – ce qui est encore plus important – sous l’angle des stratégies qui permettront de relever les défis posés par la création d’une telle profession. Une grande partie des discussions a fait ressortir l’importance de veiller à ce que la mise en place de professionnels de la paix ne diminue pas le rôle des bénévoles œuvrant déjà dans ce domaine, car ils peuvent apporter une contribution significative et obtenir des résultats exceptionnels. Les bénévoles possèdent des compétences particulières, souvent fondées sur l’humanitaire, qui ne doivent pas être oubliées dans les mesures qui seront prises pour exploiter les ressources civiles dans le domaine de la paix.

Un livre Blanc

Une des recommandations formulées lors de cette conférence sur la professionnalisation de l’engagement citoyen pour la paix était de préparer un livre blanc sur le SCPC. Ce document a été réalisé et peut maintenant servir de base pour les discussions et l’adoption des mesures de mise en œuvre requises. Ce document démontre l’utilité du SCPC, en proposant pour la première fois d’accréditer des professionnels de la paix à l’échelle mondiale et recommande de contribuer à l’établissement des formations requises.

Ainsi, les bases sont en place pour que le Canada puisse contribuer de manière unique aux efforts déployés un peu partout dans le monde pour mettre sur pied des services civils de la paix. Le livre blanc explique aussi en détail pourquoi la professionnalisation des travailleurs de la paix s’avère une exigence essentielle pour sauver des vies, augmenter l’efficacité des interventions et accroître la réputation d’artisan de la paix du Canada. Il offre également une information détaillée sur les nouveaux services civils de la paix en gestation dans le monde, tout particulièrement en Europe.  Il fait aussi un survol de l’histoire de l’intervention citoyenne pour la paix – allant de la perspective nationale des pays qui optent pour la neutralité jusqu’à la perspective individuelle de l’objection de conscience.

Le livre blanc décrit jusqu’à quel point les civils participent déjà à diverses activités (prévention, médiation et résolution de conflits) dans tous les secteurs. Finalement, le livre blanc démontre comment les conflits et la paix sont de plus en plus liés à l’environnement, aux femmes et à l’économie, et il compare les approches militaires et civiles. Lorsque c’est possible, l’information est présentée sous sa forme originale, telle qu’elle a été rendue publique par divers organismes, il utilise notamment des tableaux mettant en évidence les applications pratiques et opérationnelles du travail l’établissement ou de consolidation de la paix dans différents secteurs.

Décidément, la réflexion sur la mise en œuvre d’un véritable Service civile de paix est un défi important. L’effort permet de penser les conflits et les guerres autrement.  De voir le phénomène de la violence comme une manifestation prévisible sur laquelle il est possible d’agir de façon préventive en évitant le recours à cette même violence.

Conclusion et principes clés

-Des conflits complexes, difficiles et variés persisteront pendant un certain temps, tant au Canada qu’à l’échelle internationale.

-Continuer à adopter des stratégies de type « tuer et détruire » pour résoudre les conflits entraîne des coûts inacceptables sur les plans économique, environnemental et humain.

-On constate de plus en plus que les approches unidimensionnelles (militaire, humanitaire, de développement ou autre) ne permettent pas de résoudre les conflits.

-Les gens sont las de la guerre et veulent que l’on considère davantage les approches non violentes pour régler les difficultés.

-Pour établir une paix durable, il est impératif que toutes les parties impliquées dans un conflit participent à sa résolution, et que les besoins et perspectives de chacune soient respectés.

-L’autodétermination est un principe essentiel pour la résolution des conflits.

On reconnaît de plus en plus qu’il faut prévenir les conflits (tout comme les résoudre ou les transformer), et qu’on a besoin de compétences particulières pour y parvenir.

Les services civils de la paix, grâce à des professionnels et à des bénévoles formés et évalués rigoureusement, permettent réellement de répondre efficacement à ce besoin croissant d’experts compétents, bien préparés et accrédités dans le domaine de la paix et des conflits.

Le rôle que peuvent jouer les civils afin d’éviter que des conflits dégénèrent en violence armée nous permettra d’économiser des milliards de dollars qui sont actuellement dépensés par les forces armées dans un environnement humain qui, selon le Bulletin of the Atomic Scientists, se trouve toujours à moins de 15 minutes de l’autodestruction totale puisque les guerres armées font planer le danger constant d’une guerre nucléaire totale.

Recommandations

Le comité de développement du SCPC recommande au gouvernement du Canada :

De reconnaître d’une part le rôle constructif que pourraient jouer des civils détenant une expertise dans le domaine de la consolidation de la paix en conseillant le gouvernement sur des approches autres que militaires pour résoudre les conflits, et d’autre part l’utilité du Service civil de la paix du Canada tel que décrit dans le livre blanc.

D’entamer des discussions avec le comité de développement du SCPC, en se fondant sur ce livre blanc et en tenant compte des précédents en matière de financement établis en Europe, au sujet des mesures à prendre concernant :

o Le développement du concept de SCPC

o Le développement et le perfectionnement d’un programme d’évaluation, de formation et d’accréditation pour les professionnels de la paix.

o La mise en oeuvre de deux programmes pilotes de formation (pour tester le concept et la formation).

o La façon dont le Canada, par le truchement du SCPC (et de la proposition de la création d’un ministère fédéral de la Paix), pourrait contribuer le mieux à l’établissement d’une paix durable au Canada et à l’étranger.

Par le passé, nos façons de penser et de faire ne nous ont pas permis de prévenir les guerres mondiales. Nous devons trouver le moyen d’y parvenir. On ne peut à  la fois prévenir la guerre et s’y préparer. -Albert Einstein