Écrit par Amnestie Internationale
Le Myanmar vit actuellement une série de manifestations de masse pour la libération du peuple de l’emprise de la junte militaire au pouvoir. Ces manifestation sont d’une ampleur comparable à celles de 1988. Les forces de sécurité avaient alors réprimé avec brutalité des manifestations massives en faveur de la démocratie, faisant des milliers de morts. Les manifestations actuelles ont pour toile de fond le bilan affligeant du Myanmar en matière de respect des droits humains, même si la hausse importante du prix des carburants, qui a engendré une hausse des prix des produits de base et des transports, est à l’origine du mouvement actuel de protestation.
Amnistie internationale a demandé au Conseil de sécurité des Nations unies d’envoyer une mission au Myanmar afin de se rendre compte sur place de la situation, d’évaluer notamment s’il y a eu recours à une force excessive alors que cela n’était pas strictement nécessaire, d’obtenir des informations sur les manifestants qui auraient été tués ou blessés et sur les personnes qui auraient été arrêtées arbitrairement. La mission devra également entamer des discussions avec les autorités afin d’éviter tout nouveau recours à la violence. Amnistie internationale a demandé au Conseil de sécurité d’envisager la possibilité d’un embargo sur les armes à destination du Myanmar.
La mission du Conseil de sécurité des Nations unies devra prendre de toute urgence des mesures visant à apporter une solution à la crise des droits humains au Myanmar et éviter des violences et un bain de sang. La mission devra également entamer des discussions avec les autorités du Myanmar pour tenter de résoudre la question latente du respect des droits humains dans le pays, notamment celle de la détention de Aung San Suu Kyi et des autres prisonniers politiques.
Situation actuelle
On ne connaît pas le nombre exact des personnes arrêtées au cours de la semaine écoulée. Les derniers chiffres qui nous sont parvenus font état de centaines d’arrestations. Des dizaines, si ce n’est des centaines de moines, de nombreux membres de la National League for Democracy (NLD, Ligue nationale pour la démocratie), des parlementaires et d’anciens prisonniers d’opinion auraient été arrêtés. La plupart des arrestations semblent avoir eu lieu à Yangon. Le sort des détenus reste incertain. Ils doivent être remis en liberté sans délai et sans condition ou inculpés d’une infraction dûment reconnue par la loi.
Lorsque les manifestations ont commencé, en août, plus de 150 manifestants ont été arrêtés par la police et des membres de l’Union Solidarity Development Association (USDA, Association de l’Union pour le développement de la solidarité) dépendant du gouvernement. Des passages à tabac et des actes d’intimidation par des membres de l’USDA et d’autres forces paramilitaires ont été signalés; Amnistie internationale craint que les détenus ne soient victimes d’actes de torture et autres mauvais traitements. Amnistie internationale demande qu’ils soient remis en liberté ou inculpés d’une infraction dûment reconnue par la loi.
Parmi les 150 détenus se trouvent des dirigeants du groupe étudiant Génération 88, notamment d’anciens prisonniers d’opinion comme Paw U Tun, également connu sous le nom de Min Ko Naing et Ko Ko Gye qui ont tous deux été effectué des peines allant jusqu’à quinze années d’emprisonnement pour leur participation aux manifestations de 1988.
Les autorités du Myanmar accusent le groupe étudiant Génération 88 d’être les auteurs « d’actes terroristes et subversifs » et de violation de la Loi 5/96. Amnistie internationale craint que les dispositions formulées en termes vagues et très généraux de la Loi 5/96 ne rendent passible de poursuites pénales l’expression pacifique de convictions politiques. L’organisation a demandé l’abrogation de la loi.
La crise véritablement oubliée des droits humains au Myanmar
Les manifestations qui se déroulent actuellement dans ce pays n’ont pas surgi du néant, elles s’inscrivent dans un contexte de violations répétées des droits fondamentaux des personnes.
Amnistie internationale se préoccupe depuis longtemps des violations systématiques et généralisées des droits humains au Myanmar :
– lois rendant passibles de poursuites pénales le fait d’exprimer pacifiquement une opinion politique divergente;
– fréquentes arrestations sans mandat et détentions au secret;
– actes de torture et autres traitements cruels, inhumains ou dégradants, notamment lors des interrogatoires et pendant la période précédant les procès;
– actions en justice contre des détenus politiques ne répondant pas aux normes internationales d’équité des procès;
– en outre, les accusés se voient souvent refuser toute assistance juridique et les procureurs s’appuient sur des aveux arrachés sous la torture.
De plus :
– l’armée du Myanmar a recours aux châtiments collectifs contre les populations soupçonnées de sympathie avec des groupes armés d’opposition, particulièrement dans et autour de l’État kayin (Karen), brûlant des maisons et des villages, détruisant les récoltes, forçant la population à s’installer plus loin, entre autres exactions;
– le travail forcé continue d’être largement pratiqué, il concerne les Karen et d’autres populations dans le pays, le recrutement d’enfants soldats se poursuit.
Ces atteintes aux droits humains sont systématiques et généralisées et constituent des crimes contre l’humanité.
Texte provenant d’Amnistie Internationale, section Québec: www.amnistie.ca