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Une situation désespérée ?

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Écrit par www.AntiRecrutement.info

Si la Défense nationale en vient à utiliser des stratagèmes visant à travestir la réalité comme celle qu’implante le FSD pour influencer l’opinion publique en sa faveur, c’est nécessairement parce qu’elle est dans une situation où elle peine à y arriver. L’armée doit en fait convaincre la population de la légitimité et de l’utilité de ses actions pour pouvoir continuer son expansion. On peut comprendre que les militaires exploitent tous les moyens possibles pour y arriver, même ceux qui relèvent de la manipulation politique, dans l’espoir de convaincre la population que c’est par la voie des armes que l’on va améliorer le sort de la planète, que c’est en faisant la guerre que l’on apportera la paix.

DE SIMPLES COÏNCIDENCES ADMINISTRATIVES ?
Au cours de la dernière décennie, nous avons assisté à des modifications significatives du rôle de l’armée canadienne à l’échelle internationale :

Infanterie canadienne en Afghanistan. (Photo: inconnu)
Infanterie canadienne en Afghanistan. (Photo: inconnu)

En février 2006, les troupes canadiennes ont quitté la région de Kaboul, au nord de l’Afghanistan, pour aller se déplacer jusqu’à Kandahar, au sud du pays. Cette transition géographique était également accompagnée d’un important changement de la mission canadienne en Afghanistan : nos troupes, qui étaient auparavant affectées à assurer la stabilité dans une région tranquille, se sont retrouvées en pleine zone de combat dans une région très instable. Le nombre de victimes a évidemment bondi en flèche à ce moment, et l’intensité des combats permet de douter qu’il s’agit là véritablement d’une mission de paix.

Curieusement, un important changement au sein du FSD s’est produit sensiblement pendant cette même période. À la fin de l’année 2005, le budget de l’organisation destiné aux recherches universitaires a été augmenté de 32 % (le budget total a été augmenté de 25 %). Il est donc légitime de conclure que l’augmentation du financement de recherches universitaires, qui n’ont rien d’indépendantes et qui sont destinées à « informer les Canadiens », s’est produite au moment où la Défense nationale avait un besoin criant de défendre, auprès de la population, une mission militaire principalement offensive.

(Photo: inconnu)
(Photo: inconnu)

On peut observer une autre curiosité administrative du côté du FSD survenue en 2001. Suite aux événements du 11 septembre, l’armée canadienne a abandonné presque totalement sa participation aux missions de maintien de la paix de l’ONU pour se diriger vers des missions offensives auprès des Américains. En raison de ce changement drastique, notre gouvernement a dû expliquer cette décision à la population canadienne et surtout la justifier. Les exigences de la Défense nationale envers le FSD se sont alors resserrées, ce qui pourrait s’expliquer par le fait même qu’il y ait eu une plus grande nécessité de produire des études scientifiques pour appuyer les décisions militaires dans l’espace médiatique. En fait, le mode d’évaluation des résultats des centres de recherches universitaires liés à cette organisation a été revu en profondeur. Le but était d’assurer une évaluation « reposant sur la quantification des résultats et selon un cadre de redevabilité [de la part des chercheurs] » , ce que l’on peut interpréter comme une plus grande exigence en matière de productivité. Est-ce là un autre exemple de changement au sein du FSD qui vise à améliorer l’influence militaire de l’opinion publique alors que l’armée canadienne en a le plus besoin (après avoir quitté son rôle pacifiste) ?

DES SOURCES DE FINANCEMENT DISSIMULÉES ?
Ce qui est annoncé par la Défense nationale comme étant le financement annuel accordé par le FSD aux universités (1,8 million) ne correspond en rien à la somme réelle. C’est une tactique bien connue des militaires et politiciens de faire paraître une dépense comme étant moins importante qu’elle ne l’est réellement dans le but de la faire accepter plus facilement par la population. En réalité, différentes sources de financement administrées par le FSD doivent être additionnées à ce montant pour en arriver à un total représentatif de la réalité.

(Photo: pressegauche.org)
(Photo: pressegauche.org)

L’exemple le plus flagrant est certainement le programme de bourses d’études pour étudiants de maîtrise et doctorat. Un comité de sélection du FSD choisit les lauréats de ces bourses, qui sont destinées à soutenir les travaux de recherche d’étudiants gradués ou à leur offrir un stage rémunéré dans une «institution partenaire des Forces canadiennes» (ce qui se retrouve souvent être un institut de recherche non académique entièrement financé par l’armée). Toutefois, ce montant ne figure pas dans le budget du FSD. Dans les faits, c’est près de 400 000 $ de bourses qui sont ainsi accordées chaque année de façon détournée. Officiellement, ce montant est versé par la Défense nationale à l’Association des universités et collèges du Canada. L’Association n’intervient nullement dans la gestion de cet argent qui se retrouve à la libre disposition du FSD. En plus, l’attribution de bourses ne se déroule vraisemblablement pas de façon objective, mais selon des modalités qui sont à l’avantage de l’armée (voir la section «Recrutement de cerveaux» à ce sujet).

On doit également considérer les «événements spéciaux» organisés par le milieu universitaire. Lors de ces activités (généralement des conférences), des professeurs, officiers militaires, politiciens, représentants de l’industrie de l’armement et parfois des membres du public et étudiants se réunissent pour discuter des questions de sécurité. En fait, le financement de ces événements ne figure pas parmi le montant officiel qui est versé aux chercheurs par le FSD. Ces subventions sont plutôt comptabilisées dans un programme additionnel dont le montant en 2006-2007 s’élève à 308 000$.

En plus, la structure administrative du FSD n’est pas prise en compte dans ces calculs de budget. Gérer toutes ces ressources, fournir les salaires d’employés qui se consacrent uniquement à ce travail et assumer les dépenses qui en découlent doit tout de même représenter un montant substantiel. Pourquoi n’apparaît-il pas dans les documents rendus publics par le FSD ?

Ainsi, seulement en considérant le financement additionnel que représentent les bourses et celui des événements spéciaux, on constate que le montant total de subventions accordées par le FSD est en réalité au minimum 40% supérieur à ce qui est publiquement annoncé. Existe-t-il d’autres sources de financement cachées ?

(Photo: forces.gc.ca)
(Photo: forces.gc.ca)

« QUAND DES SUBVENTIONS DE LA DÉFENSE NATIONALE PORTENT SUR DES PROJETS DE RECHERCHE VISANT À SUGGÉRER DES IDÉES, DES ORIENTATIONS OU DES POLITIQUES, CELA SOULÈVE DES CRAINTES JUSTIFIÉES. LES GUERRES COMPORTENT DES EXERCICES DE PROPAGANDE. MAIS, EN DÉMOCRATIE, IL SERAIT INACCEPTABLE QU’UN GOUVERNEMENT PAIE DES UNIVERSITAIRES POUR DONNER À SES OPTIONS UN CACHET SCIENTIFIQUE, ET USE DE CETTE AUTORITÉ INTELLECTUELLE POUR DISCRÉDITER LES VUES DE SES ADVERSAIRES OU INTIMIDER LES ÉLECTEURS APPELÉS À JUGER DE SES ENGAGEMENTS. »

– Jean-Claude Leclerc, professeur de journalisme, Université de Montréal, Le Devoir, 28 février 2008