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Répression à St-Paul, Minnesota

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Écrit par Philippe Duhamel

Équipe de paix et policiers, Saint-Paul 4 septembre 2008. (Photo: CC)
Équipe de paix et policiers, Saint-Paul 4 septembre 2008. (Photo: CC)

Le monde entier détourna les yeux :

« Diversité des tactiques », répression et manifestations à St-Paul, Minnesota (1e partie)

« La violence n’entraîne que souffrance pour ceux et celles qui souffrent déjà… plutôt que de démasquer la brutalité de l’oppresseur, elle ne fait que la justifier. » — César Chavez

 Le 1er septembre 2008, quelques centaines de manifestants et manifestantes de partout aux États-Unis ont tenté d’empêcher les délégués au Congrès du Parti Républicain de se rendre au Centre Excel, dans le quartier des affaires de Saint Paul, Minnesota, où on allait couronner le candidat à la présidence John McCain.  « Crash the Convention » (double sens que l’on pourrait rendre par « Invitons-nous pour que dérape le congrès »), tel était le mot d’ordre de la journée.

interTactica.org

Policiers à la convention RNC à St-Paul, 2008. (Photo: Ben Josephs)
Policiers à la convention RNC à St-Paul, 2008. (Photo: Ben Josephs)

Plus de 800 personnes arrêtées, sans oublier des douzaines d’autres détenues puis relâchées. Descentes policières au milieu de la nuit. Huit responsables de l’organisation accusés de « Conspiration pour provoquer une émeute en soutien au terrorisme », un délit criminel comportant une peine maximale de sept ans et demi de prison.

Infiltration policière au cœur des organisations. Perquisitions préventives et saisies. Munitions-bâtons (balles de plastique). Armes à surpression et grenades souples. Tasers. Poivre de cayenne. Gaz lacrymogènes.

Soyons honnêtes, quel côté a été le plus durement frappé, politiquement et numériquement?

L’intense brutalité de la répression dans les villes jumelles a pris, tel l’hydre monstrueuse, des formes aussi odieuses que multiples. Rage et indignation sont des réactions saines et vitales.

Mais une fois l’émotion passée, quelles questions faut-il poser?

Il existe plusieurs façons d’interpréter des événements comme ceux-là.

  1. La réponse dominante. Voir la façon dont les médias de masse représentent les manifestants, les Républicains, les actions policières. « Dieu merci, la Loi et l’Ordre ont prévalu. » « Nos forces de sécurité ont fait preuve de tant de retenue! »
  2. La manière victime. La répression politique dans les villes jumelles constitue une nouvelle preuve que les É.-U. sont devenus un État policier. « Voyez les vidéos sur Indymedia, Up-take et YouTube. Voici désormais l’orientation de notre pays. »
  3. La réaction macho. « Nous autres anarchistes avons gagné! » « Aye, t’as vu le clip sur YouTube où le flic se fait sauter dessus et où notre camarade se fait « désarrêter »?

Toutes ces réactions me semblent hautement insatisfaisantes. La paresse intellectuelle, la propagande paralysante et les délires mythomanes ne nous aideront pas à progresser.

Marche durant la RNC, Saint-Paul 2008. (Photo: CC)
Marche durant la RNC, Saint-Paul 2008. (Photo: CC)

À mon avis, la première question à poser est la suivante : la répression était-elle prévisible? Si oui, a-t–on cherché à la minimiser ou à la décupler? L’avons-nous utilisée à notre avantage ou nous a-t-elle réduits en bouillie?

Tout observateur attentif et tout militant un peu aguerri aura vu venir une répression perfide et à grande échelle. De nombreuses personnes ont souffert des événements, et tous ne connaissaient pas les risques qu’on leur faisait courir. D’ailleurs, tous n’étaient pas des manifestants.

Certains diront que la répression n’est pas notre responsabilité, mais plutôt celle du capitalisme et de l’État. Ils n’ont pas tort.

Mais voici ce que je dis : quand on sait que le plancher ne tiendra pas le coup et qu’on invite quand même toute la ville à venir danser, une partie de la responsabilité de l’effondrement nous incombe. On peut blâmer le propriétaire véreux tant que l’on veut, il reste que…

Le « respect pour la diversité des tactiques », comme on l’appelle, a sous-tendu les choix tactiques et stratégiques posés par le RNC Welcoming Committee et bon nombre des manifestants les plus explosifs. Il semble qu’énormément d’énergie politique ait été dépensée au Minnesota, pour de bien faibles résultats tangibles.

C’est pourquoi il me faut affronter celles et ceux de mes amis militants qui croient au cadre de la « Diversité des tactiques », le modus operandi maintenant convenu des manifestations contre les rencontres au sommet. J’en suis venu à croire que la navrante feuille de route de ce genre de manifestations et ces échecs à répétition sont directement imputables à une utopie teintée d’idéologie.

Black bloc au RNC, St-Paul 2008. (Photo: CC)
Black bloc au RNC, St-Paul 2008. (Photo: CC)

Depuis maintenant plus de huit ans, le sempiternel conflit entre les partisans de la lutte armée révolutionnaire et ceux et celles qui favorisent l’action nonviolente stratégique (qui elle aussi peut être révolutionnaire), est gommé par le cadre du « Respect pour la diversité des tactiques ». Il est depuis beaucoup plus difficile dans certains milieux militants de mener un véritable débat sur les choix tactiques et le cadre stratégique global sous lequel nous souhaitons fonctionner.

Le « Respect pour la diversité des tactiques » nous a été présenté comme LA solution, LA seule perspective unifiante qui permet enfin à tout le monde de travailler ensemble, sans égard aux opinions sur les tactiques violentes ou la stratégie nonviolente. Mon prochain billet explorera les lacunes de la Diversité des tactiques comme cadre dominant des débats stratégiques dans certains cercles militants antiautoritaires.

Entre-temps, j’invite vos commentaires.

Philippe Duhamel,

interTactica.org