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Lettre du père d’une victime du conflit en Afghanistan

Par 

Écrit par un père

Caporal Étienne Gonthier. (Photo: Archives)
Caporal Étienne Gonthier. (Photo: Archives)

Un « lavage de cerveau »: Le caporal Étienne Gonthier a été le 78e Canadien à perdre la vie en Afghanistan quand son véhicule blindé léger a explosé en passant sur une bombe artisanale.

« Comme première mission, l’Afghanistan, c’est beaucoup trop pour des jeunes. Ils n’ont jamais rien vécu. Ce jeune-là est parti et il n’avait jamais vu un cadavre. »

Plus de neuf mois après le décès de son fils Étienne, 21 ans, mort après avoir sauté sur une mine, près de Kandahar, Bernard Gonthier en a toujours gros sur le coeur contre l’armée canadienne.

Il croit que les jeunes soldats canadiens auraient avantage à se faire les dents dans des missions moins dangereuses avant d’être expédiés dans la poudrière afghane.

« Pense-y, ton kid qui a été élevé dans la soie s’en va au travers des talibans déminer des routes avec de l’équipement très ordinaire », dit-il, ajoutant que les jeunes sont pour la plupart inconscients des dangers de la guerre, n’en ayant vécu les atrocités que via le monde virtuel des jeux vidéo.

« Depuis l’âge de 12 ans, mon gars faisait des missions de guerre sur Internet. C’était une obsession. Il y a eu aussi le paint-ball. Tout d’un coup, il a décidé d’aller dans l’armée. À ce moment-là, le Canada participait à des missions de paix. Je l’ai laissé aller. »

Fausse représentation

Le résident de la Beauce déplore du même souffle le « lavage de cerveau » qu’il accuse l’armée de faire subir aux jeunes recrues. Il oppose un non catégorique quand on lui demande s’il est en mesure de dire, aujourd’hui, que son fils est allé défendre des gens dans le besoin.

« Oublie ça, tranche-t-il. Toute l’armée, c’est de la fausse représentation. Ils vont là pour l’argent et le thrill. Il y en a même qui vont là pour tuer. C’est ce côté-là que je déteste. Ils nous font croire que nous sommes là pour sauver un peuple et créer une démocratie. »

Désaccord avant le départ

Bernard Gonthier a tout fait pour dissuader son fils de partir. En vain. « Je venais en tab… Je me pognais avec lui. Il disait que dans une guerre, c’est normal que certains meurent. Ils sont programmés. Après la parade qui a précédé le départ, en juin 2007, à Québec, nous sommes allés prendre une bière avec ses amis. La télé dans le bar était à LCN et on y annonçait que deux militaires étaient tombés en Afghanistan. Ils n’ont pas eu de réaction, ils n’ont même pas regardé », se remémore M. Gonthier, qui affirme que son fils l’a eu à l’usure.

« Il m’a endormi tranquillement. Il est arrivé un jour en me disant qu’il était génie combat et qu’aucun d’entre eux n’était mort depuis les années 1950. À la fin de sa préparation, j’ai pris une semaine de vacances avec lui. Je lui ai dit qu’il avait gagné son point et que je l’appuyais. Mais je me sentais tiraillé. »

« Je suis dans un crisse de trou »

Secoué par les horreurs de la guerre, Étienne Gonthier n’avait plus envie du tout de retourner dans le bourbier afghan après ses vacances de Noël en Beauce.

En témoigne, selon son père, la discussion qu’il a eue avec son fils dans les jours qui ont précédé sa mort, après que deux de ses amis eurent été impliqués dans des attentats dont un (le soldat Richard Renaud) n’a pas survécu. « Il a essayé de m’appeler durant la semaine suivante, mais il n’a pu me joindre. Quand on s’est parlé, il m’a demandé où j’étais. Il était tout croche. Il m’a dit qu’il avait passé plusieurs nuits sans dormir. À la fin, je lui ai dit qu’il ne lui restait plus que vingt-neuf jours. Il m’a répondu qu’il ne comptait plus rien. »

Il aurait ensuite confié ses états d’âme à la blonde d’un copain, par caméra web.

« Il lui a dit qu’il se détestait d’être là, qu’il regrettait et qu’il n’était pas à sa place. »

Regrets

C'est à Saint-Georges qu'a eu lieu les funérailles militaires du jeune caporal Étienne Gonthier. (Photo: Jean-François Fecteau)
C’est à Saint-Georges qu’a eu lieu les funérailles militaires du jeune caporal Étienne Gonthier. (Photo: Jean-François Fecteau)

Si Bernard Gonthier a un regret, c’est de ne pas avoir insisté davantage pour retenir son fils lors de ses vacances de Noël.

« J’aimerais ça revivre le moment où on a pris une bière sur le canapé avant qu’il ne reparte. Parce qu’il n’y retournerait pas. Je suis bourré de regrets et il ne faudrait pas que j’en aie. (…) Malheureusement, c’est un jeune qui s’est réveillé trop tard. » e… afin de ramener les hommes à la raison…

Bâtissons la paix avec l’amour et non avec la haine… »

Texte original publié dans le Journal de Québec, par Cédric Bélanger

Autres références :

http://www.canoe.com/infos/quebeccanada/archives/2008/10/20081014-085039.html?daaee343ad98475ca0ab2a6a065d6e95

http://www.theglobeandmail.com/servlet/story/RTGAM.20080125.wafghansoldier25/BNStory/Afghanistan/?page=rss&id=RTGAM.20080125.wafghansoldier25