Écrit par Médecins pour la survie globale
Dans notre culture traditionnelle, comme dans bien d’autres, on enseigne surtout des valeurs aux enfants par le biais des histoires. Toutefois, dans notre réalité culturelle moderne, les moyens de transmettre les histoires se sont multipliés et ce sont la télévision et les jeux électroniques qui racontent une portion croissante de ces histoires. Trop de parents cèdent cette responsabilité éducative trop facilement.
Les histoires que notre culture choisit de raconter et les modèles qui sont donnés en exemple à nos enfants et à nos adolescents prônent, jonglent avec les peurs et la mort; le cœur du message restent le recours à la violence pour faire face aux différents et conflits.
Dans notre société, les enfants passent en moyenne plus de 20 heures par semaine à visionner des productions ou à jouer à des jeux électroniques. Plusieurs passent même beaucoup plus de temps devant ces appareils électroniques qu’à l’école ou à faire tout autres activités, mis à part dormir. Lorsqu’ils interagissent avec ces appareils, les enfants peuvent être exposés à plus de 12 000 actes de violence de plus en plus réalistes et crus par an.
Ces outils transmettent-ils les bonnes valeurs à nos enfants?
La violence dans les médias électroniques, et les comportements agressifs
Il existe un lien bien réel entre la violence visionnée et le comportement agressif chez les enfants.
Entre les années 1950 et les années 1990, on a amassé une quantité impressionnante de preuves indiquant que les émissions télévisées violentes influencent le comportement des enfants en les rendant agressifs. La violence télévisée n’est bien évidemment pas la seule fautive, mais étant donné le temps anormalement long que l’enfant nord-américain moyen passait à ce moment devant l’écran, elle constituait un facteur prépondérant.
Les théories sur la façon dont l’exposition à la violence télévisée entraîne des comportement anti-sociaux indiquent que l’enfant apprend plus que de simples modèle de comportement violents. Ce n’est pas le geste comme les coups de pied ou les technique d’arts martiaux qui inquiètent. Ce qu’il apprend véritablement, ce qu’on renforce dans son esprit, c’est la fausse perception que la violence est utile. On martèle continuellement des scénarios fictifs et irréalistes; sur une manière néfaste de faire face aux conflits normaux du quotidien. Dans la réalité, la violence ne solutionne pourtant rien, elle multiplie les haines et les violences; et mène à une escalade.
Les médias numériques réaffirment continuellement l’utilité des approches agressives et de la riposte. On renforce continuellement une acceptation de ces façons de réagir, qui ne fonctionnent pas dans le quotidien. Cette réalité se manifeste surtout lorsque le jeune téléspectateur s’identifie au personnage qui commet des actes de violence à répétition. Le drame est que les outils véritablement utiles pour faire face à la réalité du quotidien, les comportements pro-sociaux d’écoute, d’expression contrôlée et d’affirmation constructive de soi, eux, sont complètement évacuées, occultés. Les référents comportementaux négatifs sont continuellement renforcés; les référents positifs sont pratiquement complètement évacués.
Bon nombre des scénarios, et des dialogues des émissions télévisées violentes s’apparentent à des scénarios sur les « forces ennemies »; une vision hautement polarisée du conflit. Un dirigeant puissant et méchant veut, avec ses hommes de main souvent très fort et cruel, prendre le contrôle d’une ville, d’un pays, du monde ou de l’univers pour servir ses propres intérêts. Le héros et ses associé(e)s en utilisant une contre violence plus efficace repoussent les forces du mal. Ce scénario simpliste est commun à de nombreuses émissions pour enfants; et il est servi sous de multiples formes. Tant dans la forme hyper réaliste que la forme complètement surréaliste; le message est le même… « La violence des bons l’emportera. »
Parmi les éléments de ce type de scénario, on retrouve de nombreuses faussetés:
• le monde divisé entre le bien et le mal;
• parfois les « méchants » ne sont pas complètement humains, ce qui justifie plus facilement la « juste violence » du bon;
• l’équipe bien armée des « gentils » facilement identifiable, est celle avec laquelle on s’identifie;
• on peut chercher le bien et résoudre les conflits en ayant de façon persévérante recours à la violence;
• mis à part le fait d’anéantir l’ennemi, la violence n’a pas d’effets marqués; jamais rien sur les nombreux effets secondaires néfastes de la violence.
Le danger avec cette médiatisation à outrance; c’est la multiplicité des fausses perceptions qu’elle entretient.
Jeux vidéo, l’interaction et le réalisme violent
Pour bien des enfants, les émissions télévisées ont depuis plusieurs années été remplacés par des jeux vidéo violents. On ne se contente plus de visionner les scénarios; on y prends part en agissant sur une réalité virtuelle. Les geste et intentions de riposte sont répétés et deviennent réflexes. Les sentiments et la tension accompagnent le jeu; et stimulent continuellement les réflexes de contre violence et permettent de gagner. La contre violence devient la recette de la victoire.
Malheureusement trop de parents ne prennent pas le temps de connaître ces jeux, et sont mal outillés pour encadrer adéquatement leurs enfants. Trop souvent, ils ne savent tout simplement pas à quoi jouent leurs enfants, et ne saisissent pas l’impact destructif de ces jeux par le développement d’une perspective anti-sociale de la vie en société. Certains parents sont choqués par la violence brutale et sadique de certains de ces jeux auxquels les enfants ont accès. Pourtant, ce qui est le plus choquant c’est le modèle d’interaction avec l’autre qu’ils renforcent.
Tout comme certaines émissions télévisées particulièrement violentes, les jeux vidéo scénarisant la violence apprennent aux enfants à associer la violence et la simulation de meurtre avec une normalité, le divertissement et un sentiment d’accomplissement. Une distorsion importante dans les perceptions se forge et se transmet au vocabulaire, aux attitudes et aux gestes de façon subtile. Les comportement asociaux, et même anti-sociaux se multiplient.
Au fur et à mesure des progrès technologiques dans les simulations virtuelles, les jeunes joueurs sont récompensés par des représentations de plus en plus réalistes de la mort, des victimes blessées, des blessures sanguinolentes et des effets spéciaux spectaculaires. Leurs personnages se défendent en tuant, et bénéficient parfois de nombreuses vies; le combat est banalisé. L’important pour ces enfants est de passer des heures entières à améliorer leur habileté, leur adresse à mieux viser et à gagner. Plusieurs aspects du combat sont intégrés. Le jeune joueur est graduellement désensibilisés au fait de déchiqueter des représentations humaines de plus en plus réalistes. Cet effet se rapproche beaucoup des exercices de simulation de combat qui servent à acclimater les militaires au combat et à développer chez les soldats les réflexes et habiletés à tuer.
En fait, les armées utilisent de plus en plus les simulateurs virtuels pour la formation des soldats et les outils de formation utilisés se rapprochent de plus en plus de la réalité virtuelle qui est servie par les fabricant à vos enfants. L’effet de désensibilisation est aussi celui recherché par les consoles de réalité virtuelle utilisées par les soldats. Si de tels outils sont jugés efficaces par les armées et de plus en plus utilisés avec les militaires; comment peut-on prétendre qu’ils n’ont pas d’effet sur les jeunes?
Il n’existe pas de meilleure façon que d’exposer les jeunes à ces jeux néfastes pour faire en sorte que nos enfants acceptent la guerre, le militarisme et le règlement extrêmement violent des conflits.
Culture de violence dans un monde tourmenté
Année après année, on compte entre 35 et 40 conflits armés de par le monde, à tout moment. Nos jeunes doivent rester sensibles à ces réalités.
On parle de conflits aux conséquences graves; où les morts se comptent par dizaines de milliers, les civiles surtout les enfants en sont les plus nombreuses victimes, la dévastation dramatique est conduite par des engins sans pilotes, ces guerres sont souvent conduites par des enfants-soldats et génèrent des centaines de milliers et parfois des millions de réfugiés. Bien entendu, les jeux vidéos ne reflètent jamais une telle réalité dans leur miroir déformant.
On peut facilement pressentir l’impact dramatique de la désensibilisation de nos jeunes présentement en cours.
Parmi les conflits guerriers en cours, seuls quelques-uns sont considérés comme étant dignes d’être mentionnés dans les journaux télévisés.
Heureusement, il existe maintenant de plus en plus de voies de communication pour que l’on sache que ces innommables drames se déroulent. Nous ne dépendons plus des grandes agences de presse internationales pour la diffusion limitée d’informations; les technologies globales de communication permettent de sortir des enjeux qui ont un lien direct avec les politiques américaines.
Les reportages sur les attentats terroristes, les conflits violents et la guerre font entrer la violence dans nos foyers. Influencée par les médias et les jeux vidéos, l’opinion publique ne voit souvent aucune alternative face à une montée infernale de la violence.
Malheureusement, pour plusieurs d’entre nous, et un nombre croissant de nos jeunes; l’enchaînement des menaces, d’insultes entre les dirigeants et le recours à la violence massive infligée par un arsenal de haute technologie semble regrettable, mais cependant inévitable.
Pourtant, cette glorification de la violence et des guerres n’est pas inévitable.
Que faire?
Depuis les années 1950, les chercheurs ont amassés une quantité impressionnante de preuves indiquant que les émissions violentes influencent négativement le comportement des enfants en les rendant agressifs entre eux.
Pourtant, nombreuses sont les mesures qui peuvent être prises par les adultes pour atténuer, et contrer ces effets pervers de la surexposition aux violences:
-
Mettez souvent l’emphase sur des émissions pour jeunes enfants qui sont à caractère sociable et moralement neutres. Il a été prouvé que les émissions qui mettent l’accent sur des modes de coopération à caractère sociable, augmentent la sociabilité chez les enfants, éventuellement en créant davantage de « scénarios » positifs.
- Limitez le temps que vos enfants passent en état de visionnement ou d’interaction avec un médium électronique à une heure par jour; encouragez vos enfants à faire d’autres activités; avec d’autre jeunes afin de diversifier les interactions.
- Encouragez vos enfants à lire – les romans pour enfants abordent un éventail bien plus vaste de valeurs que les émissions pour enfants.
- Discutez avec les enfants plus âgés des idéaux présentés dans les média électroniques qu’ils utilisent; et de la façon dont ils concordent avec les vôtres ou en diffèrent.
- Soyez proactif : écrivez aux annonceurs pour leur parler des créations audio-visuelles violentes; écrivez aux chaînes de télévision, aux maisons de production et contribuez à sensibiliser le public. Il existe plusieurs groupes qui oeuvrent en vue de mettre un frein à la programmation d’émissions violentes et à la production de jeux vidéo violents (voir « Autres références »).
- Mettez autant que possible vos enfants dans le coup, ces exercices d’actions citoyennes permettront aux jeunes de mieux saisir votre point de vue et vos valeurs et de les confronter aux leurs. La présence de ces jeux peut être une occasion d’échange et d’éducation sur la violence et la non-violence.
-
Enseignez des méthodes pacifiques de résolution de conflit. De nombreuses écoles utilisent déjà des programmes tels que « Vers le Pacifique », le projet « LOVE » et aborde ces question avec beaucoup de succès. (voir « Autres références »).
- Renseignez-vous à propos des programmes contre l’intimidation à l’école.
- Les services publics, écoles, services de garde, hôpitaux et les cliniques pédiatriques devraient être des milieux exempts de violence, sans accès à des jeux ou vidéos contenant de la violence. Les jeunes y sont suffisamment exposés dans leur vie privée.
- Les médecins, les éducateurs et les autres personnes qui travaillent avec des enfants et des adolescents doivent être conscients et savoir qu’il existe un lien entre l’agression et la violence dans les médias et les divertissements; et la réalité des violences et des guerres.
- Ils devraient être suffisamment outillés et confortables avec ces questions pour en discuter ouvertement avec les parents et les jeunes personnes qui ont des problèmes de comportement agressif.
Nous espérons pouvoir contribuer à la reconnaissance par tous du fait que l’enseignement de la résolution des conflits par la violence est néfaste. Ces visions simplistes du monde et des interaction entre individus véhiculés dans les médias et les divertissements font non seulement du tort à nos enfants et mais aussi à notre société à l’échelle nationale, mais aussi à toute la communauté internationale; et surtout aux personnes qui subissent les guerres.
Les histoires que nous racontons à nos enfants où à ceux sous notre responsabilité doivent dorénavant être davantage empreintes de compassion et de compréhension.
Loin d’être inévitable!
Qu’est-ce qui pousse des gens convenables et attentionnés à accepter l’exposition continue de jeunes à des messages violents? Pourquoi constatons-nous le recours croissant à des réponses violentes de la part des jeunes? Le recours fréquent à une violence à grande échelle pour répondre à un conflit règle-t-il quoi que ce soit? Un nombre croissant d’observateurs en doute. Mais, qu’est-ce qui fait croire à tant de nos concitoyens que la guerre est inévitable? Qu’elle est même souhaitable? Les loisirs violents auraient-ils comme fonction principales de nourrir ces croyances?
Pour bien comprendre cela, il faut examiner la façon dont nous apprenons à réagir face à la guerre et à la violence. Ce que nous acceptons comme étant normal, et ce que nous croyons être bon et approprié contribue non seulement à façonner notre comportement quotidien; mais aussi ce que nous acceptons, dans notre pays et dans le monde.
Bon nombre de ces suppositions et croyances sont acquises pendant l’enfance et elles persistent sans grand changement à l’âge adulte. Les « scénarios» visionnés ou activement simulés ont été retenus, souvent intégrés, avec tout l’éventail des valeurs qui y sont associées.
Mais on constate aujourd’hui, souvent avec horreur que tout dérape lorsque certains individus vulnérables les appliquent dans la vraie vie : les conflits doivent ainsi être résolus par la violence, ceux qui sont dans l’autre camp sont « méchants » et on a donc raison de les tuer.
Dans l’autre sens, nos jeunes sont exposés à trop peu de « scénarios » pour résoudre les conflits de façon pacifique, pour reconnaître la valeur de la non-violence, de valoriser la perspective de ceux avec lesquels on est en conflit et pour comprendre les raisons de leur comportement. La perspective de conflit comme une opportunité d’évoluer et de changer; d’intégrer la différence pour en faire une force est inexistante des messages transmis.
L’exception de la violence devient la règle de normalité; et la normalité de l’interaction avec la différence de l’autre pour évoluer devient l’exception. Ainsi, on accepte la guerre comme quelque chose d’inévitable, et on s’efforce trop rarement d’examiner et d’essayer les nombreuses solutions non-violente de lutte pouvant servir au changement politique sans violence.
Nos attitudes suivent des logiques bien complexes. Ces attitudes peuvent notamment s’expliquer par nos suppositions sur la façon dont le monde fonctionne. Souvent ces suppositions prennent racine dans l’enfance, par le biais des histoires que l’on nous raconte.
Nous devons réapprendre à enseigner la non-violence et la paix!