Extrait de l’ouvrage: Gene SHARP et Bruce JENKINS (2009), L’Anti-Coup d’État, L’Harmattan, Paris; 109 p.
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LES SUPPORTERS DE LA DÉMOCRATIE politique, des Droits de l’Homme et de la justice sociale s’inquiètent à juste titre des coups d’État. Ces prises de contrôle brutales de l’appareil d’État se sont produites à maintes reprises au cours des dernières décennies. Des coups d’État ont renversé des gouvernements démocratiques constitutionnels, stoppé des mouvements pour une plus grande démocratie, et imposé des régimes brutaux et oppressifs. Les coups d’État sont l’un des moyens principaux par lesquels les nouvelles dictatures se mettent en place. Ils peuvent aussi entraîner des guerres civiles et des crises internationales. En termes de défense, les coups d’État restent l’un des problèmes majeurs non résolus.
Un coup d’État est une rapide prise de contrôle physique et politique, de l’appareil d’État, par un groupe de conspirateurs s’appuyant sur la menace ou le recours à la violence. Les membres du gouvernement précédent sont déposés contre leur volonté. Le groupe responsable du coup d’État commence par occuper rapidement les centres de commande, de décision et d’administration, remplaçant le précédent chef de l’exécutif et les plus hauts fonctionnaires par des personnes de son choix (civiles ou militaires). Ils finissent par contrôler l’ensemble de l’appareil d’État. Les coups d’État réussis sont en général achevés rapidement, en moins de quarante-huit heures. Au cours des dernières décennies, des coups d’État ont eu lieu dans des dizaines de pays, dans presque toutes les régions du monde, particulièrement dans les pays suivants : Thaïlande, Birmanie, Philippines, Brésil, Ghana, Tchécoslovaquie, Libéria, Chili, Fidji, Grèce, Libye, Laos, Guatemala, Argentine, Grenade, Pologne, et Union soviétique.
Les coups d’État ont été très fréquents dans les États fraîchement décolonisés du continent africain. Le premier fut le coup d’État qui renversa le Président du Kenya Kwame Nkrumah en 1966. La Thaïlande a connu quatre coups d’État entre 1951 et 1976, ce qui a entravé la marche de la démocratie. En Libye, Muammar Kadhafi a pris le pouvoir à la suite d’un coup d’État militaire en 1969. Au Chili, le gouvernement Allende a été renversé par un coup d’État militaire en 1973. Au Brésil en 1964, un coup d’État militaire a établi un régime militaire répressif qui a gouverné pendant des années. Au Guatemala, le coup d’État de 1982 a été suivi d’un autre coup qui a installé aux commandes le Général en retraite Rios Mott. On peut citer parmi les meilleurs exemples des dernières décennies l’imposition de l’état d’urgence en Pologne en 1981, qui permit d’installer comme Président le Général Jaruzelski, afin de réprimer le syndicat indépendant Solidarité, ainsi que la tentative manquée de coup d’État montée en août 1991 par le noyau dur en Union soviétique. Les coups et tentatives de coups d’État continuent. Certains commentateurs ont écrit que ce sont les coups d’État – et non les élections – qui « ont été le moyen le plus fréquent de changer les gouvernements » et qu’en Afrique postcoloniale « les coups d’État militaires sont en fait devenus le moyen institutionnalisé de changer de gouvernement… ».
Certains estiment que les coups d’État se produisent moins fréquemment qu’auparavant, mais aussi que ce déclin peut être de courte durée et que, même, un pays qui a pu éviter d’en subir un pendant des années n’est pas à l’abri.
De gros moyens et des fonds importants sont consacrés aux préparatifs pour résister à une éventuelle invasion étrangère. Pourtant rien ou presque n’est prévu pour préparer les sociétés à faire face au problème de défense posé par les coups d’État, malgré leur fréquence dans la politique mondiale. Il est grand temps d’aborder la défense « anti-coup ».