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L’abolition de la guerre, un but réaliste

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Gene Sharp dans son bureau à l'Institut Albert Einstein à Boston, 2012. (Photo: Sebastian Kim)
Gene Sharp dans son bureau à l’Institution Albert Einstein à Boston, 2012. (Photo: Sebastian Kim)

Extrait de l’ouvrage: Gene SHARP (1993), L’abolition de la guerre, un but réaliste, Cahier de la non-violence, no. 4, Centre des ressources sur la non-violence, Montréal, Qc; 35 p.

Pour consulter le document complet, veuillez cliquer sur L’abolition de la guerre – un but réaliste

Le caractère dévastateur de la guerre moderne est connu par l’ensemble de la planète. Pourtant, la plupart des gouvernements, appuyés par les citoyens, accumulent l’arsenal militaire et les contingents les plus nombreux et divers qui leur soit possible de réunir. De toute évidence, jusqu’à présent aucun des mouvements ou des propositions visant à abolir la guerre et à instaurer une ère de paix mondiale n’a réussi. De plus, sous plusieurs aspects importants, ces buts semblent aujourd’hui moins réalisables qu’il y a quelques décennies.

Manifestation anti-nucléaire en mars 2015. (Photo: vandenbergwitness.org)
Manifestation anti-nucléaire en mars 2015. (Photo: vandenbergwitness.org)

II est évident que ce grave problème politique n’est qu’un de ceux que nous n’avons pu résoudre: les dictatures, les génocides, les systèmes d’oppression sociale et le faible pouvoir du peuple doivent, entre autres, être considérés dans notre recherche pour une solution au problème de la guerre. Face à la poursuite des conflits armés et aux préparatifs de guerres, la plupart des gens éprouvent un sentiment de résignation, de désespoir ou d’impuissance. <<La guerre est inévitable>> pense-t- on; nous jetons la faute sur la « nature humaine », sur les « méchants » de notre choix. Certains s’entêtent à suivre fidèlement les vieux sentiers battus conduisant à des rêves aujourd’hui disparus, sans se demander s’ils sont sur la bonne voie. D’autres s’efforcent d’atteindre rapidement leur but, prenant des raccourcis ou ayant recours à des actes désespérés, sans aucune base saine montrant que leur tentative réussira là où d’autres ont échoué, et sans même être sûrs de ne pas empirer les choses. Cela est insuffisant. Nous pouvons trouver des solutions plus créatives et il est de notre devoir de les appliquer et de les développer. Si elles reposent sur des bases saines et sont appliquées et développées de façon réaliste, elles pourraient  constituer un nouvel espoir.

Pour que les nouvelles solutions au problème de la guerre reposent sur des bases saines, certaines dures réalités doivent être considérées, ce que la plupart des militants pacifistes ne font pas toujours. En voici quelques- unes :

  • certains types de conflits, exigeant l’usage d’une forme de puissance, existeront toujours au sein des sociétés et entre celles-ci;
  • la « nature humaine » ne doit pas changer et ne changera probablement pas;
  • les gens et les gouvernements ne sacrifieront pas la liberté ou la justice par égard pour la paix;
  • il n’y aura pas de conversions massives au pacifisme;
  • la spirale croissante de la quincaillerie militaire ne s’interrompra pas d’elle-même dans le contexte de la technologie militaire et des hypothèses militaires;
  • des dictatures brutales et des systèmes oppressifs existent, perdureront, peuvent devenir plus graves et chercher à prendre de l’expansion;
  • l’abolition du capitalisme n’entraîne pas l’abolition de la guerre;
  • les négociations ne remplacent pas la lutte et les sanctions;
  • le « désarmement » unilatéral, c’est-à-dire l’abandon de la capacité de se défendre, n’est pas une option acceptable dans le système de guerre et n’est donc pas possible;
  • un désarmement multilatéral d’envergure est tout aussi improbable;
  • l’indépendance nationale n’est pas source de guerre. Un gouvernement mondial est irréalisable, et s’il devait être réalisé, pourrait être à l’origine d’une guerre civile mondiale, devenir tyrannique et imposer ou perpétuer l’injustice.

Notre recherche d’une solution au problème de la guerre ne doit pas être fondée sur des théories utopiques illusoires ou sur une croyance naïve dans les intentions politiques des protagonistes des conflits internationaux.