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La peine de mort imposée à des objecteurs de conscience

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Par le groupe Suisse sans armée et le Centre de ressources sur la non-violence

Le Centre a participé au Deuxième congrès mondial contre la peine de mort tenu à Montréal du 6 au 9 octobre derniers. En collaboration avec Suisse sans armée, il y a présenté ce texte sur la condamnation à mort imposée par certains pays aux objecteurs de conscience.

En cette période tourmentée où de nombreuses régions du monde sont affectées par des conflits armés, la situation particulière des objecteurs de conscience nous préoccupe. Dans plusieurs pays, les jeunes militaires sont souvent mobilisées de force et sont utilisés dans des fonctions impliquant une répression violente de populations civiles pour contrôler des remous sociaux. Encore trop d’armées utilisent la peine de mort pour dissuader la désertion et forcer l’obéissance, tant des militaires consentants que des objecteurs de conscience .

Dans ce contexte, nous sommes donc très préoccupés par le sort réservé dans plusieurs pays aux objecteurs de conscience au service militaire. Cette préoccupation est reconnue dans la résolution 1998 / 77 de la Commission des droits de l’Homme des Nations Unies qui précise que les objecteurs de conscience ne peuvent pas être jugés par un tribunal militaire. Même s’ils sont déjà incorporés dans l’armée, ils doivent pouvoir être jugés par une instance indépendante.

La peine de mort prononcée par un tribunal militaire ne devrait pas, en toute logique, s’appliquer à un objecteur de conscience. De fait, de telles condamnations ont été prononcées en temps de guerre par des tribunaux qui ne reconnaissaient pas le grave trouble de conscience que constitue le fait d’être mis dans l’obligation de tuer. Ces tribunaux militaires considèrent les objecteurs comme des traîtres et des déserteurs, et non comme des êtres humains faisant face à un profond dilemme moral.

Nous regrettons que les tribunaux militaires ne suivent pas toujours l’évolution du droit international. Nous rappelons que la peine de mort ne peut être imposée en aucune circonstance à des personnes âgées de moins de 18 ans et à des femmes enceintes selon l’article 6 du pacte relatif aux droits civiques et politiques. Nous demandons d’ajouter à cette liste d’exemption à la peine de mort les objecteurs de conscience, dont le bon droit a été reconnu par l’observation générale numéro 22 du même pacte. Ceci peu importe s’il sont en situation de désertion.

D’après notre enquête, vingt neuf (29) États ont par le passé exécuté des déserteurs. Parmi eux, seulement quatre (4) ont signé et ratifié le deuxième protocole facultatif sur la peine de mort. Deux (2) États encore ont fait des réserves sur l’interdiction de la peine de mort en temps de guerre pour des crimes sérieux de caractère militaire. Cette réserve ne devrait pas s’appliquer aux objecteurs de conscience qui refusent de servir dans l’armée, que ce soit en temps de guerre ou de paix.

La résolution de la Sous-Commission 1999 / 4 traitant de la peine de mort « prie instamment tous les États qui maintiennent la peine de mort spécialement pour refus du service militaire ou pour désertion de ne pas appliquer la peine de mort lorsque le refus du service militaire ou la désertion résulte d’une objection de conscience à ce service ». Dans plusieurs pays la législation militaire prévoit la peine de mort et quelques armées ont procédé à des exécutions capitales: Algérie, Angola, Chili, Corée du Nord, Ethiopie, Ghana, Irak, Maroc. Comme il est difficile de sonder les consciences, il convient de ne pas appliquer la peine de mort. C’est ce que recommande le groupe de travail sur la détention arbitraire dans son rapport E/CN4/1999/63, par.80 du 18/12/98.

La communauté internationale cherche des voies non-militaires, pour prévenir, contrôler et désamorcer les conflits ciblant les populations civiles. La protection des objecteurs de consciences pourrait devenir un outil central, une voie permettant de réduire l’emprise de certaines armées sur la conscience de leur citoyens conscrits. Dans une optique d’interventionnisme non-militaire, la commission devrait envisager sérieusement le devoir des pays signataires de donner assistance aux objecteurs de conscience menacés par la peine de mort.

Nous sommes donc d’avis qu’il serait hautement souhaitable, comme première étape d’une démarche législative de prévention des guerres et de désamorçage des conflits, de souligner, dans une résolution sur les tribunaux militaires, l’interdiction d’imposer la peine de mort aux objecteurs de conscience.