Le Québec est-il sur la bonne voie?
Montréal a récemment créé un « Centre de prévention de la radicalisation menant à la violence », lequel a débuté ses interventions en assurant la présence des agentEs du SPVM au Collège Maisonneuve où, semble-t-il, le nombre de signalements de présumés cas de radicalisation ne cessait de croître.
En trente ans, on a vu passer plusieurs tendances de violence chez les jeunes : violence dans les médias, dans les relations amoureuses, dans les cours d’école; suicide, violence verbale, intimidation, cyber intimidation, menace de tireur fou, gangs de rue, etc. Cette fois, c’est la radicalisation religieuse dans les cégeps qui retient toute l’attention, une autre de diverses formes d’un seul et même phénomène, la violence : sociale, contre l’autre et envers soi.
En réplique à ces dominances périodiques, ont été imaginées des modes « anti-violence » qui semblent tout le temps les mêmes. Un événement dramatique se produit; il est suivi de médiatisation et, naturellement, un vent de panique; des « mesures de sécurité » sont mises en place à la sauvette… Par la suite, est mobilisée la police, l’institution par excellence, qui monopolise les budgets de sécurité.
La paranoïa sociale
Les responsables (politiques et scolaires) mettent en place des programmes de formation, pour faire connaître les conséquences criminelles des violences ou pour sensibiliser à la nécessité de la dénonciation. Suivent alors, dans les institutions d’éducation, des lettres, des avis, la présence policière. Question de redonner un sentiment de sécurité à ceux et celles qui fréquentent l’école.
Avec les années, l’obsession sécuritaire affecte les institutions scolaires dont l’atmosphère de réglementation accablante crée chez les jeunes un climat de méfiance, le sentiment d’être constamment surveillés, contrôlés.
Peu de citoyens sont conscients de l’omniprésence dans les milieux scolaires de chiens renifleurs, de gardes de sécurité, de caméras vidéo panoramiques, de double portes auto-verrouillantes, de fouilles, de périmètres sécuritaires, de grilles cloisonnant les casiers et des présences policières qui, de plus en plus font partie du quotidien des jeunes, surtout au secondaire. On entend souvent les élèves souligner qu’en situation de violence, ce sont les policiers qui viennent leur parler. Au primaire, les enfants s’exercent au « confinement barricadé » sous ordre des autorités policières, un exercice qui consiste à simuler un incident violent à l’école et à exécuter ensuite des manœuvres de sécurité extrêmes. L’impression en est parfois que les menaces guettent aux portes de l’école et que les périls sont toujours imminents.
Une « paranoïa sociale » n’a-t-elle pas élu domicile au Québec?
Comment se fait-il qu’on en soit rendus là ?
Le problème avec l’omniprésence médiatique de la violence-spectacle n’est pas qu’elle stimule ou encourage la violence, mais plutôt qu’elle prend toute la place, faisant en sorte qu’il n’y a plus d’espace pour parler des moyens « non-violents » de résolution des conflits ou de solutions à des insatisfactions.
Il ya lieu pourtant de développer, au sein d’une population, de multiples compétences communicationnelles dont la capacité d’écoute, l’affirmation de soi respectueuse, la participation au développement du consensus; des habiletés de base qui concourent aux interactions sociales adéquates : l’estime de soi dans son environnement, la capacité de voir la différence comme une richesse et une opportunité, la résolution non-violente des conflits; les aptitudes pro-sociales dont celles permettant d’identifier et d’accompagner les personnes vulnérables, de détecter et assurer diffusion des situations de confrontation, d’agir comme tierce partie, de savoir se protéger physiquement sans riposte violente, etc.
Sous un angle plus politique, le principal défi n’est-il pas de concilier droits et responsabilités, faire connaître les moyens, tactiques et stratégies, pour affirmer ses convictions et appliquer une FORCE, « sans recourir à la violence »?
Des moyens d’action et d’intervention non-violents sont en développement un peu partout, ils restent pourtant méconnus de nos jeunes, même ceux qui questionnent la violence et l’incapacité de la société à y mettre fin.
Ces jeunes deviennent une clientèle manipulable par les porteurs du « délire sécuritaire » et des proies faciles des gourous de la radicalisation qui leur donnent l’illusion de pouvoir faire avancer une cause ou un objectif révolutionnaire.
La nouvelles « mode » pour contrer les radicalités religieuse et militante se réduit aux appels à la rescousse des services de l’ordre et de renseignement ou de sécurité. Le climat social est à la peur. Ce sur quoi des gouvernements apprennent à capitaliser en optant pour des mesures coercitives, la judiciarisation des conflits sociaux, des lois abusives, toute une dynamique qui s’illustre bien avec les politiques gouvernementales des dernières années dans lesquelles ne s’est manifesté aucun effort de type diplomatique, de sanction non-violente ou d’intervention préventive.
On passe loin des remèdes à la radicalisation dont la source est le désespoir qui touche notre jeunesse, persuadée d’avoir de moins en moins voix au chapitre.
Notre société a-t-elle fait le choix de la confrontation sociale, de la contre-violence par la répression, les caméras, les grillages et les matraques au lieu des approches éducatives ?