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LA CULTURE DE L’EAU CHEZ LA NATION SYILX

Par 

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L’eau, c’est notre vie.

L’eau, c’est notre relation.

L’eau nous maintient en lien avec nos ancêtres, nos descendants et notre terre.

(Déclaration sur l’eau de l’Alliance de la nation Okanagan, Spaxomin, Colombie Britannique, 31 juillet 2014).

par Gerry Pascal

Au début du mois d’octobre 2015, J’ai rendu visite  aux membres de ma famille en Alberta et en Colombie Britannique. Deux semaines plus tard, avant de reprendre mon avion pour Montréal, j’ai passé quelques jours à Kelowna, dans la vallée d’Okanagan, dans le sud de la Colombie Britannique. J’étais en plein territoire ancestral de la Nation Syilx, une des 25 nations des peuples parlant Salish.

Alors que j’étais invité par les Syilx à participer à leurs rencontres en qualité de visiteur, j’ai pu faire le tour de la belle vallée pour ensuite être invité à la Water Conférence, Conférence sur l’eau, organisée par l’Alliance de la Nation Okanagan (ONA) le 14 octobre. L’ONA est un des groupes autochtones les plus organisés du Canada. Ce qui se reflétait bien sur l’organisation de cette conférence.

Le thème de la Conférence, l’EAU, est très significatif. L’eau est en tout point essentielle à la culture  Syilx.

La conférence s’est tenue à un hôtel de Kelowna où se sont rassemblées plus de 100 personnes. Le chef Stewart Phillips, un important leader pour les Syilx en particulier et pour les peuples autochtones de Colombie Britannique en général, a prononcé le discours d’ouverture. David Suzuki, le renommé journaliste de CBC et militant environnementaliste a aussi pris la parole. Il a décrit sa situation de retraité comme la plus favorable pour lui de parler plus librement. Nous devrions entendre plus parler de lui dans les jours qui viennent.

 

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Une des présentations a été donnée par deux experts autochtones : Marlowe Sam, Ph. D., et Jeanette C. Armstrong, Ph.D., qui ont parlé de l’eau à la lumière de leurs propres perspectives autochtones et de leurs propres points de vue : le saumon, l’eau potable, le moyen de transport.

Le saumon est l’aliment le plus important chez les Syilx; on peut en mesurer l’importance par la gamme de cérémonies et de protocoles qui l’entourent. Par rapport à l’eau potable, il faut noter que le droit à l’eau est un impératif, le même pour les humains et les autres animaux; elle doit être traitée avec le plus grand respect. Par ailleurs, aussi longtemps que le transport est concerné, il est assuré par les cours d’eaux et en l’occurrence, le système de Fraser River, le principal moyen de transport, de commerce et de communication.

Les voies maritimes assurent des connexions importantes et des interactions entre toutes les nations Salish du système de navigation fluviale Fraser-Columbia, créant une culture de réciprocité qui remonte à des temps immémoriaux. Aujourd’hui, les Salish incluent le Sud de la Colombie Britannique, l’État de Washington, le nord d’Idaho et des parties du Montana.

La réciprocité est maintenue par un certain nombre de pratiques telles que les rites de pêche intertribal au saumon et des protocoles intertribaux sur l’eau pour assurer le respect mutuel et l’accès pacifique à un plus large espace de pêche sur les deux fleuves Columbia et Fraser. Par exemple, la pêche au saumon était toujours ouverte par le chef de la nation locale seulement après un nombre suffisant  de jours suivant la remontée des poissons. La taille des matériels de capture (filets, paniers et trappes), l’endroit où ils étaient placés et le temps qu’ils pouvaient y demeurer étaient également contrôlés.

Toujours en lien avec la culture du saumon, le poisson était partagé par les pêcheurs à travers un système de distribution communautaire aux familles locales et à celles des visiteurs par le biais des femmes.

De plus, les communautés Salish étaient autorisées à camper; elles pouvaient recevoir le poisson, le préserver et faire ce qu’elles souhaitaient.

Au milieu des années 1800, les voies de navigation Salish ont été affectées par l’arrivée des colons et des trafiquants européens. Tandis que la pratique indigène favorisait la réciprocité de l’économie maritime, les nouveaux arrivants favorisaient le capitalisme avec ses résultats destructeurs. Les barrages hydroélectriques et les réservoirs ont contribué de beaucoup aux dommages causés aux indigènes. À travers les années, 14 barrages ont été construits sur le fleuve Columbia : 1932, 194, 1954, 1967, 1965 et 1980, pour ne citer que ceux-là. Les barrages Grand Coulee ont été particulièrement destructifs : ils ont bloqué 1400 miles d’espace d’engendrement des saumons sur le Haut Columbia ; détruit l’économie de réciprocité du saumon chez les autochtones ; inondé de vastes espaces de terres basses sources des produits alimentaires locaux; altéré les routes naturelles de migrations;  détruit des sites d’enterrement ou de rites sacrés.

Plus récemment, il y a quelques signes de renouveau principalement initié par les autochtones. Un programme clé était le rétablissement de voies maritimes vitales pour le bénéfice de tous les habitants locaux et le retour de l’économie de réciprocité. Le Syilx, par la voie du programme de restauration du saumon de l’ONA et de Colville Confederated Tribe (CCT), a été un modèle pour le renouveau et le protocole de partage. Ce qui bénéficie en aval les tribus et les pêcheurs d’océan tout en protégeant le retour à la reproduction. La revitalisation et les festivals cérémoniaux ont profité aussi bien aux autochtones qu’au non autochtones.

 

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Ce sont là les éléments clés de la Conférence sur l’eau. Ils montrent à quel point les Syilx appartiennent à des traditions solidement ancrées basées sur la culture de l’eau : le saumon, l’eau potable, le moyen de transport. En dépit des pertes dues à l’arrivée des Européens et autres nations, il y a maintenant un effort déterminé pour restaurer leurs traditions. Comme dernier événement, je peux mentionner le fait que j’ai pris part à une manif : les  Syilx demandaient au gouvernement de la Colombie Britannique le droit de s’occuper eux-mêmes de leurs jeunes arrachés à la communauté, accusés de ne pas respecter les lois. Nous avons manifesté devant le bureau de circonscription du premier ministre de la Colombie Britannique. Comme c’était le temps des élections fédérales, le candidat NPD de la région était là pour nous soutenir.