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Une vocation verte pour nos églises?

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Par Normand Beaudet

Au cœur de nos communautés québécoises, les églises représentent encore d’importantes ressources patrimoniales. Mais, dans une grande proportion, il leur faut une nouvelle vocation. Une vision nouvelle est certainement ce qu’il faut pour que ces lieux sortent de l’oubli. D’où l’incontournable besoin d’examiner parmi les nombreuses orientations possibles celle qui transforme les églises en pivot de la  « décarbonisation ».

L’église comme lieu de recharge

« Imaginons que je roule en véhicule électrique, que je vois un clocher, et que je puisse me dire : Ah! Tiens, une église! Il doit s’y trouver des bornes de recharge pour batteries d’automobile. Je me rends vers l’église et, assurément, il y a une station de recharge pour une gamme de véhicules! »

Le transport est un secteur appelé de toute urgence à sortir de la combustion. Et un des défis majeurs à relever est de faire en sorte que le virage à effectuer s’appuie sur des ressources disponibles et peu coûteuses. Les églises seraient celles-ci. Et en plus de concourir à la transition vers l’électrique, elles redeviendraient des symboles du refuge qu’elles ont toujours été et des ressources pour la redynamisation des communautés.

L’église comme site de recharge, comme poste d’échange de batteries ou comme lieu d’accès à des services de transport intermodaux, peut devenir décisif dans la réorganisation éco-responsable de l’économie. On pourrait facilement y imaginer la présence de gare intermodale comprenant des minibus, un espace de partage d’automobile, des mobylettes et bicyclettes (électriques), etc.

L’église comme refuge thermique

« Nous sommes l’été; il fait très chaud, on suffoque. C’est la canicule depuis plus d’une semaine mais heureusement, toutes les églises du Québec sont dorénavant climatisées et chauffées adéquatement grâce à la géothermie et une tarification électrique préférentielle. Depuis quelques années, une église, c’est aussi un café et une exposition d’artisanat local; mais aussi une piscine et un spa public. Tout est en place pour la pause recharge. »

Pour que les églises deviennent des lieux de protection, elles doivent être dotées d’une climatisation géothermique, qui n’exige qu’un apport énergétique minimal. Les églises, comme les autres bâtiments patrimoniaux, occupent une position centrale à travers les municipalités partout sur le territoire. Nous n’avons qu’à les restaurer et en accroître l’autonomie par rapport aux situations de pannes d’électricité. Afin de faciliter cette conversion des bâtiments, les communautés qui investissent dans des infrastructures d’autonomie, de résilience communautaire et d’élimination des GES devront bénéficier de tarifs énergétiques préférentiels, comme c’est le cas pour les grands consommateurs industriels. Nous sommes dans l’urgence en tant que société de mettre en place un levier économique encourageant les communautés à effectuer un virage rapide hors de la combustion.

L’église comme site de résilience communautaire

« En entrant dans l’église, une dizaine de personnes, surtout des personnes âgées jouent aux cartes et dansent bien au frais; et quelques jeunes mamans allaitent dans un coin. Ce sont des résidents du village qui n’ont pas les moyens d’avoir une climatisation adéquate chez eux. Tous profitent du confort et de l’eau. »

En devenant aussi autonomes que possible, en termes énergétique et en matière d’équipements pour l’accueil de gens frappés par des crises, les églises peuvent servir de refuge aux personnes les plus vulnérables. En cas d’incendies forestiers, une ventilation permettant la purification de l’air pourrait s’avérer un atout. Ces sites sont voués à l’accueil de personnes même lors de situations de crises environnementales  de plusieurs semaines. On doit y retrouver tout ce qui est nécessaire à l’hygiène de base, à l’hébergement et à l’alimentation des citoyens et familles qui y trouvent refuge. Nous parlons ici d’infrastructures élémentaires de résilience dont doivent se préoccuper en toute urgence les dirigeants locaux.

« En situation de panne électrique d’hiver lors de grands froids, ces résidents comme partout ailleurs dans la province peuvent aussi utiliser les églises comme refuge. Toutes sont équipées pour hébergement temporaire … »

Nos communautés sont dorénavant face à des menaces  sans cesse croissantes dont les principales atteindront avant tout les personnes vulnérables. Les soubresauts météorologiques liés aux perturbations climatiques seront de plus en plus fréquents et frapperont rudement les citoyens. Les aléas sont multiples : pannes d’électricité causées par le verglas ou les tempêtes, canicules prolongées mettant à dure épreuve les réseaux électriques fortement sollicités par la climatisation, etc. Ces aléas feront en sorte que les citoyens vulnérables  seront en besoin urgent de refuges. Il n’y a qu’à s’imaginer une canicule couplée à d’immenses feux de forêts rendant l’air d’une communauté irrespirable, des épisodes récurrents d’inondations qui se produisent maintenant peu importent les saisons, une importante érosion côtière détruisant une longue série de résidences…

 Nos autorités de proximité devront organiser rapidement ces lieux sécuritaires et équipés pour les premiers soins. De leur côté, les communautés doivent prendre conscience de l’importance de nos actifs patrimoniaux à l’ère des débalancements climatiques.  Des mesures immédiates pour arrêter la détérioration de ces édifices doivent être prises.  Nous devons œuvrer immédiatement pour mobiliser les communautés sur l’étendue du territoire pour revendiquer la tarification réduite comme outil pour accélérer la transition énergétique urgente.  Nos joyaux architecturaux devront être restaurés, isolés et munis de systèmes de climatisation (chauffage et refroidissement) efficace et à faible consommation. 

LA VERSION DU TEXTE PUBLIÉE DANS LE DEVOIR:

https://www.ledevoir.com/opinion/lettres/573577/lettres-urgence-climatique-se-donner-une-vision