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Pour sortir du délire sécuritaire

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Vers de véritables solutions à la violence.

(Article publié en octobre 2016 suite à la convention républicaine de Tump, et partiellement éditée dans le contexte de la convention 2020 qui se termine.  Fascinant de voir comment les mêmes tactiques sont reproduites)

Les solutions  proposées par nos gouvernements pour faire face aux problèmes récurrents de violences politiques reposent sur l’investissement dans les technologies de contrôle et de coûteuses infrastructures de surveillance De toute évidence, leurs interventions sont bien loin de régler le problème. Cela demeure vrai aussi bien pour la France affectée par les violences terroristes depuis des décennies que pour les États-Unis où la violence à résonance politique rappelle la triste époque de la ségrégation raciale.

Échec de la rigidité sécuritaire

Suite aux attentats du 13 novembre 2015 à Paris, l’Assemblée Nationale a voté l’instauration de l’état d’urgence en France pour une durée de 3 mois.

« Cette mesure impliquait, entre autres, la suspension des règles habituelles de contrôle des pratiques policières et l’interdiction de tout rassemblement public. L’interdiction ne s’applique pas, curieusement, aux événements commerciaux mais seulement aux initiatives militantes et citoyennes. » »

Avec l’attentat-suicide survenu dans la ville de Nice qui a suivi, la population fut assujettie à un état d’urgence qui rime bien avec restrictions de droits civils. L’État d’urgence a été prolongé et les citoyens n’en voiyaient plus venir la fin. Les mesures d’urgence qui ont suivi l’attaque du Bataclan, en vigueur depuis plusieurs mois, ont été ensuite prolongées pour plusieurs mois.

 

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Aux USA des incidents meurtriers considérés avec justesse comme le résultat de la brutalité policière envers la communauté noire ont menés à une riposte.  Des membres des communautés afro-américaines ont initiés des émeutes et on a vu émerger des « ripostes » mortelles d’ex-militaires noirs sur des policiers se sont produites.  Le délire de la course aux armes fut relancé par la campagne électorale et semble avoir atteint des sommets inégalés.   La convention républicaine qui a suivi ces événements et qui confirmait Donald Trump comme candidat républicain à la présidentielle illustrait parfaitement l’ampleur du délire.  Encore aujourd’hui, l’histoire se répète.

Ainsi, lors de cette convention nous avons été témoins d’une scène dantesque, d’un côté les militants politiques pro-Trump armés jusqu’aux dents, qui revendiquent le droit de porter l’arme de combat dans la salle de convention.   Et, de l’autre, une armée de plus de 5 000 policiers qui portent des armures paramilitaires aux allures de véritables « Robocops » qui leur font face.  La mise en scène à saveur politique se répète encore aujourd’hui.

Il est simple de constater que surinvestissement dans l’armement des services de sécurité, dans les forces policières et unités de réserve ne mène qu’à une impasse sociale. L’épuisement de cette forme d’intervention de l’État ne peut qu’être associé à une manipulation politique. On attise la peur, insistant sur la nécessité des armes, afin de mobilise, d’activer un électorat.  Ultimement, nous devrons tôt ou tard reconnaître qu’on ne peut mettre un policier derrière chaque citoyen.

Mais dès lors, que fait-on lorsque la menace est insaisissable, lorsqu’elle peut émerger de partout à n’importe quel moment, comme c’est le cas lors de provocations sécuritaire ou d’actes terroristes?

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Principe élémentaires de sécurité, le bon diagnostic

On entend parler présentement de réduire le financement des forces policières.  Depuis plusieurs décennies, tant aux États-Unis qu’en Europe, on en revient toujours aux thèses du terrorisme ou de simples actes criminels isolés pour expliquer les tueries. Ce qui laisse pendantes bien des questions qui méritent d’être posées si l’on veut déterminer la nature du problème avant de s’y attaquer.

Chez notre voisin du sud, nous constatons en premier lieu une très forte composante de manipulation politique associée au délire sécuritaire.  Afin d’obtenir l’adhésion d’une importante composante de la population sensible aux discours de peur, à la liberté de posséder une arme et d’immenses divisions publics de sécurité; on génère la peur en contexte électoral, tout en adoptant un discours de fermeté.  Une façon facile de faire le plein de vote.  Cette forme de manipulation politique est devenue un défi de taille.

Une constante qui semble offrir plus de prises.  Peu importe l’acte de violence perpétré par un individu, manipulé ou non; quelque soit ses assises politiques une caractéristique revient.  Les individus à l’origine de ces gestes politique d‘éclat proviennent dans une écrasante majorité de groupes minoritaires, de classes populaires marginalisées, on pourrait même dire opprimés. C’est dans le ferment des problèmes sociaux, économiques et psychologiques, qu’émergerait un sentiment de donner un sens à une vie de désespoir chez des personnes qui cumulent généralement des caractéristiques évidentes de personnalités suicidaires.

À ce cocktail potentiellement dévastateur vient souvent s’ajouter une pure manipulation politique, une formation militaire, la disponibilité tous azimuts des armes à feu, l’omniprésence de médias polémistes eux aussi instigateurs indirects.  Ce cocktail énergisant la fascination pour toute forme de médiatisation et l’étalement de sa propre vie en vue de lui donner un sens. Que ce soit pour supporte un Président sauveur, venger des noirs assassinés par des policiers en fonction ou pour soutenir la ligne de défense islamiste radicale au Moyen-Orient; la cause politique assure une résonance à l’acte dans les médias sociaux.

Pour qui veut en finir avec les souffrances du quotidien, le choix n’est-il pas clair entre disparaître avec le sentiment d’une vie d’échec et poser un geste spectaculaire dont on parlera longtemps une fois diffusé?

Les remèdes qui s’imposent

Nous devons reconnaître le dessein de manipulation politique derrière ce délire sécuritaire.  La manipulation de politiciens véreux populiste qui l’utilise.  Et le consentement complice de nombreuses agences publics à vocation sécuritaires qui se développent sur les bases de la peur du citoyen qui se perçoit vulnérable.  C’est le tout premier pas pour contrer les violences.

On doit aussi comprendre le terreau fertile à l’émergence de gestes de désespoir.  Il est urgent de bien identifier les communautés marginalisées par nos politiques sociales et économiques.  Les personnes vulnérables aux sentiments de désespoir profond s’y retrouvent souvent, que ce soit dans certaines instances politiques, chez des minorités culturelles, les groupes d’intérêts ou d’affinités diverses.

Le choix politique de contrer les violence doit être réel.  Les violence sont loin d’être des fatalités.  La consolidation de services socio-économiques autour de ces groupes ou se retrouvent des individus vulnérables est le premier geste à poser. Les ressources financières nourrissant les nombreuses institutions parasites des systèmes sécuritaires doivent être réorientée.  On parle d’une conversion des investissement dans les agences sécuritaires vers des voies préventives.  L’argent doit sortir des systèmes militaires et paramilitaires et venir consolider les filets sociaux.  Puis on doit soutenir les intervenants clés afin de leur fournir l’appui nécessaire capable de repérer les individus qui réunissent les conditions propices au désespoir. Le repérage actif des préconditions de détresse meurtrières ou suicidaires qui se révèle dramatiquement dans les tueries familiales, devrait figurer parmi les priorités dans l’intervention sociale et communautaire préventive contre ces gestes irrationnels.

Il est important ici de reconnaître que la prévention des violence sociales repose pratiquement toujours sur les mêmes assises; que l’on parle de suicides, de la prévention des drames familiaux et la prévention des tueries, qu’elles soient politiquement motivées ou non,  Les communautés doivent être équipées pour détecter et établir rapidement des liens significatifs avec ces personnes socialement déracinées.

Nous parlons ici d’une véritable orientation politique vers la prévention.  Ces individus ont besoin d’un accompagnement préventif et d’un soutien de proximité; tant au niveau de leur santé que d’une assistance à la relance de leur conditions de vie. La prévention des gestes de terreur passe probablement par la consolidation des services communautaires de prévention des violences dans les communautés marginalisées. Ce n’est certainement pas en condamnant ces groupes, en leur faisant porter la responsabilité des actes posés par leurs membres les plus vulnérables et en attisant les propos et geste discriminatoires à leur égard qu’on réduira l’occurrence de ces gestes d’individus désemparés. La lutte au désespoir passe par l’assistance bien ciblée.

Au lieu de nourrir les peurs qui stimulent ou justifient l’acte désespéré.  On parle ici en fait de détection avancée des situations de détresse dont l’isolement social est souvent une composante importante. Plusieurs mécanismes de consolidation des liens communautaires peuvent agir pour accroître l’efficacité des mécanisme de détection avancée.  La sécurité des individus doit primer sur la sécurisation d’une base électorale.  On a vu au Canada le gouvernement Harper utiliser à des fins politique les tueries, la guerre et l’armée.  Aucun système politique n’est à l’abris.

Il n’est donc pas surprenant de trouver dans le plus récent rapport du Centre de prévention de la radicalisation menant à la violence de Montréal un descriptif des assises derrière cette violence « un portrait d’une combinaison d’éléments, notamment l’intervention de manipulateurs extérieurs auprès de jeunes en quête de sens, parfois d’aventure. Ces jeunes peuvent se retrouver dans une situation de fragilité en raison de difficultés personnelles et souvent aux prises avec un malaise identitaire, tout en éprouvant le besoin d’appartenir à un groupe. »

L’ère des terreurs

Lorsqu’elles ne sont pas de l’ordre de la manipulation politique, l’impact des mesures de sécuritaire est à court terme.  Souvent l’idée est de dissuader la conduite de nouveaux actes de terreur ou de violence sociale.

Bien sûr, lorsque la prémisse est l’acte terroriste, on enquête sur les complices, les relations des individus et sur ses liens avec des réseaux politiques organisés. A l’ère des médias sociaux, les liens qu’il est possible d’établir entre un individu et une foule de personnes et de causes sont nombreux, et peuvent être trompeurs.

Les connexions Facebook avec un certain nombre de personnes soutenant des idéologies suprémacistes blanche, pro-palestinienne, islamisantes, complottiste ou anarchiste ne prouvent absolument rien sur les allégeances et croyance d’une personne. Les utilisateurs de réseaux sociaux savent bien que lorsque l’on a entre 500 et 1500 relations sur Facebook, la connexion avec des personnes a pu s’établir sur la base de plusieurs types d’opinions et de conversations; sur de nombreux sujets. Ces liens de communication ponctuels n’indiquent en rien une affinité directe entre les personnes.  Il serait beaucoup plus efficace de creuser la piste des propos ou manifestations de désespoir dans un dessein préventif.

La piste du radicalisme politique dans l’univers des connections sociales et d’échanges d’avis peut prendre la forme d’un labyrinthe sans issue ou mener à des conclusions tendancieuses. A moins de déclarations sans équivoque, on peut gaspiller de précieuses ressources inutilement.  Dans ce contexte la prévention offre une prise plus efficace.

Reconstruire des assises communautaires

Loin d’être le fait d’événement émergent de nulle part, de gestes isolés pour de conjonctures incontrôlables; les geste de violences, bien qu’imprévisibles émergent de conditions bien connues.  Ils sont stimulés, cultivés par les systèmes d’injustice systématisées. 

Des antidotes puissants existent.  Comme terrain d’intervention, le rééquilibrage des écarts économiques entre les communautés dominantes et les communautés marginalisés pourrait s’avérer une avenue d’intervention en prévention très efficace.  Un approche beaucoup plus judicieuse que celle de multiplier les enquêtes après coup. Le soutien actif aux réseaux de soutien communautaires les plus dynamiques dans les communautés qui concentrent des personnes vulnérables est une voie simple.  La mise en place de service de première ligne d’identification et d’assistance aux individus en détresse pourrait permettre de réduire les conditions menant à ces actes de désespoir.   Que l’on parle de suicide et de la majorité des cas les tueries, perpétré par pure manipulation partisane, par vengeance ou par allégeance à une cause; les gestes à poser en prévention sont les mêmes.

Disons que la cause socio politique devient souvent un justificatif bien pratique pour donner un sens à un geste insensé.  Les personnes actives, les « leaders positifs » dans une communauté marginalisée sont probablement celles qui sont les mieux placées pour repérer les individus qui pourraient vouloir poser des gestes d’agression publique.  Le travail de ces personnes doit être valorisé et soutenu. 

On doit aller beaucoup plus loin, les milieux communautaires doivent être en mesure d’accompagner les individus vulnérables et leurs proches.  Un processus de soutien réel et de co-éducation qui vise à désamorcer une situation de crise doit se mettre en place. On parle d’une forme d’accompagnement pluridisciplinaire qu’aucune instance publique ne sera capable d’offrir.  Les communautés vulnérables doivent être outillées pour pouvoir effectuer ce type d’accompagnement.

De timides premiers pas

La route est longue vers une sortie du délire sécuritaire ambiant sera longue. 

Un nombre croissant de politiciens véreux propulsent toujours leur carrière politique par la stimulation des peurs et des angoisses populaires. Les structures sécuritaires au Québec sont toujours aussi enfermées dans leurs cadres corporatistes et protègent sans partage leurs pouvoirs. On a qu’a constater le nombre d’incidents, les pressions sociales et politiques qui ont été nécessaire pour que le gouvernement du Québec en vienne à créer une commission d’enquête indépendante relative aux interventions policières causant la mort de personnes.   On est encore bien loin d’une ré-allocation des ressources remises aux agences sécuritaires, vers des initiatives misant sur une prévention citoyenne.

Des pressions bienvenues.

La mouvance qui questionne le financement des agences policières arrivent à point.  Loin d’être radicales et irréaliste, elles forcent le questionnement sur les enjeux sécuritaires et la manipulation des peurs.  Le politique résistera.  Toute réduction des vulnérabilités et des peurs affaiblit un levier important de manipulation populaire.  

L’important poids économique que constitue l’appareil sécuritaire a ses ancrage de résistance.  Les ressources qu’il mobilise en fonds publics sont immenses.  Tout changement nécessitera une implication directe des citoyens et d’imposantes pressions politiques. 

Ultimement, les citoyens pourraient via une Commission civile de sécurité publique, s’investir à faire transiter une part importantes des ressources des approches de surveillance et de répression, vers des approches préventives de soutien aux organisations civiles de proximité des individus vulnérables. Il est peu probable que les instances diverses policières et militaires actuelles changent adéquatement leurs perspectives. Les meilleurs équipements et technologies sont toujours les avenues les plus sujettes à assurer la protection selon les « Forces de l’Ordre ». La prévention est toujours perçue comme un complément de type informationnel utile, ne servant qu’à sensibiliser aux enjeux de sécurité.  On est bien loin de l’intervention d’accompagnement préventif.

Le plus ahurissant dans un tel contexte est le fait que nous connaissons les moyens à prendre pour agir.    Ce sont nos contraintes politiques et structurelles qui risquent de rendre la mise en place de véritables solutions une impossibilité.  Nous devons trouver les moyens pour dire NON à ces violences.