Face à un projet industriel de l’envergure de l’Oléoduc TransCanada, le défi, c’est de proposer une stratégie de lutte cohérente et assez simple, à même de guider les organisations locales dans leur lutte. Cette stratégie doit être crédible, porteuse et s’appuyer sur la tradition et des expériences de lutte québécoises. Elle doit transmettre et nourrir l’espoir que la lutte est utile, que l’atteinte d’objectifs est probable et que les gains attendus sont réalistes. Autrement dit, une stratégie de lutte, guide, oriente les choix des moyens d’action, facilite l’organisation des tactiques de lutte et rend possible l’atteinte de résultats communs. Son acceptation permet aux organismes locaux d’accéder à une foule d’indicateurs quant aux moyens à utiliser, la cohésion à assurer inévitablement pour une action citoyenne décentralisée; c’est la base pour garder à l’esprit un ou des objectifs communs aux groupes mobilisés.
Le choix de moyens de lutte strictement non-violent doit être un point de départ, et cette option ne doit pas se faire sur la base de considérations morales, mais strictement stratégiques et tactiques. Compte tenu des moyens à la disposition de l’adversaire et, parallèlement, la très large sympathie citoyenne pour la cause de la préservation du Saint-Laurent, la lutte n’a aucun avantage à être associée à d’autres moyens de lutte que des moyens strictement non-violents, c’est-à-dire des moyens qui minimisent et, idéalement, éliminent toute possibilité de gestes violents envers des personnes.
Une telle stratégie n’a pas pour but de perturber, mais d’optimiser les chances d’avoir gain de cause dans la lutte.
L’adoption d’une telle stratégie impose la formation des militants à l’action directe non-violente et à la désobéissance civile. La formation est à tous égards la clé du succès pour toute action de lutte citoyenne.
PROPOSITION DE STRATÉGIE DE LUTTE NON-VIOLENTE
Du point de vue du CRNV, voici à quoi pourrait ressembler une stratégie de lutte non-violente pour les organismes citoyens opposés au projet TransCanada :
L’action se coordonne en quatre phases réparties en sept étapes. Les autres phases et étapes de la lutte sont planifiées par la suite
PHASE 1 : PRÉPARATOIRE
Étape 1 : Sensibilisation à la lutte
Des sessions publiques d’introduction à la « Lutte non-violente dans les municipalités » le long du tracé ! Les groupes locaux réservent une salle et invitent une ou des personnes-ressources pour sensibiliser aux possibilités de lutte citoyenne.
Ligne de communication : « La résistance citoyenne peut réussir, mais ne s’improvise pas! »
Objectif : Une trentaine d’ateliers d’information.
Échéancier suggéré : 3 mois (voir si réaliste en fonction des ressources)
Étape 2 : Formations à l’action non-violente
On fait le recrutement de volontaires pour des sessions de formation à l’action non-violente d’une journée dans ces mêmes municipalités. Bien entendu, ces formations comprennent des simulations d’actions de désobéissance civile. « C’est ce que vont retenir nos médias à sensation ». Après la formation, constituer un groupe d’affinité ; les participants signent un engagement de résistance!
Ligne de communication : « La désobéissance civile n’est qu’une précaution. Il serait irresponsable de demander aux gens de conduire des actions directes non-violentes sans les préparer aux pires scénarios, la répression. »
Objectif : Une vingtaine de journées de formation.
Échéancier suggéré : 3 mois (voir si réaliste en fonction des ressources)
PHASE 2 : POSITIONNEMENT
Étape 3 : Positionnement des groupes de résistance
On passe à l’action : Nos équipes formées à l’action non-violente commencent à travailler à chercher les meilleurs sites, le long de la ligne Transcanada. Le but, établir des camps de base pour la vigie et la lutte citoyenne. Négociations publiques pour l’accord d’utilisation de sites municipaux, annonce d’ententes avec des privés ou d’accord d’utilisation d’autres lieux publics.
Ligne de communication : « On fait juste se préparer, la résistance citoyenne, ça s’organise! »
Objectif : Repérage concerté d’une quinzaine de sites.
Échéancier suggéré : 3 mois, être prêt pour le printemps (voir si réaliste en fonction des ressources)
Étape 4 : Installation des sites de résistance
Un peu dans la veine Occupy, on établit des camps de base avec quelques tentes (pas cher) et quelques aménagements. Une tente médic bien identifiée, un petit bureau de consultation légale improvisé, un centre de vigie citoyenne avec le matériel de suivi des actions, une mini-porte ouverte pour informer les citoyens, un service de médiation en cas d’arguments trop virulents avec des citoyens favorables au projet, une mini-cuisine collective. Des équipements de simulation et un site d’exercice pour les simulations… Il est possible de lancer des appels à des bénévoles de soutien pour chaque nouveau service établi (avocats, médics, logisticiens, cuisinier, médiateur, opérateur de machinerie), etc.
Ligne de communication : « On partage le point de vue des citoyens, et on poursuit la formation! »
Objectif : Installation d’une quinzaine de « Camps de résistance citoyenne ».
Échéancier suggéré : 3 mois au cours de l’été 2015 ? (voir si réaliste en fonction des ressources)
PHASE 3 : ENTRAÎNEMENT À LA RÉSISTANCE
Étape 5 a) : Simulation d’actes de résistance
Dans chacune des régions, on conduit des simulations de divers types d’action. Des genres de pratiques générales de scénarios d’action citoyenne, question de poursuivre la formation et de s’assurer de trouver les moyens les plus efficaces. Ces simulations peuvent servir au recrutement de nouveaux militants et à la planification de nouvelles formations à l’action non-violente. Il serait intéressant d’utiliser de la machinerie. Important de bien documenter visuellement les simulations et de diffuser.
Suggestions pratiques de simulations : Enchaînement, blocus par vagues, occupation de bureau administratif, tapis humain, neutralisation d’équipements lourds, invasion de conférence publique, simulacres de consultation, tribunal populaire, arrestation populaire, etc. Voir les 198 moyens d’action !
Ligne de communication : « On veut juste évaluer les actions qui fonctionnent et celles qui ne fonctionnent pas, que Transcanada et le gouvernement sachent à quoi s’attendre ». Le message qu’on veut donner, c’est que « les régions ne se laisseront pas faire».
Objectif : Conduire une dizaine de simulations.
Échéancier suggéré : 3 mois au cours de l’automne 2015 (voir si réaliste en fonction des ressources)
Étape 5 b) : Formation citoyenne aux mesures d’urgence
Sur les sites de résistance, il serait aussi possible de planifier avec l’aide des services municipaux et régionaux et des organismes environnementaux, des formations à l’intervention d’urgence en cas de déversements pétroliers. L’idée ici est de faire en sorte de dramatiser encore plus les projets d’Oléoduc et de faire en sorte de passer le message que les véritables coûts du projet, ce sont les citoyens qui devront les assumer. Voir à la possibilité de simulations théâtrales aussi rapprochées de la réalité que possible. On pourrait demander à Transcanada de venir former les citoyens bénévoles. Possible d’inviter des experts et conférenciers.
Suggestions de pratiques de simulation : déversements mineurs de pétrole, déversements majeurs de pétrole, protocole en situation d’incendie, déversement en milieu humide, déversement en milieu marin, en milieu riverain, au milieu du fleuve, simulation de nettoyage animalier d’huile végétale sur animaux de compagnie (????), etc.
Ligne de communication : « On n’a pas confiance, nous on se prépare ! »
Objectif : Une demi-douzaine de formations citoyennes aux mesures d’urgence.
Échéancier suggéré : 3 mois, idéalement en hiver 2015 pour conditions difficiles (voir si réaliste en fonction des ressources)
PHASE 4 : DÉBUT DES ACTIONS DIRECTES NON-VIOLENTES
Étape 6 : Planification d’une action directe non-violente
Seulement si Transcanada bouge, on donne un coup de semonce. Faudra trouver le meilleur site pour une action d’éclat ! On devrait viser une centaine de participants ayant signé l’engagement à la résistance et engagés dans les activités d’un de nos « Camps citoyens ». Cette action va-t-elle se transformer en action de désobéissance civile? On verra! Disons que C’EST UN POINT DE DÉPART!
Ligne de communication : « Malheureusement, Transcanada ne nous donne pas le choix »
A CE STADE, NOUS ARRIVONS AU VÉRITABLE POINT DE DÉPART DE LA LUTTE.
UNE NOUVELLE PLANIFICATION STRATÉGIQUE POUR LA LUTTE DEVRA SE FAIRE RAPIDEMENT.
Une fois la stratégie établie et adoptée par les organismes, le travail sur la plateforme d’engagement de résistance devra s’effectuer. Un protocole clair pour faire face à l’adversité devra aussi être établi, diffusé et affiché dans les camps.
N.B. L’engagement de résistance devrait inclure les considérations suivantes :
Les moyens d’action qui seront utilisés;
L’adhésion claire et nette au principe de respect de l’autre (incluant les participants aux actions, les témoins et les forces de l’ordre);
Une description des comportements acceptables, et des comportements inacceptables en situation de confrontation est fondamentale;
La projection sur les scénarios d’adversité possibles et vraisemblables, et les comportements adéquats à avoir ;
Des indications claires sur la façon de joindre l’action et sur la souveraineté des groupes d’affinité ;
La question de la participation à l’action sans être sous l’effet de substances et
L’équipement qu’il est permis de porter, et celui qui n’est pas permis.
ON DOIT POURSUIVRE LA RÉFLEXION POUR LA SUITE! CE N’EST QU’UN DÉBUT!
La force de l’action non-violente, c’est qu’on n’a souvent pas besoin de l’utiliser, seulement de s’y préparer et de bien communiquer les préparatifs pour qu’elle fonctionne. On parle d’une stratégie de dissuasion citoyenne qui vise à maintenir l’enjeu du projet en permanence sous les yeux de la population en créant une séquence continue d’événements à couvrir par nos machines médiatiques à sensation. Cette mécanique permettrait une sensibilisation continue et pourrait faciliter une mobilisation en luttant contre le sentiment d’impuissance. La théâtralité associée à la stratégie a pour but d’intimider et de dissuader l’entreprise de procéder à son projet en passant le message que cette entreprise coûtera très cher.
Bien entendu!
Un appel à l’aide des groupes citoyens de la région de Cacouna et une proposition de plan d’action serait une excellente base de départ!
ON DOIT METTRE TOUTES LES CONDITIONS EN PLACE POUR : « QUE LA LUTTE MÈNE À UN SUCCÈS » !
*À propos de la proposition du CRNV aux organismes de lutte pour la protection de l’environnement :
Le Centre de ressources sur la non-violence a pour objectif de démontrer l’efficacité tactique et stratégique des moyens de lutte non-violente. Nous croyons que les moyens de lutte choisis doivent être cohérents avec les objectifs visés d’une société plus démocratique où le citoyen ne se contente plus de déléguer ses pouvoirs à des représentants, mais se mobilise et s’organise pour contrer les décisions qui ne vont pas dans le sens du bien commun.