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Intégrer les réfugiés:

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Comment accueillir dans une société de paix et de reconnaissance?

Le Canada a décidé de prendre ses responsabilités.

Le nouveau gouvernement fédéral s’organise présentement pour accueillir 25 000 réfugiés syriens. L’accueil subit d’un grand nombre de réfugiés en une courte période forcera une importante mobilisation de personnes et de ressources. Mais le plus grand défi auquel les Canadiens auront à faire face sera celui de l’intégration effective à notre société de ces nouveaux arrivants.

 

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Avec la possibilité pour le Canada d’accueillir environ 25 000 réfugiés syriens, il y a lieu de prendre positivement le défi qui s’impose à nous. L’urgent défi peut devenir pour nous un point de départ vers une redéfinition de ce qu’est la contribution au mieux-être collectif. L’accueil des réfugiés peut devenir une occasion d’œuvrer collectivement à neutraliser les mécanismes d’exclusion et faire valoir un système de reconnaissance universelle des apports citoyens au bon fonctionnement de la société.

Ce défi peut devenir une opportunité.

Sortir de l’économisme

Le véritable défi sera l’intégration.

En ce  moment, les dirigeants se penchent sur les mécanismes de sélection, de transport et d’hébergement; c’est la partie la plus simple du problème.  Le premier grand défi, celui de la langue, peut être relevé si on tient compte de l’histoire coloniale de cette communauté. Mais le plus grand défi auquel les Canadiens auront à faire face, sera celui de l’intégration effective de ces nouveaux arrivants.

Nous savons maintenant que les deux premières années sont difficiles pour les réfugiés. Les interactions sont compliquées car le but principal des nouveaux arrivants est toujours de survivre aux difficultés de l’inconnu.

Passé cette étape, il s’agit, les années suivantes de mieux comprendre le  nouveau pays pour pouvoir interagir dans les domaines importants du travail, des sports et de la culture.

Mais, c’est l’intégration au milieu du travail qui constitue la véritable clé de voûte de la réussite en tout exercice d’intégration.

 

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Malheureusement, à ce jour, dans notre société nord-américaine, seul le travail rémunéré et les transactions de produits et services sont comptabilisés dans l’appréciation de la productivité et de la contribution des personnes à la société.  Lorsqu’on observe l’évolution de la vie sociale des personnes, cette réalité est profondément réductrice et destructive. Elle a pour conséquence la non reconnaissance de la contribution importante d’un grand nombre de citoyens au mieux-être de tous.  Dans un contexte d’accueil massif de nouveaux arrivants, le maintien d’une telle approche ne peut que mener à une impasse.

Nombre de citoyens canadiens en situation de précarité et d’assistance n’obtiennent actuellement pas l’appui et la reconnaissance espérée.

 

Faire vivre la diversité

La véritable richesse sociale réside dans la diversité, dans la juste redistribution des ressources, la reconnaissance de la contribution de chacun au mieux-être de tous.

De nos jours, seules les personnes capables de nourrir ou de stimuler la machine à produire et à consommer biens et services ont voix au chapitre. Notre évolution commune ne semble ainsi se concrétiser que dans une seule direction, celle de la transformation de ressources au plus bas coût et de la stimulation du consumérisme. On sait pourtant que les contributions réelles, les plus significatives pour les personnes, se situent ailleurs.

Les contributions importantes au mieux-être de tous se retrouvent très souvent dans les services collectifs offerts par nos structures publiques, ainsi que dans certaines initiatives communautaires et d’économie sociale. C’est sur la voie des services de l’État,  et d’autres services directs aux personnes que se matérialisera l’intégration des personnes actuellement non reconnues ou nouvellement arrivées.  Nous avons dorénavant l’urgent défi de trouver la façon d’œuvrer activement à la reconnaissance de la contribution de tous.  Nous devons nous pencher sur les façons de défaire les mécanismes d’exclusion, et d’assurer la reconnaissance concrète de la contribution de tous, la fondation sur laquelle il nous faudra bâtir.

Pour l’instant, l’arrivée et l’accueil des réfugiés est piloté par les agence de l’état, les organismes et entreprises spécialisées.  On sollicite la générosité des citoyens.  Est-ce suffisant?

 

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Offrir l’opportunité à tous de contribuer au mieux être collectif, et offrir une reconnaissance pour service rendu pourrait s’avérer une voie plus constructive.

La richesse dans la diversité

Nul ne doute que le défi de reconnaissance et d’intégration d’un grand nombre de nouveaux arrivants sera immense. On devra rapidement reconnaître qu’un grand nombre de contributions au mieux-être et à la qualité de vie de tous ne sont pas quantifiées, reconnues.  La contribution d’une personne doit actuellement se faire en dons ou en échanges, en argent sonnant, pour compter dans les équations économiques.  Pourtant on ne compte plus les activités essentielles issues de l’énergie bénévole des personnes.

Le bénévolat des personnes est partout.  Il se retrouve dans le démarrage de nouvelles entreprises, la création dans les domaines artistiques, le sport amateur, les travaux de recherches universitaires, services de soutien aux besoins de santés spécialisés, les comité de vigie citoyens (environnemental, droits, justice….), les organismes de défense des droits, le travail de coopération international, les services éducatifs et scolaires non pédagogiques, l’action syndicale et les comités d’intérêt économiques, le soutien communautaire aux besoins particuliers, les actions d’affirmation culturelles et de collaboration interculturelles et de nombreuses autres activités.  Pour l’arriver de réfugiés, on fait encore appel à la générosité des gens; même à celle de nombreux citoyens qui se sentent déjà « laissés pour compte ».

Ces apports, indispensables au fonctionnement harmonieux dans notre société reposent sur des contributions dont le très grand nombre n’est ni rémunéré, ni comptabilisé et aucunement reconnu.

Seuls les maîtres de la production ou des transactions tirent leur épingle du jeu et cumulent des richesses financières démesurées. Année après années, les gens constatent les profits mirobolants des banques.  Les contributions non comptabilisées n’aident aucunement les personnes qui y sont engagées à subvenir à leurs besoins les plus élémentaires. L’intégration rapide de milliers de nouveaux citoyens devra se faire en remettant en question cette réalité.  Autrement un sentiment d’injustice émergera inévitablement.

 

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Notre société doit rapidement se prémunir face aux discriminations qui se manifestent à différents niveaux.  Autrement, l’embauche, la recherche du logement et l’accès à certains droits fondamentaux déjà difficiles pour les arrivants, se transformeront en course à obstacles et même en calvaire pour ces personnes face à la résistance croissante de la société d’accueil. Si on néglige la reconnaissance de la contribution de tous, ces nouveaux venus accélèreront la perte de repères identitaires, les peurs, la paupérisation des personnes déjà marginalisées, et on stimulera la méfiance face à ces nouveaux étrangers. Les sentiments générés par ces formes d’exclusion pourraient engendrer de fortes poussées de racisme.  Pour se prémunir contre ce rejet de l’immigration rapide, il faut, et de façon accélérée, établir des mécanismes efficaces et concrets de reconnaissance du travail et de la contribution de chacun.

Nous avons le défi de reconnaître la fragilité de nos assises sociales, et de corriger les choses afin de faciliter l’intégration et d’éviter l’émergence d’une polarisation sociale.

La clé de l’intégration.

Comment faire?

La clé pour une intégration harmonieuse de chacun, c’est la construction des voies vers l’autonomie pour tous; tant pour ceux qui n’ont pas voix au chapitre dans la société d’accueil, que pour les nouveaux arrivants. Pour quiconque, la possibilité de pouvoir subvenir à ses besoins fondamentaux, en réalisant une activité utile est la forme de reconnaissance la plus élémentaire.

Dans le cadre de la lutte contre la pauvreté, notre société a érigé un système complexe de soutien aux personnes en nécessité. Ce système inclut les pensions, l’assurance emploi, l’assurance sociale, les programmes d’emplois étudiants, de compensations pour accidentés, de sécurité de la vieillesse, d’allocation familiale, les programmes de soutien aux étudiants, les assurances revenus des agriculteurs, de subvention multiples aux organismes citoyens, de soutien aux industrie de la pêche ou aux travailleurs saisonniers, les logements sociaux, les mesures de soutiens industriels au maintien des emplois ou de soutien à la formation et à l’intégration à l’emploi par les organismes d’économie sociale; et toute une gamme d’ autres mécanismes complexes de compensation.  Ces mécanismes complexes qui mobilisent des masses de fonctionnaires furent incontestablement utiles, mais semblent actuellement périmés. Cette multiplication des mesures de soutien aux revenus ne sont-ils pas un indicateur d’une problématique structurelle de notre économie, qui n’arrive pas à fournir adéquatement les moyens de subsistance élémentaire aux travailleurs?  La nécessité d’intégration rapide de nombreux nouveaux citoyens accélèrera inévitablement la date de péremption de ces multiples structures de soutien au revenu.

 

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La nouvelle réalité du travail a profondément ébranlé ces approches ciblées d’assistance. La réalité des travailleurs est passée d’un emploi garanti à rémunération adéquate et stable vers un monde du travail précarisé.  Le virage vers des activités économiques de services a, lui, généré des travailleurs autonomes, contractuels qui vivent des cycles de contrat et de chômage.  Les nombreux mécanismes de redistribution de la richesse mentionnés plus haut sont fondamentaux, mais ils ne sont plus en phase avec la réalité de plus en plus complexe de nos sociétés post industrielles. L’inévitable arrivée d’un grand nombre de réfugiés, réalité incontournable des prochaines décennies, imposera l’innovation à une vitesse grand « V ».

L’établissement d’un mécanisme de revenu minimum garanti, attribué sur la base de la contribution citoyenne pourrait devenir incontournable pour surmonter les mécanismes d’exclusion basés sur des perceptions d’inégalité dans le traitement des conditions de vie de chacun.  Ce serait une voie à explorer en profondeur pour assurer une stabilisation de nos économies et de nos interactions sociales, et surtout l’intégration interculturelle harmonieuse des nouveaux concitoyens venus d’ailleurs.

Sans solutions à la réalité des inégalités, l’arrivée de migrant reste un pari périlleux.

 

Un Katimavik pour tous ?

 

La notion de service civil est importante ici.

La reconnaissance équitable de la contribution de tous est au cœur d’une intégration harmonieuse. L’organisation de l’implication citoyenne a été expérimentée avec succès pour les jeunes via de multiples programmes, entre autres,  Katimavik, Chantiers Québec et les Offices de la Jeunesse. L’effet des services civils volontaires sur le sentiment de reconnaissance, le sentiment d’appartenance et d’auto-prise en charge des jeunes a été reconnu au pays depuis les années 70.  Une telle approche constitue une base sur laquelle il est possible de construire des mécanismes de reconnaissance et d’intégration accélérés.

Aujourd’hui, l’engagement citoyen a pris de multiples formes et est devenu, depuis plusieurs années, une forme de service civil non-reconnu par nos paliers de gouvernements. De plus, on ne compte plus les métiers importants qui ne répondent plus aux impératifs de l’économisme : journalisme, artisanat, communications numériques, production agricole, création musicale, etc.  La société bénéficie pourtant déjà grandement des contributions et de l’engagement de ces personnes. Mais ces multiples contributions ne répondent pas aux critères d’évaluation de « réponse aux besoins des nécessiteux » qui régissent les mécanismes d’assistance en place.

L’établissement d’un juste revenu minimum garantis éliminerait le besoin. Et ce pour pratiquement la totalité des mécanismes d’assistance financière aux citoyens.  Il permettrait aux personnes, qui de toute façon s’investissent présentement bénévolement, d’obtenir une reconnaissance pour leur engagement citoyen. L’implication citoyenne deviendrait automatiquement une forme de service civil accompli. On peut facilement entrevoir la mise en œuvre d’une telle approche en lien avec les diverses étapes du fonctionnement et de l’intégration d’un grand nombre de réfugiés.

Il n’y a rien de nouveau dans cette vision des choses. Dans ces programmes, les jeunes sont mobilisés pour répondre à un besoin de la société;  on leur offre les moyens pour vivre de façon adéquate dans un environnement de vie communautaire et d’autogestion.  Le modèle est intéressant dans une optique d’insertion des jeunes au monde du travail. Il pourrait parfaitement s’appliquer à un processus d’intégration à plus large échelle et sur le long terme.

L’application de la notion de service civil pourrait se transposer à une politique de revenu minimum garanti.  Les personnes s’engagent civilement pour une cause, dans un sport, dans une création ou pour démarrer une entreprise.  La société s’engage en retour à leur offrir l’accès à un logement social, des services gratuits de transport, des repas ou de l’hébergement dans des organismes d’économie sociale et bien entendu un revenu minimum garantis.

Le but d’un tel exercice est clair, la reconnaissance de la contribution de tous incluant les nouveaux arrivants, le soutien direct aux personnes qui œuvrent à la mise en valeur de leurs talents, ressources et intérêt personnel.  un antidote à la polarisation sociale et politique que l’on voit émerger dans certains pays d’Europe.

L’atténuation des écarts de richesses serait une assise de l’intégration harmonieuse.

Une Assurance-salaire universelle?

Le Canada a déjà expérimenté le revenu minimum garantis pour tous au Manitoba dans les années 70, et l’idée fait présentement son chemin dans les pays nordiques en Europe.

Il est intéressant de voir l’actuel programme d’assurance-emploi comme la base fondamentale sur laquelle il serait possible d’établir une telle politique de reconnaissance de la contribution citoyenne.  À ce jour, seul un employeur qui a bénéficié d’un travail rémunéré peut émettre une cessation d’emploi qui donne droit à une compensation sous forme d’assurance.  Pourquoi ne pas permettre à toute organisation avec employés rémunérés et bénévoles d’émettre aussi bien des relevés d’emploi, ou même mieux un « bon d’engagement citoyen » qui donnerait droit à une prestation similaire à l’assurance emploi?

Un « bon d’engagement citoyen » permettrait d’obtenir un revenu minimum garanti pour la prestation du service civil. Bien entendu, l’accès à un tel salaire éliminerait automatiquement le droit à toute autre forme d’allocation ou subvention gouvernementale. De plus, la personne engagée dans le service civil en plus du revenu modeste garantis, pourrait avoir une carte permettant l’accès gratuit à une foule de bénéfices liés aux services publics et aux services offerts par des organismes d’économie sociale.

Il y a ici une véritable avenue pour une reconnaissance généralisée de l’engagement citoyen et pour une « défonctionnarisation » de l’accès à un revenu minimum pour tous.  Seul quelques personnes vivant des limitations importantes se retrouveraient avec des prestations de soutien sociale.

Imaginez la force du message. Non seulement celui de l’accueil en grand nombre de réfugiés, mais celui de reconnaissance généralisée de l’engagement de chacun au mieux-être de tous.  Cette simple initiative transformerait la totalité des mécanismes de prestation actuelle, un guichet quasi unique serait créé et la contribution active et enthousiaste d’un grand nombre de citoyens serait automatiquement reconnue.

L’objectif ultime serait de développer chez tous les citoyens un sentiment d’appartenance plus fort à la société canadienne, d’atténuer les appréhensions et les sentiments d’injustice face à la société d’accueil par les nouveaux-venus. À terme, il s’agit de permettre aux arrivants d’incorporer aussi complètement que possible les valeurs, sociales et culturelles, de leur nouvelle société. Le défi  ultime étant de se refaire aussi rapidement que possible une place professionnelle.

Les conditions économiques actuelles sont difficiles pour beaucoup.   Plusieurs perçoivent le traitement humanitaire actuel des réfugiés, comme l’offre de privilèges.  Ce sentiment est important chez les gens qui se sentent abandonnés par les mode de reconnaissance économique actuels.

La meilleur façon de se prémunir contre une xénophobie latente, c’est de tuer dans l’oeuf ces perceptions par des actions concrètes innovantes.