Nous ne céderons pas à la campagne de peur du gouvernement canadien.
Nous ne renoncerons pas aux libertés civiles au profit d’un renforcement des mesures sécuritaires.
Nous refusons d’être manipulé-e-s au nom de la sécurité.
Nous rejetons le projet de loi antiterroriste C-51.
Le gouvernement n’est pas en mesure d’expliquer en quoi ces nouvelles mesures sont nécessaires pour assurer notre sécurité, ne serait-ce qu’en considérant l’arsenal juridique dont il dispose d’emblée. Déjà, en 2001, le projet de loi C-36 est venu bouleverser notre système judiciaire et juridique en écartant, en certaines circonstances, les garanties reconnues par la Charte canadienne des droits et libertés. C-51 va bien au-delà.
Les communautés arabe et musulmane ont été particulièrement ciblées dans les dernières années, comme en témoignent les cas de Maher Arar, Abdullah Almalki, Muayyed Nureddin et Ahmad Abou-Elmaati. C-51 propose également de viser notamment les militant-e-s et les mouvements de protestation sociale, dont les groupes écologistes, autochtones, anticapitalistes, de citoyennes et citoyens luttant contre les changements climatiques, etc. D’ailleurs, certains groupes ont déjà été identifiés dans la politique de lutte au terrorisme du gouvernement fédéral. Plusieurs articles du projet de loi définiront certaines activités, dont l’entrave au fonctionnement d’infrastructures essentielles (comme les projets de pipeline) ou l’entrave à la capacité du gouvernement de maintenir la stabilité économique, comme portant atteinte à la sécurité du Canada, ouvrant ainsi la voie à l’application de mesures répressives.
Aussi, puisque C-51 prévoit que seules les activités licites de protestation ne seront pas jugées contrevenir à certaines de ses dispositions, des activités telles qu’une manifestation interdite en vertu d’un règlement municipal comme P-6, un simple « sit-in », des actions citoyennes pacifiques, ou une grève qui ne s’inscrit pas dans le cadre des paramètres du Code du travail, contreviendraient à ces dispositions.
Le projet de loi propose la mise en place d’un vaste système de collecte et d’échange d’informations au sein de l’appareil gouvernemental. Les mesures proposées font table rase des règles actuelles en matière de protection des renseignements personnels. Et ceci, sans mécanismes de surveillance adéquats de ces activités de renseignement, pas plus que de recours pour les personnes qui en feront l’objet.
C-51 propose la création d’une nouvelle infraction, soit de « préconiser ou fomenter la perpétration d’infractions de terrorisme en général » ou encore, il propose la saisie et la destruction de matériel de propagande terroriste dont les définitions sont là aussi de portée très large et ambiguë. Le caractère vague des dispositions risque ainsi de miner la liberté d’expression par un effet d’autocensure.
Le projet de loi C-51 élargit démesurément les circonstances permettant la détention préventive, affaiblit le degré de preuve nécessaire, allonge la durée possible de cette détention qui passe de 72 heures à 7 jours, durcit les conditions de libération, le tout sans inculpation pour une infraction criminelle. Il suffira, pour justifier une telle détention, qu’un agent de la paix ait des motifs raisonnables de croire à la possibilité qu’une activité considérée comme « terroriste » soit entreprise.
Le projet de loi C-51 apporte des changements majeurs au mandat du SCRS qui avait été limité jusqu’à maintenant à des activités de renseignements. Il pourra dorénavant prendre des mesures pour « réduire » une menace à la sécurité du Canada, dont la définition est tellement large qu’elle peut comprendre des activités menées par divers mouvements de protestation sociale. Le SCRS pourra, sous réserve d’obtenir un mandat judiciaire, agir illégalement et même prendre des mesures qui porteront atteinte aux droits protégés par la Charte canadienne des droits et libertés. Ce pouvoir est totalement inacceptable en soi. La nature du contrôle judiciaire proposé, soit une procédure d’attribution de mandat, à huis clos de surcroît, n’a rien à voir avec le modèle d’examen permettant aux tribunaux de déterminer s’il y a atteinte à un droit protégé par la Charte.
C-51 propose en fait la mise en place d’un vaste système intégré de collecte d’information, d’enquête, d’arrestations préventives, d’interventions qui pourront même être contraires à la Charte, et ce, sans qu’aucun mécanisme de contrôle et de surveillance n’ait actuellement le mandat ni les moyens d’exercer une réelle surveillance sur l’ensemble de ces activités. Dans ce contexte, nous pouvons craindre la création d’une police politique ainsi que l’accroissement des pratiques de profilage politique.
Pour combattre et prévenir le terrorisme, plutôt que d’adopter des mesures liberticides, les gouvernements doivent s’attaquer aux injustices érigées en système, qu’elles soient politique, économique, sociale ou culturelle, ici et ailleurs dans le monde. Ce projet de loi risque plutôt d’étiqueter comme terroristes des individus et des organisations qui travaillent à défendre le bien commun.
Alors que le gouvernement fédéral doit retirer C-51, celui du Québec ne peut rester silencieux à l’égard de ce projet de loi qui pourrait priver des individus de la protection de la Charte canadienne des droits et libertés de la personne. Nous demandons en conséquence aux députés de la Chambre des communes de s’opposer à C-51 et à ceux de l’Assemblée nationale de se prononcer contre ce projet de loi.