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D’autres avenues pour militariser la recherche

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Écrit par www.AntiRecrutement.info

130318_fx98g_soldats-canadien_sn635Le Forum sur la sécurité et la défense n’est pas le seul moyen pour l’armée de financer des recherches universitaires dans le domaine des sciences sociales.

Il existe un mode de financement qui fait preuve d’un manque de transparence encore plus important que celui du FSD. En fait, à différentes occasions, le secteur privé se charge de délivrer des subventions de recherches aux universitaires, selon les exigences gouvernementales. Cette approche relève de pratiques politiques douteuses, puisqu’il s’agit de subventions gouvernementales déguisées grâce à l’ajout d’un intermédiaire. Les corporations à but lucratif ne sont pas soumises aux mêmes normes de transparence que le sont les organisations gouvernementales : il est donc impossible de déterminer avec précision le montant total qui est ainsi versé.

Mai 2014: Forces armées canadiennes. (Photo: Caporal chef Patrick Blanchard)
Forces armées canadiennes. (Photo: Patrick Blanchard)

Par exemple, à l’hiver 2007, la Défense nationale a accordé un important contrat de fabrication d’avions à la compagnie Boeing : celui-ci était toutefois assorti de nombreuses conditions. L’une d’entre elles était que Boeing verse du financement aux universités pour favoriser les activités de recherche et développement (le tout encadré par des modalités auxquelles le public ne peut pas avoir totalement accès). Un exemple de l’application de cette méthode est visible à l’Université McGill: des bourses de recherche d’un montant de près de 80 000$ ont été versées par Boeing à la Faculté de droit, selon les exigences fédérales. À l’Université de Terre-Neuve à St-John, c’est un centre de recherche entier qui a été fondé avec des fonds pris à même le trésor public et administré par l’avionneur Boeing dans le cadre du même contrat. Il est impossible de connaître avec précision le montant total des subventions versées en utilisant cette méthode qui manque clairement de transparence.

Par ailleurs, selon la loi sur l’accès à l’information, les subventions militaires de recherches de 25 000$ ou moins n’ont pas à être rendues publiques. Donc, selon cette disposition légale, le secteur militaire peut accorder un financement de 25 000 $ à chaque chercheur qui doit travailler à un même projet, sans que quiconque n’ait à rendre cette information publique. Ainsi, la population ne peut être informée de versements de centaines de milliers de dollars à certaines facultés. Rien ne permet non plus à la population d’évaluer le nombre de contrats militaires de 25 000 $ ou moins qui sont ainsi accordés, ce qui mène à se questionner sur ce manque de transparence.

Ce n’est là que quelques exemples d’ingérence du secteur militaire dans les recherches universitaires. Il existe de nombreux autres exemples de tactiques gouvernementales pour camoufler ce type d’actions à la collectivité. Dans notre société que l’on dit démocratique, devrait-on accepter ce manque flagrant de transparence qui s’apparente curieusement à de la manipulation politique ?

Revue Stratégie S&T pour la défense et la sécurité nationale.
Revue Stratégie S&T pour la défense et la sécurité nationale.

L’ARMÉE A UN INTÉRÊT ÉVIDENT À FINANCER DES RECHERCHES AXÉES SUR LA PRODUCTION D’IDÉES QUI VONT FAÇONNER L’OPINION QU’ONT LES CANADIENS DANS LE DOMAINE DE L’INTERVENTION MILITAIRE.

QU’EN EST-IL DES RECHERCHES QUI NE SONT PAS DIRECTEMENT FINANCÉES PAR L’ARMÉE ?
La très grande majorité des recherches en sciences sociales et politiques est tout de même largement influencée par l’armée. Dans les faits, même les groupes de recherches qui ne figurent pas sur la liste de ceux qui sont directement financés par le Forum sur la sécurité et la défense risquent de fournir une analyse biaisée lorsqu’on considère leurs sources de financement.

Il existe au Québec quelques groupes de recherches (par exemple le CÉRIUM à l’Université de Montréal ou encore la chaire Raoul-Dandurand à l’UQAM) qui se spécialisent sur les questions militaires. Leur principale source de financement gouvernemental ne provient pas du FSD mais du Conseil de recherches en sciences humaines (CRSH). Celui-ci relève d’Industrie Canada et non du ministère de la Défense nationale.

En plus des subventions d’Industrie Canada, ces groupes de recherche sont ponctuellement financés par un large éventail d’organisations. À titre d’exemple, le CÉRIUM reçoit du financement de l’ambassade américaine, du producteur d’armement SNC Lavalin et de différents partis politiques. Est-ce que ces institutions peuvent réellement financer de façon désintéressée les recherches du domaine militaire ?

Manifestants interrompant une conférence militaire à McGill. (Photo: inconnu)
Manifestants interrompant une conférence militaire à McGill. (Photo: inconnu)

Également, ces mêmes groupes de recherche organisent régulièrement des événements publics grâce à du financement ponctuel du FSD. Par exemple, les groupes de recherches de la région de Montréal en sciences politique organisent des événements publics conjointement avec le CEPES et le GERSI (qui eux sont directement financés par le FSD). Curieusement, on retrouve fréquemment dans ces événements des militaires et des représentants du ministère des Affaires étrangères et de la Défense nationale.

Ces groupes qui partagent une spécialisation commune collaborent également fréquemment entre eux pour des activités purement axées sur la recherche, par exemple lors de la production conjointe d’articles scientifiques. Lorsque des professeurs effectuent des recherches en partenariat avec des collègues dont l’orientation des travaux est influencée par l’armée, il est inévitable que l’œuvre résultante soit affectée à son tour.

Bref, même un centre de recherche qui ne reçoit pas de financement courant du FSD risque de présenter une analyse biaisée et en faveur de l’armée.

LES UNIVERSITÉS SONT RENOMMÉES POUR ÊTRE DES LIEUX DE RECHERCHE ET DE DÉVELOPPEMENT DU SAVOIR. ON ASSOCIE GÉNÉRALEMENT LA RECHERCHE UNIVERSITAIRE AVEC LA RIGUEUR SCIENTIFIQUE, L’IMPARTIALITÉ ET LA CRÉDIBILITÉ. EST-CE RÉELLEMENT LE CAS ?