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Action politique en péril, un examen de conscience s’impose

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Deux sommets, une imposante barricade, une facture de 1 milliard et plus, à laquelle s’ajoutera la facture de compensation pour les dommages qui équivaudra certainement celle de Québec, soit 2 milliards. Allons-nous atteindre le sommet des abus dans les dépenses en sécurité ?

Déploiement policier démesuré, arrestations de masses plus de 1000 personnes en deux jours et utilisation d’une foule de tactiques pour en arriver à contourner les règles les plus élémentaires du droit. L’escalade dans les moyens de contrôle des populations se poursuit.

Mais les enjeux de fonds, où sont-ils? Les pays riches se réunissent et avec nos impôts, ils ont sauvé les banques et les grands de l’auto. Ce sont les mêmes institutions qui abusent des frais bancaires et transfèrent les usines lorsque les politiques de financement des gouvernements ne sont pas à leur goût.

Pour la population, les prix montent, les salaires stagnent, les emplois stables et à long terme disparaissent et les frustrations montent. La question de base semble la suivante. Comment se fait-il que des milliers de personnes soient frustrées à ce point? Au point ou des centaines adhèreraient à une philosophie anarchiste violente, visant au renversement des institutions par le recours à la violence et à la confrontation. Le recours à la violence est pratiquement toujours un acte de désespoir. Ces personnes de mieux en mieux éduquées, qui voient leurs aspirations bloquées et qui, comme nous en sommes tous témoins, subissent les multiples petits régimes politiques corrompus de petits rois qui s’en mettent plein les poches.

Que se passe-t-il ? Pour comprendre, il faut plonger dans l’historique de l’action sociale radicale au Québec. Pour ce faire, nos grands médias de masse, obnubilés par la religion économique moderne, sont inutiles.  Ces centres d’info-loisir effleurent à peine les sujets. C’est au tout début des années 80, par le biais des mouvements politiques pacifistes qu’apparaissent les premières actions sociales radicales documentées, structurées et basées sur les principes de la désobéissance civile non-violente.  Les campagnes sont multiples et génèrent d’importantes prises de conscience. En fait, l’action non-violente, au Québec, est au coeur de la majorité des grandes avancées sociales dans les luttes sociales pour les droits étudiants, des femmes, le logement social, la lutte à la pauvreté et de nombreuses autres luttes.  Sa radicalisation aura mené à d’importantes avancées.

Entre 1980 et 1990, c’est la « Crise des missiles intermédiaire », les milieux sociaux engagés réalisent que l’escalade des technologies militaire accroît de façon insensée les dangers de guerre nucléaire accidentelle. Les manifestations pacifistes mobilisent des millions en Europe, aux États-Unis, et les actions non-violente massives refont leur apparition depuis la lutte pour les droits civiques aux États-Unis. C’est dans ce contexte que l’action non-violente radicale refait son apparition au Québec. Le mouvement pro-choix a aussi joué un rôle dans la popularisation des moyens d’action radicaux.

Dès 1982, une véritable cascade d’actions de désobéissance civile non-violente se met en place déclenchée par la campagne d’opposition à la fabrication du cerveau du missile de croisière en banlieue de Toronto, et par la décision du gouvernement canadien de tester le missile de croisière en Alberta. Cette campagne contaminera les milieux militants radicaux montréalais. En octobre 1983, près de 70 militants sont arrêtés dans des manifestations anti-missiles à Montréal. Grâce au travail important de l’Alliance pour l’action non-violente, nombreux sont les militants québécois qui participeront aux actions de désobéissance civile contre la compagnie Litton à Toronto, et forceront les dirigeants de l’entreprise à venir justifier cette décision lors des procès. Combiné à de nombreuses autres actions injonction, camp de la paix et nombreuses manifestations; l’enjeu du missile de croisière deviendra une épineuse question politique.

Ces campagnes ont touchées en 85 et 86,  l’importation d’uranium en provenance de la Namibie occupée par l’Afrique du Sud et des actions demandant le boycott de l’entreprise Bata shoes; une centaine de militants formés à l’action de désobéissance civile non-violente ont été arrêtés. Les procès ont menés à l’arrêt de l’importation d’uranium de l’Afrique du sud.

L’appui à la lutte contre les vols à basse altitude du peuple Innu, contre les vols militaires de chasseurs de l’OTAN de 1985 à 1989 a bénéficié de ces expériences. Plus de 200 Innus ont occupé la base aérienne de Goosebay, vieillards, femmes et enfants affectés par les opérations militaires ont été arrêtés à plusieurs reprises. Des actions de désobéissance civiles non-violentes en appui au peuple Innu, ont entraîné l’arrestation de centaines de militants pour les droits et pacifistes au siège social de la Défense en 1988 et 1989. Cette question politiquement épineuse se règlera avec la fin de la guerre froide et la chute du mur de Berlin.

On ne devrait pas omettre la lutte contre la foire à l’exportation d’armes ARM-X, au parc Lansdowne à Ottawa qui fut l’objet d’action de désobéissance civile consécutives ou femmes allaitant et vieillards sont arrêtés et emprisonnés, une dame âgée aura les côtes fracturées dans une bousculade avec un policier; levant l’indignation et l’annulation de ces foires aux armes jusqu’en 1993, et de nombreux reports.  Lors de ces nombreuses actions, la discipline, la formation, le courage et la détermination des militants ont mené à de nombreux gains et à une excellente médiatisation des enjeux.  Les procès ont servis d’enjeux pour la nouvelle, entraînant l’embarras des autorités et d’importantes modifications dans le comportement oppressif des autorités.

Au Québec, une véritable culture de l’action radicale non-violente était en rapide émergence dans les milieux militants et communautaires au Québec. Au cours des années 90, et jusqu’au tournant des années 2 000, ces stratégies ont été transposées avec succès aux actions altermondialistes.  Au Québec, toujours grâce au travail acharné de l’Alliance pour l’action non-violente l’opération SALAMI, les actions entraînant la fermeture des opérations du Centre nerveux du gouvernement provincial, le plan « G », sans que les autorités n’osent arrêter une seule personne. L’action non-violente et son développement rapide devenait la hantise des gouvernements en place.  L’action communautaire avait un nouveau levier de pouvoir qui s’avérait particulièrement efficace.

Puis, à Québec en 2001, c’est le dérapage. Les organisations anarchistes radicales, violentes, déjà mobilisés depuis longtemps en Europe, elles étaient très actives en Allemagne dans les années 80, ont imposées leur « diversité des tactiques ». Ce principes porté par des groupes anarchistes anglophone et certains idéologues anarchistes universitaires a comme logique que l’action non-violente a ses limites, que les militants n’ont pas tous le désire de se faire arrêter et de défendre en court les principes qui sous-tendent l’action. On prétend que des actions de confrontation pouvant impliquée des gestes violents peuvent coexister avec des actions non-violentes. Les militants pour l’action non-violente ont rapidement constaté les failles dans cette logique.

Suite à Québec 2001, il est devenu très difficile d’organiser des actions non-violentes. Les rencontres préparatoires étaient noyautées par des idéologues de la « diversité des tactiques » qui généraient d’interminables débats idéologiques. La mobilisation de militants prêts à l’action de désobéissance civile non-violente, dans un environnement de manifestation noyauté par des provocateurs anarchistes, et des agents provocateurs de la police qui ont le beau jeu rendait plus périlleuses les actions. Plusieurs militants engagés dans l’action communautaire et l’action politique plus radicale ont fait une pause, et ne se présente simplement plus aux manifestations de type mondialistes. Le retour à l’efficacité de la non-violence n’est qu’une question de temps, croient plusieurs.

Malheureusement, les factions anarchistes, adeptes de la confrontation persistent. On les voit omniprésentes lors des manifestations anti-guerre, lors des actions communautaires de revendication. La mode semble être maintenant à la condamnation de la violence policière, provoquée ou non. Si l’État a joué un rôle dans ce grand virage de la mobilisation populaire, si son but était de transformer les revendications populaires en dynamique de confrontation politique pour mieux contrôler le statut quo; les mouvements anarchistes violents auront été leur meilleur allié au cours des années 2000. Dans le contexte du gouvernement Harper qui se délecte de l’accroissement des dépenses de sécurité, la violence est la voie gagnante, servie sur un plateau d’argent.