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Haïr par amour…

Par 

Écrit par Richard Lauzon

 

En ce jour très pluvieux d’un novembre assez beau,

Il me vient une idée opposée au tombeau:

Émerger de la boue, pour porter un flambeau,

Mieux montrer un profil aux allures d’escabeau.

 

Je me donne des airs, offensés, saugrenus

Et je sais que je suis carrément malvenue,

Mais il y a des limites pour la face retenue,

À rester dans le noir comme une méconnue.

 

On m’appelle violence dans chacune de vos bouches.

Mais ce mot passe-partout assurément débouche

Sur un malentendu millénaire qui bouche

Vos oreilles et vos yeux qui toujours se rebouchent.

 

Ne croyez surtout pas que je perds la raison

Si je veux m’évader de ma sombre prison;

Je ne fais que chercher antidote au poison

Pour finir par trouver adéquate guérison.

 

Vous me dites ou me faites en milliers de blessures,

Et par six grandes étapes, je transmets mes morsures.

Avant d’en dévoiler, le mal, les meurtrissures,

J’ai aveu à vous faire pour casser la censure.

 

Quitte à vous sidérer, je proclame le fait

Que l’amour… sert de base à tous mes forfaits.

Mais j’avoue que j’incarne un amour imparfait…

Vous servant de prétexte pour ravir un bienfait.

 

Ce plaisir arraché plutôt que mérité

Aurait pu faire l’objet d’un travail, d’un doigté;

Mais l’ego ignorant, impulsif, entêté

Aime mieux raccourci que durable fierté.

 

Voici donc ma nature établie en degrés.

L’énoncé de ces phases, toujours plus vinaigrées,

Vise à vous déranger l’opinion, de bon gré;

Que chacune et chacun veuillent les intégrer.

 

Tout d’abord la moins pire se nomme indignation

Qui, secrète ou bavarde, fait la promotion

Des complices tels le blâme ou coupable émotion,

Des amants insatiables de la perfection.

 

Mépriser, insulter,  dégrader, abaisser,

C’est la voix qui s’élève pour mieux rabaisser,

C’est l’amour déprécié qui, pour mieux  se classer,

Monte sur des épaules qu’il peut mieux renfoncer.

 

Menacer de heurter, de cogner, de frapper,

C’est aimer le contrôle, c’est de s’y agripper.

Le jaloux, l’envieux veulent place occuper

Même si l’autre n’a plus qu’à crouler, qu’à ramper.

 

Menacer de tuer, c’est pousser le discours

À l’extrême limite de la vie, de son cours,

C’est promettre la mort, cet ultime recours,

Par amour de soi seul, sans bonté qui secourt.

 

Corriger, tabasser, molester, c’est la main,

Qui appuie la parole pour dicter son chemin

À la force des bras, par amour surhumain,

Mais qui cède la place aux penchants inhumains.

 

Comment imaginer que tuer, c’est aimer?

C’est l’orgueil qui panique de se voir déplumé

Puis l’amour du pouvoir, aveuglé, enflammé,

Qui s’allient, intimés de devoir supprimer.

 

C’est ainsi par amour, travesti en violence,

Que les peuples, que les cultes, que l’argent, les silences,

Justifient leurs forfaits au nom de l’excellence

De morales, d’alibis cramoisis d’insolence.

 

D’une telle maladie, vous pouvez vous guérir,

Si d’amour relevé, vous voulez vous nourrir;

Aux plus nobles pensées, veuillez donc recourir,

Pour la paix, je vous jure, je suis prête à mourir.

 

Or si c’est de l’amour dont je suis le prête-nom,

Laissons-lui la parole, cent fois digne de renom

Afin que de lui-même, pas sous un autre nom,

Il devise à loisir sans le voile du surnom.

 

Qu’est-ce donc que le mal, le mauvais, la noirceur,

Si ce n’est qu’une éclipse de lumière, de douceur?

Se peut-il que violence soit utile professeur

Pour qui fouille le ciel en habile penseur?

 

La carence d’amour est comme un manque d’air;

Quand le souffle de l’âme se fait rare, secondaire,

Le coeur crie: «Au secours»!» de façon lapidaire,

Puis s’inspire de la vie, en devient solidaire.

 

Ce retour fait appel à subtile alchimie

Car quiconque fait face à puissant ennemi,

Et impose ou subit affligeante infamie,

Prend du temps pour changer un rival en ami.

 

La manière d’écourter ces piqûres de chardon

Est connue de nous tous,

Il s’agit du pardon,

Une sorte d’amour qui requiert l’abandon

 

Des pensées vengeresses converties en pur don.

Toutes mes formes appellent donc la réconciliation:

À la rage indignée, on lie compréhension,

Au mépris proféré, on joint admiration,

 

À menace verbale, on préfère discussion,

À menace de mort, on choisit compassion,

À brassage, à blessures, on adopte affection,

À final homicide, on assure rédemption.

 

Puis-je encore suggérer, au sujet… du suicide,

Une approche confiante, un regard plus lucide,

Car je règne partout, pour peu que l’on décide

Que l’ombre n’a rien que ma lumière n’élucide.