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Énergie Saguenay, GNL Québec et Gazoduq.

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Des audiences publiques au-delà du réel!

Nous avons ici un projet qui est poussé au Québec par trois nébuleuses entités légales qui n’existaient pas avant le projet, et qui vraisemblablement n’existeront plus une fois que le projet aura fait son chemin. C’est un écran de fumée de relations publiques pour le gaz de schiste et de promotion d’un méga-gazoduc. Bref, dans le cadre de ce BAPE sur le projet GNL Énergie-Saguenay, nous sommes face à des bureaux de vendeurs.

L’Institut national de recherche et d’information socio-économiques (IRIS), a tenté, en vain, de voir qui investissait dans ce projet. Il y a de grands investisseurs étrangers, peut-être. Mais en apparence aucun de nos acteurs économiques majeurs. Pourtant nous savons bien que sans détenteurs de capitaux locaux, influents, participant activement au projet, un montage financier de 13 milliards de dollars est impossible. On a l’impression d’une stratégie de guerre : « Sois subtil jusqu’à l’invisible; sois mystérieux jusqu’à l’inaudible; alors tu pourras maîtriser le destin de tes adversaires. » disait Sun Tzu le célèbre stratège chinois.

Une lancinante question se pose donc. Qui est derrière ce spectral projet ? À qui profiterait le long gazoduc qui traverserait l’Abitibi, la Mauricie et la région du Saguenay, jusqu’à l’usine de liquéfaction de gaz au bord du Saguenay afin que ce gaz soit transbordé sur des navires-méthaniers et exporté en Europe, en Asie et en Chine.

Dans un affrontement, il est important de connaître son adversaire et de s’attaquer à sa stratégie. On voit ici que la stratégie du promoteur est celle de ne pas exister. On doit donc savoir à qui on a affaire et débusquer ce « fantôme ». Le présent BAPE c’est un peu Halloween avant le temps!

Cet immense projet « Énergie Saguenay, GNL Québec et Gazoduq » requiert la contribution de fonds d’investissement étrangers de dragons capables de cracher des dizaines de milliards de dollars.

Énergie Saguenay, GNL Québec et Gazoduq ? C’est TC Energy !

Trouver la réponse est simple : il suffit d’un coup d’œil sur une carte du réseau canadien de transport du gaz. Il faut peu de temps pour constater que ce projet sert à désenclaver, vers l’Atlantique, le réseau nordique de transport de gaz de l’entreprise TC Energy (anciennement TransCanada Pipelines).

TransCanada Pipelines a tactiquement changé son nom pour TC Energy suite à la cuisante défaite du projet Énergie-Est visant à acheminer du pétrole des sables bitumineux vers les provinces maritimes pour l’exportation. Mais les militants écologistes l’ont bien constaté : les équipes de promotion de ce projet sont en partie les mêmes que celles actives en faveur du défunt projet Énergie-Est. C’est un indicateur.

Mais curieusement, essayez de trouver le nom ou quelque référence que ce soit à TC Energy dans les milliers de pages de documents relatifs au projet GNL Québec déposés par le promoteur au BAPE. Vous ne trouve-rez rien, il n’y en a pas. Le principal intéressé ne défendra pas son méga projet devant les citoyens. Ses bureaux de communication s’en charge-ront. L’acteur principal de la pièce reste fantomatique, invisible.

TC Energy opère ce qu’elle appelle présentement la Canalisation Principale Canadienne, un gazoduc transcanadien toujours en opération après plus de 60 ans d’utilisation, qui portait le nom de : « TransCanada Pipeline »; le nom vous dit quelque chose? Eh oui! « TransCanada Pipelines ltd » dorénavant TC Energy.

Tout au long de son histoire, ce gazoduc de 14 114 km (8 770 milles) a permis de transporter du gaz naturel du bassin sédimentaire de l’Ouest Canadien (BSOC), vers l’Ontario et au-delà. L’immense installation, qui fut le plus grand projet énergétique canadien avant l’avènement des sables bitumineux, reste encore la colonne vertébrale de la politique énergétique canadienne.

La société TC Energy détient le monopole canadien du transport gazier et est considérée comme l’acteur dominant du transport du gaz en Amérique du Nord. La société transporte dorénavant, essentiellement du gaz de schiste sur 92 600 km de gazoduc qui sillonnent l’Amérique du nord et le Canada. Ses installations stockent et transportent plus de 653 milliards de pieds cubes de gaz naturel. Comme acteur majeur de l’industrie gazière nord-américaine, TC Energy est sans aucun doute la société qui bénéficierait en tout premier lieu du projet GNL Québec.

C’est cette réalité qui rend un tel projet de montage financier possible. La société TC Energy est possiblement l’investisseur aux assises locales solides qui se cache vraisemblablement derrière les sociétés-écrans. Et elle possède la totalité des contacts essentiels avec les entrepreneurs influents capable d’asseoir la crédibilité d’un tel projet. Mais dans le cadre de l’actuel BAPE, elle ne sera ni mentionnée et ni même questionnée. TC Energy, cette société dorénavant basée en Alberta, capitale canadienne du pipeline ne sera pas à la barre des témoins. Un monumental faux départ en termes de transparence.

TC Energie, mais d’où vient cette société ?

Avant d’être renommée, ce qui est tendance dans le domaine gazier présentement, la société portait le nom TransCanada Pipelines ltd. C’est historiquement le nom de son tout premier mandat, le gazoduc Transcanada Pipeline, réalisé dans les années 50. La feuille de route de la société dans le transport gazier est longue.

Il y a plus de 65 ans la société a été établie financièrement par un montréalais du nom d’Arthur Deane Nesbitt, par la société Nesbitt, Thompson and Company. La famille Nesbitt d’Outremont détenait des parts importantes dans les diverses sociétés d’énergie au Québec avant les années 50. Elle œuvrait essentiellement dans l’hydro-électricité et le gaz naturel, les activités énergétiques étaient à ce moment complémentaires et intégrées. Lors des premières étapes de la nationalisation pour créer Hydro-Québec, de nombreux actifs de la famille ont été achetés par le gouvernement du Québec. Ces acquisitions sont le point de départ d’une fortune et d’une longue relation d’affaire entre les intérêts gaziers et hydroélectriques au Québec.

Il est d’autant plus important ici de savoir que monsieur Nesbitt réalisa, en partie pour le compte du gouvernement canadien, le montage financier nécessaire à la construction du gazoduc TransCanada Pipeline, une conduite de 48 pouces traversant l’Alberta, la Saskatchewan, le Manitoba et l’Ontario. Ce gazoduc est actuellement nommé Canalisation Principale Canadienne par TC Energy. Nous parlons de toute évidence ici de la plus influente société canadienne du secteur gazier, qui œuvre dans le financement des infrastructures de transport d’hydrocarbures depuis des décennies. Qui d’autre pourrait réaliser un tel montage financier ?

Nesbitt, Thomson and Company continue sa croissance et devient l’une des plus grosses firmes de courtage du Canada. La société financière créée fut une des premières sociétés canadiennes cotées à la bourse de New-York. À l’origine de la division financière de la Banque de Montréal BMO Nesbitt Burns, elle est une société très influente et aguerrie dans les montages financiers associés à des méga-projets du domaine des hydrocarbures.

Fait intéressant! En 1957-58, l’arrivée au Québec du gazoduc TransCanada Pipelines fut teintée d’un scandale historiquement connu au Québec sous le nom du «scandale du gaz». Il s’agit d’une affaire politico-financière mettant en cause des ministres du gouvernement de Maurice Duplessis qui ont profité de leur position pour réaliser d’importants profits lors de la privatisation des activités d’extraction et de distribution ga-zières acquises par la nationalisation des sociétés d’énergie par Hydro-Québec. La synchronicité des deux événements nécessiterait une belle enquête journalistique. TransCanada Pipelines ltd débute la construction du gazoduc à travers le Canada au moment où la société d’électricité se départit de ses actifs gaziers et les acteurs semblent étrangement se recouper. Le gouvernement Lesage réfèrera régulièrement à l’influence du Trust du gaz au Québec, activités auxquelles les intérêts de la famille Nesbitt sont étroitement associés.


Naissance de Power Corporation du Canada.

C’est dans ce contexte que fut créée la société financière que plusieurs Québécois appellent familièrement Power Corp. détenue présentement par la famille Desmarais. Il est difficile de dénouer les innombrables nœuds commerciaux et investissements du portefeuille de la société, ou disons du conglomérat financier. Mais un peu d’histoire aide à comprendre comment la richesse et les influences politiques se sont construites.

En 1925, Nesbitt, Thomson and Company détient plusieurs parts dans le domaine de la production d’électricité. A.J. Nesbitt et P.A. Thomson fondèrent une société ouverte sous la dénomination toute simple, mais appropriée, de Power Corporation du Canada. Ils souhaitent tirer profit de la demande croissante d’électricité des foyers et des usines partout au pays. L’entreprise investit dans de nombreuses sociétés d’énergie et offre des conseils de gestion à ses filiales en exploitation. Elle propose aussi des services techniques par l’entremise d’une division de ses divisions de construction et d’ingénierie. Monsieur Nesbitt en est le premier président et en dirigera les destinées pendant plusieurs années.

En 1944, la première nationalisation sous le Gouvernement Adélard Godbout (2) a permis à l’État québécois de prendre le contrôle de la Montreal Light, Heat and Power qui comprenait une puissance installée combinée de 616 mégawatts. Tout au long des années la société Power Corporation transige des actions dans le secteur énergétique et offre une gamme de services techniques. Nous sommes dans une période où les gouvernements québécois successifs prennent le contrôle d’entreprises électriques de façon à étendre l’électrification aux régions les plus éloignées. Ces marchés sont jugés peu profitables et n’intéressent pas les entreprises privées d’énergie.

Durant les années 1950, Power Corporation continua de prendre des positions minoritaires dans des sociétés de production d’électricité à travers le Canada. Mais surtout, elle acquit une participation importante dans Shawinigan Water and Power Company, l’un des plus grands producteurs privés d’hydroélectricité au monde, possédant d’imposantes installations au Québec. Cette participation fut accrue en 1957 lorsque la société échangea sa participation majoritaire dans Southern Canada Power contre des actions ordinaires spéciales de Shawinigan Water and Power Company. Power Corporation était un acteur majeur du secteur énergétique et positionné de façon avantageuse pour tirer profit d’un service dorénavant jugé essentiel par les gouvernements.

Nationalisations et privatisations, des sources importantes de capitaux.

Toujours dirigée par ses fondateurs Deane Nesbitt et Peter Thompson, les années 1960 imposent des changements importants à Power Corporation. Plusieurs gouvernements provinciaux, dont celui du Québec, décidèrent de nationaliser la production d’hydroélectricité. Au Canada, compte tenu du climat, les provinces considèrent l’énergie comme un service public essentiel. Entre 1962 et 1964, c’est plus que 80 % du portefeuille de Power Corporation du Canada qui a dû être cédé générant d’importants capitaux, coupant les actifs générant les revenus récurrents et imposant ainsi une réorientation vers la finance. On voit donc clairement comment s’est constitué la richesse de la famille Nesbitt; et de leurs successeurs, la famille Desmarais.

Selon le site Internet de Power Corporation : « En 1964, Power tira plus de 69 millions $ de la vente de ses participations dans Shell, Trans-Canada Pipe Lines et de certains actifs des Industries Shawinigan ». Désormais dirigée par A. Deane Nesbitt et Peter N. Thomson, les fils des fondateurs, Power Corporation avait besoin d’une nouvelle stratégie. Ce fut donc le début d’un processus d’acquisition de participations impor-tantes dans des sociétés plus diversifiées que l’unique secteur de l’énergie. Une transformation qui se fit avec certaines difficultés et des pertes semble-t-il ?

Puis c’est dans un contexte économique plutôt difficile, de baisse de bénéfices pour les actionnaires que Peter Thomson et son conseil d’administration acceptèrent de céder leur pouvoir en échange d’actions avec La Corporation de valeurs Trans-Canada (Trans-Canada) au début de 1968. Trans-Canada était une société de portefeuille de 75 millions $, contrôlée par le financier Paul Desmarais, qui assuma aussitôt la direction de Power Corporation. Une puissante société financière naissait. La société œuvre aujourd’hui principalement dans les domaines du placement dans les portefeuilles de fonds mutuels et des assurances.

L’idée ici n’est pas de faire un historique complet de l’entreprise, mais de comprendre ses origines. Aujourd’hui, dans le contexte du changement climatique, Power Corporation tire parti de la complexité de sa structure de propriété comme un véritable avantage stratégique. Le conglomérat est tentaculaire et transige des capitaux et des actions d’entreprises. Cette façon de faire a pour effet de rendre confuse la portée de la responsabilité de ses multiples et complexes filiales. Power Corporation est passé maître dans l’art de jongler avec les raisons sociales complexes, et ainsi crée un fossé conceptuel entre ses diverses participations et les impacts sociaux et environnementaux combinés de ses activités.

Si on se fie aux travaux du « Corporate mapping project » basé à Toronto, « bien qu’il ne soit pas possible de déterminer comment l’ensemble de la société investit ses actifs, une analyse de certains des gestionnaires de placements travaillant pour son compte permet d’illustrer les effets carbones réels de ses avoirs : Putnam Investments, filiale de Great-West Lifeco, détient des placements dans BP, Chevron Corp., Royal Dutch Shell, ConocoPhillips, entre autres. Nous savons que Power Corporation tire ses origines des activités gazières, et est un acteur financier important derrière les sociétés Enbridge, Gaz Métropolitain (Energir), Engie Valener et vraisemblablement plusieurs autres.

Dans le contexte de la crise climatique, des institutions financières telles que les banques, les fonds de pension et les sociétés de gestion d’investissements ont été critiquées pour avoir financé les sociétés d’énergie fossile les plus importantes et les plus polluantes au monde. Bien qu’elles ne participent que rarement à la discussion sur le désinvestissement, les compagnies d’assurance jouent également un rôle central dans le soutien de l’industrie, à la fois en assurant des projets de combustibles fossiles et en investissant leurs primes d’assurance dans des sociétés pétrolières, gazières et charbonnières. L’influence de Power Corporation sur les combustibles fossiles est également perceptible à travers ses parts de propriété substantielles dans le géant français du pétrole et du gaz Total SA. Paul Desmarais Jr., président et co-PDG de Power Corporation, a été administrateur de Total SA jusqu’en 2017.

Notez qu’il serait particulièrement intéressant de pouvoir interroger ces acteurs de l’industrie gazière au Québec. Mais, bien entendu, ces sociétés TC Energy et Power Corporation du Canada, des acteurs essentiels pour suivre les intérêts gaziers au Québec, ne seront pas présentes au BAPE. Leurs intérêts dans le projet n’étant qu’indirect selon les cadres légaux actuels des sociétés. Les Québécois restent face à une brochette de sociétés écrans basées dans des paradis fiscaux comme interlocuteurs pour le financement de ce projet.

Hydro-Québec, contributeur principal au montage financier.

Il est sidérant pour le payeur de taxes de constater qu’Hydro-Québec est un acteur important connu du montage financier d’Énergie Saguenay, son gazoduc et son usine de liquéfaction. Hydro-Québec et son énergie propre offre le principal argument « vert » aux promoteurs du projet. Sans la contribution de la Société d’État qui reçoit les consignes politiques du gouvernement, ce projet ne peut pas voir le jour.

Il est facile de constater que les hauts dirigeants de la Société d’État proviennent pratiquement toujours du secteur énergétique, et souvent du secteur gazier. On retrouve aussi très souvent des anciens dirigeants de Power Corporation dans la très haute direction d’Hydro-Québec. Le lien étroit entre la création de la société d’état et l’industrie gazière est historique comme on l’a vu. Il origine de la mythique perception d’une complémentarité de ces deux secteurs énergétiques : l’électricité pour la demande continue et prévisible, et le gaz plus flexible pour l’autonomie, les pointes et l’intensité.

Ce mythe semble avoir été savamment entretenu au cours des années par les intérêts gaziers. Ainsi la Société hydroélectrique a franchi plusieurs sagas avec l’industrie gazière ces récentes années : le projet de terminal méthanier Rabaska, la centrale du Suroît, la Centrale de cogénération TC Energy de Bécancour, l’interminable SAGA du gaz de schiste pour l’autonomie en puissance, etc.. L’expertise de l’État en énergies s’est toujours rangée du côté de promoteurs gaziers, sans défendre l’intérêt supérieur des contribuables.

Encore une fois, Hydro-Québec, une société d’État qui appartient à tous les Québécois, participe curieusement et de diverses façons au montage financier du projet du « Trust gazier » canadien comme le disait le premier ministre Jean Lesage. On doit encore souligner ici que le gaz est le compétiteur direct de l’électricité au Québec. Comment se fait-il que les politiques des gouvernements orientent encore et continuellement Hydro-Québec, en soutien à l’industrie gazière, au profit d’entrepreneur privés, et au détriment de l’intérêt publique ?

Il y a deux ans, au moment d’activités intenses de lobby en faveur du projet GNL Québec, pas moins de sept représentants du méga projet gazier étaient inscrits au registre provincial des lobbyistes. De plus, GNL Québec a inscrit ses lobbyistes pour des démarches en vue spécifiquement de « l’obtention de puissance hydroélectrique ». Leur mandat visait explicitement Hydro-Québec, sommes-nous surpris ?

Selon la position actuelle du politique, GNL Québec pourra recevoir une réduction de ses coûts d’électricité en vertu des programmes actuellement en vigueur. Le bureau de promotion du projet recevrait la tarification énergétique préférentielle à long terme, un rabais d’électricité applicable aux consommateurs facturés au tarif « L » du gouvernement, qui s’applique aux clients industriels. En effet, ce programme prévoit une réduction maximale de la facture d’électricité de 20 % pour une durée maximale de 4 ans pour les projets de moins de 250 millions de dollars, et d’une durée de 6 ans pour les projets de plus de 250 millions de dollars. Une gracieuseté des contribuables québécois aux financiers internationaux, qui amplifiera le manque à gagner de la société d’État.

Normalement, ces revenus seraient rajoutés au profit d’Hydro-Québec, dont 75 % sont remis au gouvernement du Québec. Soyons clairs, cette aide n’est pas exclusive à GNL Québec. Elle touche tout nouveau projet des secteurs manufacturiers et de la transformation des ressources naturelles dans le but de stimuler de nouveaux investissements. C’est conforme à l’ancienne politique énergétique « extractiviste » de la province d’attirer les grands consommateurs avec une énergie à rabais.

Mais les rabais garantis qui comprennent souvent des clauses secrètes sur l’énergie ne suffisent pas. Hydro-Québec a déjà entamé le projet de construction d’une ligne électrique afin d’alimenter l’usine de liquéfaction de gaz naturel Énergie Saguenay. D’ailleurs les travaux de défrichage pour la construction de cette ligne sont déjà commencés entre Micoua et Saguenay. L’usine de liquéfaction exigera l’utilisation de 550 mégawatts de capacité électrique ferme. Une telle consommation d’énergie équivaut à la production de l’une des centrales du complexe La Romaine. La ligne Micoua-Saguenay acheminera encore une fois une importante puissance à un projet gazier d’exportation. Alors que le Québec est en situation d’Urgence climatique, cette énergie devrait pourtant servir à accélérer l’offre de service d’électricité propre visant à sortir les combustibles fossiles du cocktail énergétique des Québécois, dont le gaz naturel que GNL Québec veut exporter.

« Autoriser l’utilisation d’électricité propre pour mettre en marché davantage d’hydrocarbures constitue des aberrations financière, politique et tarifaire inacceptables. Il s’agit d’une décision injustifiable au plan social au Québec », déclare M. Saulnier ingénieur à la retraite d’Hydro-Québec. Jean Paradis, fondateur du groupe de travail sur les énergies Négawatts du Saguenay, estime que l’utilisation de l’électricité produite par Hydro-Québec pour l’usine de liquéfaction permettrait au promoteur d’économiser 10 % du gaz acheminé par gazoduc en provenance de l’Ouest canadien. Ceci favoriserait l’augmentation des ventes à l’exportation et procurerait à l’entreprise d’importants revenus supplémentaires, croit-il. C’est donc une subvention directe d’environ 295 millions de dollars et indirecte de 265 millions de dollars, a-t-il relevé, en entrevue lors d’une émission diffusée.

Mais ce n’est pas tout, comme si c’était possible il y ait pire encore. Hydro-Québec est un important client de TC Energy via l’usine de co-génération de Bécancour maintenue fermée par la société d’État. La Centrale au gaz du parc industriel de Bécancour devait pallier aux besoins de consommation de pointe d’Hydro-Québec et produire de la chaleur achetée par les alumineries, réduisant la consommation électrique de ces dernières. Le scénario est devenu désuet avec le départ de nombreux grands consommateurs.

Finalement depuis 2008, la centrale au gaz de TC Énergie (TCE) à Bécancour n’a jamais fourni de l’électricité sur une base annuelle à Hydro-Québec et, comble de l’absurde, un contrat d’approvisionnement ferme de 20 ans lie Hydro-Québec à TCE jusqu’en 2026, prolongé récemment jusqu’en 2036 semble-t-il. Depuis 2008, Hydro-Québec a donc versé plus de 1,4 milliard $ en indemnités à TCE pour garder la centrale fermée, mais opérante en cas de besoin. Avec d’importants surplus énergétiques dans ses coffres, Hydro-Québec confirme qu’elle n’aura plus besoin de l’électricité produite par la centrale de 507 mégawatts (MW) de TCE, mais contribuera à financer la société (la nommer). TC Énergie à Bécancour a refusé systématiquement de mettre fin à ce cadeau d’Hydro-Québec et s’apprête à offrir à la société d’État d’immenses avantages concurrentiels. On nous prend pour des cruches.

Êtes-vous surpris d’apprendre que Thierry Vandal, ancien pdg d’Hydro-Québec, était en poste au moment de la signature des ententes avec TC Energy ? Ancien dirigeant de Gaz-Métro (Energir) ne l’oublions pas, monsieur Vandal siégeait jusqu’à tout récemment (mars 2020) au conseil d’administration de TC Energy. À l’ère de madame Brochu, anciennement pdg d’Energir (Gaz Metro) et présentement pdg d’Hydro-Québec, sommes-nous étonnés de voir les intérêts gaziers bien défendus ?

L’éternel jeu de chaise musicale entre les intérêts privés canadiens du gaz, les administrateurs de Power Corporation et les dirigeants d’Hydro-Québec se poursuit. De puissants intérêts privés doivent s’assurer de continuer à influencer notre Société d’État dans la continuité, en faveur de la bonne santé de secteur gazier canadien et au détriment des intérêts des contribuables québécois et du bien commun.

Normand Beaudet, Centre de ressources sur la non-violence (CRNV)