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De la violence pour contrer la violence: un couteau à double tranchant

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 Un certain samedi soir du 11 décembre 2010, au Centre Bell de Montréal, une éclatante victoire du pugiliste Georges St-Pierre est confirmée par l’annonceur officiel du combat! Le gars de St-Isidore conserve son titre de champion du monde des mimoyens des arts martiaux mixtes.

Notre champion est certainement un bon porte-parole pour ce sport de combat qui fera son chemin dans notre paysage médiatique et supplantera peut être la boxe.

 

De ce nouveau-né dans le monde des arts martiaux, sommes-nous près de dire « voilà un autre moyen de contrôler la violence en canalisant des sources d’agressivité? Est-ce un pas judicieux vers des programmes d’autodéfense ou de prévention de violences »? Jusqu’à quel point ce nouveau spectacle peut prétendre être un moyen pour désamorcer des situations de violence? Dans le cas contraire, où serait notre responsabilité si un tel sport de violence extrême continue de bénéficier de couvertures médiatiques et être popularisé avec autant d’empressement ?

 

Sans nul doute, un sport de combat intelligemment enseigné est un atout pour désamorcer des comportements violents. Il peut accrocher des jeunes violents et les aider à développer la confiance en soi, stimuler chez eux le développement d’un sentiment de sécurité. Il peut devenir un cadre pour former à la non-agression et aux principes de défense non offensive.

 

Au Québec, plusieurs écoles de combat disent pouvoir utiliser avec succès la boxe, le karaté et d’autres arts martiaux pour « sortir les jeunes de la rue. » En témoigne, le récent documentaire «Les poings serrés» de la réalisatrice Mélissa Beaudet.

 

Administrés avec une supervision adéquate, ces sports peuvent devenir, pour les parents, les éducateurs et les entraîneurs autant d’opportunités d’éducation à la maîtrise de soi en situation de conflits.  Ils peuvent être des occasions de prévenir la violence en instruisant les jeunes sur les divers mécanismes d’endoctrinement de nos jeunes vers des comportements violents.

 

Mais un tel but éducatif n’est pas l’aboutissement recherché par un grand nombre de spectacles qui ne cessent pourtant de s’imposer à notre environnement culturel. Au cours des années, notre champ de loisirs a été envahi par la violence télévisuelle. Aux innombrables scènes de violence intégrées au cinéma, se sont ajoutés la boxe télévisée soutenue par les chaînes d’État, les jeux vidéo violents et l’endoctrinement militaire de nos jeunes. Et c’est sans compter les sites de Paintball, de nombreuses formes d’écoles d’arts martiaux, les sollicitations à la violence via Internet, etc.  La liste est encore longue.

 

Très peu d’écoles d’arts martiaux auraient à la fois la vision et l’expertise pour orienter leur enseignement vers le désamorçage des réflexes et comportements violents chez nos jeunes.  Leur approche éducative misant essentiellement sur la mécanique du combat encadré par un simple « code de conduite » est dangeureux, voir même irresponsable.

 

Selon Jacques Hébert, professeur au département de travail social de l’UQAM, lui-même instructeur de Karaté, « il reste du chemin à faire avant de développer, par le biais des arts martiaux, une véritable competence dans le désamorçage des situations de violence ».  Nos arts martiaux actuels ont tout de la guerre et rien des « arts » associés à de véritables valeures humanistes.

 

Sur de nombreuses tribunes, des animateurs ont présenté Monsieur St-Pierre comme un « bon ambassadeur » de son sport. Lors de ses entrevues, le pugiliste a souligné l’importance pour les jeunes de persévérer dans leurs études et s’est présenté comme une personne intéressée à « la philosophie et à la paléontologie ». Une attitude bien positive qui ne nous dispense cependant pas de nous demander si son statut de vedette, et l’attrait que son sport est susceptible d’exercer sur des jeunes, peuvent vraiment contribuer au développement d’une pratique sportive constructive.

 

Le défi à cette étape est de démontrer que les porte-parole de ce sport sont véritablement formés adéquatement et responsables.  Sont-ils réellement porteurs de cette vision préventive qui vise à canaliser l’agressivité des jeunes, et développer les aptitudes requises pour désamorcer la violence?  Si ce n’est pas le cas, nous jouons à un jeux de plus en plus dangeureux en transformant des jeunes violents en tueurs main nues.

 

Si la canalisation de la violence n’est pas l’objectif de ce sport, doit-on continuer d’applaudir le tapage publicitaire derrière ce sport extrême et son valeureux champion?

 

La violence pour contrer la violence, c’est toujours une épée à deux tranchants. C’est vrai!  Aussi bien pour les arts martiaux, pour l’utilisation des jouets guerriers ou des jeux vidéo que pour l’implantation tous azimuts de sites de Paintball. Populariser ces activités, c’est créer des situations qui transposent la violence dans le quotidian de nos jeunes.

 

Sans la supervision d’adultes compétents, ces activités renforcent la perception malheureusement répandue que la violence est une nécessité dans de nombreuses situations conflictuelles. Ce qui constitue un problème croissant dans nos société.