Depuis le 13 février 2012, les associations étudiantes du Québec se sont engagées dans un mouvement de grève pour s’opposer au désir du gouvernement provincial de Jean Charest d’augmenter de 75 % sur cinq ans les frais de scolarité dans les universités.
Enfermé dans sa tour d’ivoire, ce gouvernement a minimisé l’attachement de la population à un système éducatif qui favorise une plus grande accessibilité à des études universitaires.
C’est de cette menace à une des pierres d’assises de l’émancipation des Québécois depuis la « Révolution tranquille » qu’émergera une incroyable lutte populaire et pacifique pilotée par le mouvement étudiant au printemps 2012
La mobilisation contre l’intransigeance gouvernementale
De nombreuses manifestations et occupations, impressionnantes par leur fréquence, leur ampleur et leur créativité furent menées par des étudiants membres d’associations étudiantes et par des citoyens en provenance de divers milieux.
Dans une certaine mouvance anti-mondialisation et anarchiste, surtout avant les mobilisations de masse, quelques-unes des manifestations ont tourné à l’affrontement avec les forces policières. Mais, très tôt, le 22 mars et le 22 avril, le « Jour de la terre », de gigantesques marches solidaires regroupant des centaines de milliers de citoyens se sont imposées. Progressivement, les groupes de casseurs ont été perçus comme marginaux et leurs actes de provocation contestés. Dès le 1er mai, 175 000 étudiants des associations collégiales et universitaires ont déclenché un mouvement de grève générale illimitée.
Malgré la croissance rapide du mouvement et les pressions continues de la rue, le gouvernement est resté campé sur ses positions et les aménagements proposés aux étudiants, continuant de s’appuyer sur le principe « chacun doit faire sa part », maintenaient la hausse des frais scolaires.
En parallèle, le gouvernement a facilité et encouragé la judiciarisation du conflit, incitant et facilitant des demandes d’injonctions et des poursuites en recours collectifs par des étudiants contre les obstructions au fonctionnement des institutions d’éducation.
Refusant toute concession, le gouvernement Charest a fait adopter la loi 78 en date du 18 mai, la « Loi permettant aux étudiants de recevoir l’enseignement dispensé par les établissements de niveau postsecondaire qu’ils fréquentent ». Elle imposait par ailleurs d’importantes contraintes au droit de manifester, de piqueter. Elle prévoyait des pénalités financières tellement élevées à l’endroit des contrevenants qu’elle fut perçue comme portant atteinte au droit d’association.
L’intransigeance, la répression et la Loi Spéciale autoritaire ont provoqué une indignation généralisée et concouru à motiver le plus grand soulèvement des mouvements sociaux exaspérés.
Les autorités policières n’étant plus avisées ni des manifestations ni de leur trajet, ce sont des manifestations déclarées illégales par les forces de l’ordre qui sont régulièrement parties de la Place Émilie Gamelin au centre-ville. Des milliers d’étudiants et d’autres citoyens indignés, outrepassant leur peur de l’autorité et de la police, ont continué de défier la loi que les forces policières n’osaient pas mettre en application.
Forcé d’agir, le gouvernement a précipité sa propre fin
Au terme de son troisième mandat, avec un pouvoir miné par de nombreux scandales de corruption, le gouvernement a adopté la ligne dure, opposant « l’ordre établi» à «la rue ».
Confiant qu’une fuite en avant lui permettrait de gagner tous ses paris, il a décidé de devancer la tenue des élections, les programmant en été, en pleine lutte sociale. Le pari était que l’électorat du statu quo, probablement demeuré silencieux, voterait pour le gouvernement ; qu’une majorité de la population s’opposant au gouvernement, et surtout les jeunes, qui ne votent que peu, sera en vacances ou difficilement mobilisable en cette période.
Mais, contre toute attente, la lutte est facilement passée de la rue aux urnes. Les unes après les autres, les assemblées générales étudiantes ont annoncé une trêve électorale et des assemblées pour décider des moyens de poursuivre la lutte. Une discipline aussi importante qu’inattendue, quelle surprise de la part d’un mouvement social en pleine lutte !
Au lendemain de l’élection, la chute de ce gouvernement très proche des intérêts financiers fut brutale. Même le premier ministre Charest n’a pas été élu dans sa propre circonscription.
La nouvelle première ministre a aussitôt annoncé son intention d’annuler la hausse des frais de scolarité, d’abroger la Loi Spéciale.
Une page importante de la lutte sociale québécoise venait d’être écrite. Les résultats de cette lutte ont démontré la force et le pouvoir d’un peuple indigné qui se mobilise. Ils ont prouvé que la mobilisation pour une action sociale essentiellement non-violente peut mener à des gains inattendus.