Le Projet accompagnement solidarité Colombie – PASC – est une organisation qui travaille à créer un réseau de solidarité directe avec des communautés paysannes en résistance civile, via la diffusion d’information et l’accompagnement international. Nous proposons de concrétiser la solidarité directe par l’envoi d’accompagnateurTRICEs au sein des communautés du Jiguamiandó et du Curvaradó, province du Chocó (nord-ouest de la Colombie), qui affirment leurs droits en tant que population civile vivant au sein d’un conflit armé et luttant pour la Vie, le Territoire et l’Autodétermination.
Lors de l’opération Génésis, en 1997, les communautés paysannes de la région furent déplacées massivement. L’armée nationale bombarda la zone, après quoi les paramilitaires et les militaires attaquèrent conjointement au sol, prétextant la présence de la guérilla dans les environs. Après plusieurs mois comme réfugiés, les gens commencèrent à s’organiser afin de pouvoir retourner sur leur territoire ancestral. Les communautés réussirent à retourner dans le bassin de la rivière Jiguamiandò en 2000.
C’est à leur retour que les communautés ont constaté que des milliers de petits palmiers poussaient sur leurs terres. Un mégaprojet de plantations de palmier africain (palmier à huile) destinée à l’exportation s’était mis en place. Selon un rapport de l’Institut colombien de développement rural (INCODER) de mars 2005, 4993 hectares appartenant aux territoires collectifs du Jiguamiandó et du Curvaradó sont illégalement occupés par le palmier africain et l’élevage bovin, et 93% des plantations de palmiers sont illégales.
En 2004, les communautés du Bas Atrato créèrent trois zones humanitaires au Jiguamiandó. L’an dernier, deux nouvelles zones furent créées au Curvaradó. L’une d’elle est située au milieu des plantations de palme africaine où la présence paramilitaire, militaire et policière est forte. De plus, les familles du Curvaradó ont décidé de créer des zones de réserve naturelle et de biodiversité. La création de ces zones dans le Curvaradó signifie pour les paysans une nouvelle étape dans la résistance pour la défense de leur territoire. De l’étape défensive consistant à se protéger des incursions armées et à dénoncer le vol de leur terre, ils sont maintenant passés à l’étape offensive par le biais de la récupération directe de leurs terres.
Les zones humanitaires sont des lieux exclusifs de population civile où aucun acteur armé ne peut entrer. Ces zones vont naître comme une stratégie de distinction et de protection au milieu du conflit armé. Mais plus profondément, elles vont permettre aux communautés de se regrouper, de s’organiser et de mettre de l’avant leurs projets de vie autonomes. S’appuyant sur le droit humanitaire international, ainsi que sur l’accompagnement national et international, elles constituent une nouvelle stratégie face au redéploiement paramilitaire et militaire qui s’effectue présentement en Colombie.
La militarisation qui s’opère dans la région va de pair avec l’imposition de mégaprojets économiques. Grâce au contrôle des différentes zones stratégiques par l’armée nationale et les paramilitaires, des compagnies peuvent accéder au territoire afin d’y développer leurs activités. À titre d’exemple, on peut nommer la coupe forestière intensive, l’exploitation minière à ciel ouvert, les mégaprojets agro-industriels et d’élevage bovin, ou la construction d’infrastructures. Il y a littéralement une contreréforme agraire qui s’opère et qui vise à déposséder les paysans de leurs terres ancestrales pour les remettre entre les mains d’investisseurs privés. Ce processus affecte gravement le mode de vie des communautés, ainsi que l’agriculture de subsistance qu’elles pratiquent et qui permet leur autonomie alimentaire.
De plus, les impacts environnementaux dus au développement de mégaprojets sont catastrophiques pour cette région, située au coeur d’une forêt tropicale humide extrêmement riche en biodiversité.