Et si la solution la précarité reposait sur une régionalisation des bénéfices?
La précarité dans les communautés ne fait que prendre de l’ampleur. C’est le cas dans un grand nombre de municipalités rurales et en particulier dans les communautés autochtones dont certaines contestations ont récemment retenu l’attention. À quoi cela est-il dû sinon à la persistance du modèle anachronique de développement qui consiste en des projets pour pérenniser la dépendance des communautés par rapport au fonctionnariat et aux actionnaires privés.
La persistance sur cette voie favorise l’enrichissement des actionnaires privés avec, notamment, nos sources d’énergies renouvelables pendant que de toutes petites communautés restent dans la précarité et économiquement vulnérables. Un modèle économique alternatif existe pourtant, et son application ne demande qu’à être élargie afin de soutenir la transformation accélérée de nos communautés.
Des municipalités et des communautés dépendantes
De manière plus générale, depuis des décennies, les pouvoirs locaux (municipalités et MRCs) n’ont cessé de plaider pour l’élimination de la dépendance financière envers la taxation foncière et les promoteurs immobiliers. L’assise économique de nos municipalités au Québec, c’est évidemment la taxation foncière. Pour accroître ses revenus, une municipalité doit multiplier le nombre de propriétés sur son territoire. Si la demande du marché se situe dans les résidences unifamiliales, l’étalement urbain ne peut que s’accélérer. Si la demande est dans le secteur des habitations à loyers multiples, l’avenir est dans la construction en hauteur et l’adaptation des services et infrastructures à cette réalité.
Les postes de dépenses et responsabilités municipales se multiplient et les charges croissent en continu. Mais les revenus sont de plus en plus difficiles à harmoniser avec les impératifs qu’imposent les contraintes environnementales et climatiques. Les élus de nos communautés sous constante pression économique sont à la merci des promoteurs immobiliers qui multiplient les voies de rémunération créatives pour contourner les règles. Les récentes Commissions en font foi.
Dans les communautés autochtones, c’est de manière encore plus remarquable que la précarité et la vulnérabilité sont maintenues. Depuis des lunes, les Nations autochtones revendiquent des droits sur les retombées de l’exploitation des territoires ancestraux. Le confinement dans des réserves, combiné à la dépendance chronique par rapport à Fonction publique fédérale, constitue la véritable source de vulnérabilité .
Les conditions de précarité économique attirent les promoteurs d’activités multiples, misant souvent sur le fait que les lois existantes ne s’appliquent souvent pas aux communautés autochtones régies par un cadre législatif différent (la loi sur les Indiens). Les véreux réussissent toujours à trouver des interlocuteurs opportunistes intéressés à brader le territoire de leur communauté ou les fonds publics contre la promesse d’hypothétiques ou de lointains bénéfices économiques ou électoraux. De cette réalité émerge dans plusieurs communautés des tensions et une dynamique de crise quasi-permanente.
La régionalisation
Au Québec, un remède à la dépendance des communautés par rapport aux revenus de taxation existe. Et, à l’ère des énergies renouvelables, l’émergence de la géothermie, des parcs d’énergie solaire et éolienne et de la micro-gestion des réseaux de distribution électrique, la régionalisation devient un modèle incontournable. Nous parlons ici du modèle de la redistribution électrique. Une communauté achète à tarif avantageux de l’électricité du grand réseau d’Hydro-Québec. Elle la revend avec bénéfice aux abonnés de son micro-réseau qu’elle facture elle-même. Une communauté qui œuvre dans la redistribution électrique peut-être : une municipalité, une MRC, une communauté autochtone ou même une coopérative d’utilisateurs. Le modèle existe déjà au Québec et fonctionne très bien. L’Association des redistributeurs électrique du Québec (AREQ) regroupe présentement une dizaine de micro-réseaux. Ce modèle régionalise les bénéfices de la distribution, de l’efficacité énergétique et de la micro-production électrique. Ce qui devient un gage d’autonomie.
Autonomisante et saine
La crise climatique actuelle nous impose d’innover. Nous devons à tout prix accélérer la décarbonisation de nos sources d’énergie. Hydro-Québec est un immense paquebot qui offre peu de flexibilité, la société d’état a préféré à ce jour externaliser la micro-production renouvelable au grand bénéfice du privé. Sauf dans certains cas, dont certains redistributeurs municipaux, les mini barrages, les parcs éoliens, les parcs solaires et les mesures d’efficacité énergétique servent présentement à enrichir certains actionnaires de société comme Boralex, Inergex, Energir, SUNCOR et autres; au lieu de bénéficier aux communautés. Imaginons le contexte ou les communautés autochtones et les municipalités deviennent des redistributeurs électriques tirant des bénéfices de la redistribution.
Imaginons encore que la totalité des infrastructures de production électrique renouvelables est municipalisée ou se transforme en services communautaires permettant de réduire les besoins d’achat au réseau central. Imaginons enfin que les nouveaux réseaux de redistribution électriques deviennent intelligents (micro réseau de Lac Mégantic) et permettent de gérer efficacement les échanges entre microproducteurs résidentiels, l’opération des parcs communautaires, le recours à la géothermie, les installations de stockage et les contrôle domotiques. Les gains en termes d’efficacité seraient considérables. Toute offre électrique complémentaire, ou de conversion des combustibles fossiles vers une offre électrique accroîtrait non seulement les revenus de consommation pour le redistributeur communautaire, mais la conversion hors des hydrocarbures permettrait aux micro-réseaux de collecter des crédits carbones. Il y a ici un véritable modèle économique alternatif permettant à la fois d’accélérer la décarbonisation et de rendre autonomes les communautés.