Vers une démocratie participative et active.
Les fondements de notre système politique de représentation ont été sérieusement entamés par les multiples scandales de collusion et de corruption qui ont marqué la scène politique des dernières années au Québec et au Canada. L’effet corrosif de ces scandales est la perte progressive de confiance dans notre système représentatif. Ce qui mène certains à percevoir notre démocratie comme un système désuet qui n’a d’autre choix que de se repenser, se dynamiser.
Une démocratie désuète
Dans une démocratie représentative, le citoyen s’exprime par le vote et, par la suite, supplie son représentant de bien vouloir réaliser ses promesses électorales, la raison de son élection. Mais, depuis bien longtemps, ce système a démontré des limites. Ces dernières années, en particulier, les constats de dérives se sont multipliés : Le trafic d’influence excessif des acteurs principaux de l’économie; les évasions fiscales; les fraudes diverses; les collusions et la corruption, etc. Bref, tout ce qu’il faut pour miner la confiance des citoyens.
L’électeur moyen réaliste est de plus en plus convaincu que les représentants politiques et leurs partis, achetés par les riches, ne peuvent servir véritablement le peuple s’ils n’ont pas à craindre une pression constante de citoyens organisés.
L’ère du citoyen votant et subissant, jusqu’à l’élection suivante, les politiques des politiciens au service de l’argent ne devrait plus être la norme pour bien longtemps. Les fuites d’informations bancaires sur les riches qui contournent leurs obligations fiscales se multiplient; les sonneurs d’alarme apparaissent un peu partout.
Démocratie renouvelée
Si l’on devait faire l’état des lieux de notre démocratie, on dirait de notre modèle qu’il n’offre aux citoyens que très peu d’occasions de se faire entendre. En s’exprimant par le vote, le citoyen délègue l’essentiel des ses pouvoirs à un individu qu’il n’a peut-être connu qu’à l’occasion des élections. Par la suite, c’est cet individu qui prendra des décisions pour lui pour le temps d’un mandat, pendant quatre ou cinq ans.
Il suffit donc d’un blocage dans les méandres de la délégation pour que de nombreux citoyens électeurs se sentent coupés des lieux des décisions et développent le triste sentiment d’incapacité à changer leur environnement immédiat. Reconnaître un droit de vote à tout citoyen est bien entendu un point de départ, un principe essentiel de la démocratie. Mais la suite, c’est-à-dire le maintien du pouvoir du citoyen advenant un détournement de la représentation, dépendra beaucoup de l’action directe, d’un véritable engagement citoyen, des capacités de citoyens à constituer des groupes avisés d’une gamme de moyens pour attirer l’attention sur des enjeux de société et pour convaincre les décideurs.
Qu’est-ce donc que l’action directe?
L’action directe, c’est l’action des citoyens qui interviennent directement dans le concret de la vie en société. Les citoyens qui se mettent ensemble pour créer un projet de coopérative de service ou agricole exercent une des formes de l’action directe citoyenne. L’action directe a lieu toutes les fois que les citoyens, au lieu de supplier leurs représentants dont ils n’approuvent plus le comportement, s’organisent pour agir sur le terrain, posent eux-mêmes les actes qui auraient pu émaner des institutions politiques, s’interposent dans une opération pour la bloquer et inciter l’autorité à prendre ses responsabilités.
Dans nos sociétés, l’action directe citoyenne demeure mal comprise. On continue de l’associer à la violence dans la mesure où elle met au grand jour des situations conflictuelles. Au Québec, nous avons souvent en tête les actions directes de perturbation lors de manifestations ayant mené à des confrontations avec les forces policières et à une escalade des violences, au point où on se demande si, pour être efficace, l’action directe citoyenne doit transgresser les lois, dégénérer en confrontation violente et impliquer des arrestations?
Nous avons pourtant aussi à l’esprit l’image des actions spectaculaires du groupe Greenpeace, l’image de militants suspendus en-dessous des ponts, des Zodiacs poursuivant des baleiniers et des militants s’enchaînant aux arbres devant des tronçonneuses. L’organisation canadienne a mis de l’avant, et de façon extrêmement efficace, une stratégie de communication et de financement mondiale axée sur les actions directes non-violentes spectaculaires. La dramatisation de l’arrestation et un usage efficace des moyens de communication et de diffusion médiatique qui permettent de cristalliser l’opinion des citoyens sur des enjeux importants.
Vers des actions de masses!
Il y a quelques années, dans un groupe de travail sur l’action non-violente, un participant a affirmé : « Si ma grand-mère handicapée ne peut pas participer à vos manifestations, vous n’avez pas de chances de gagner. » Lorsqu’on transpose cette affirmation à l’action terrain, on voit l’importance de prendre en considération l’impact des actions des masses. On n’a qu’à songer à ces familles complètes d’Innus : femmes, enfants aînés qui, ensemble, montaient des campements sur les pistes d’atterrissage de la base militaire de Goose Bay.
Nous avons encore frais à la mémoire le mouvement des casseroles lors de la lutte étudiante en 2012, un événement quasi festif de plusieurs milliers de personnes au Centre-Ville de Montréal, puis un peu partout au Québec, sortant dans les rues pour faire sonner les casseroles. Les gestes n’étaient pas légaux, plusieurs auraient pu se faire émettre des constats d’infraction pour avoir « troublé la paix ». Mais les autorités ont dû tolérer face à l’ampleur d’un tel mouvement de masse. C’est souvent l’aspect mobilisateur des masses qui démontre le plus efficacement l’efficacité d’une action directe non-violente.