Aller au contenu
Accueil » Le Printemps libanais en trois actes

Le Printemps libanais en trois actes

Par 

Le Liban repose sur un fragile équilibre intercommunautaire qui a donné lieu, de 1975 à 1990, à une guerre dont les enjeux sont à la fois libanais, régionaux et internationaux.

Le 14 février 2005, la mort tragique du Premier ministre Rafic Hariri suscite un mouvement de libération populaire non armé qui compte renverser le gouvernement pro-syrien par les urnes. Il reçoit l’appui des USA et de la France qui insistent pour une application rapide de la résolution 1559 des Nations-Unies exigeant le retrait des troupes syriennes.

La brève chronologie en trois actes que nous présentons permet de saisir au jour le jour la force de cette lutte populaire inspirée par la conviction que le pays est mûr pour le changement et peut avancer vers un nouveau destin. Le Liban, selon toute vraisemblance est en train d’écrire une nouvelle et inspirante page de l’histoire du Moyen-Orient. C’est le « printemps libanais ».

Acte 1 Le mouvement des masses

Le 16 février, une foule massive participe aux obsèques populaires de Rafic Hariri dans un atmosphère de deuil profond. Dès le lendemain, encore sous le choc de l’attentat, les premiers rassemblements spontanés de la jeunesse rejettent ce geste de violence et invitent la population à un vendredi de recueillement et de prières.

De son côté, l’opposition parlementaire appelle au soulèvement démocratique pour l’indépendance et réclame un gouvernement de transition qui assurera le retrait syrien et supervisera le scrutin législatif prévu pour le printemps. Elle appuie avec force une commission d’enquête internationale et transparente sur l’attentat.

Les premières tensions se pointent à l’horizon. Le ministre de l’Intérieur Soleiman Frangié avertit l’opposition que l’Etat ne resterait pas les bras croisés après les trois jours de deuil officiel. En cas de « troubles publics » le gouvernement pro-Syrien agira.

Réunis sur la Place des Martyrs, les dirigeants de la gauche démocratique affirment: « Cette place est désormais la Place de la Liberté… Chaque soir, nous allons nous retrouver ici jusqu’à ce que la vérité soit faite ».

Chaque jour, des milliers de personnes se rassemblent près du lieu de l’assassinat pour respecter une minute de silence à l’heure exacte de l’attentat, se souvenir des 17 personnes tuées depuis le 14 février et apporter leur soutien aux 220 blessées. Pour tous, il est clair que la jeunesse veut tourner le dos aux guerres du passé et marcher vers un avenir de liberté et de paix respectant la pluralité libanaise. Ils sont parfois plus de 100 000 à crier: « 2005, indépendance, tous avec la patrie ».

À l’approche du débat parlementaire prévu pour le 28 février, les médias parlent de révolution rouge et blanche, en référence à la révolution orange de l’Ukraine à la fin de 2004. La population qui a surmonté sa peur est véritablement prête à défier le gouvernement. La mobilisation ne faiblit pas et est galvanisée par les pressions extérieures sur le pouvoir. Les manifestations et vigiles sont continues et une chaîne humaine de plusieurs kilomètres serpente Beyrouth.

Le grand défi du peuple libanais est de dire non à la violence et de contrer ce démon du passé qui voudra se manifester. On assiste aux premières scènes de fraternisation avec l’armée et la foule en liesse manifeste près du parlement dans une atmosphère festive peu commune dans le monde arabe.

Si la motion de censure déposée par l’opposition a peu de chance d’être adoptée, on espère que la pression populaire par son ampleur amènera la démission d’une dizaine de ministres et provoquera la dissolution du gouvernement pro-syrien.