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Quand la guerre devient une valeur fondamentale à partager

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La nouvelle ère du militarisme canadien.

Affiche du Festival culturel militaire de Montréal.
Affiche du Festival culturel militaire de Montréal.

Les Canadiens sont présentement exposés à une importante publicité préparée par le gouvernement du Canada pour commémorer la guerre de 1812. La première édition du Festival Militaire de Montréal « Armée de culture » et cette campagne publicitaire ne sont que deux exemples parmi plusieurs.  Il faut tenter d’étudier les soubassements de ces initiatives pour comprendre sur quelles assises le gouvernement conservateur actuel veut ériger les nouvelles valeurs canadiennes.

Quand la guerre devient une valeur fondamentale, et l’armée un idéal à partager.

Le militarisme fait très rapidement son nid au Canada grâce à une idéologie politique qui met en avant-plan la notion de « culture militaire ». Les dirigeants promeuvent cette notion et cherchent par tous les moyens à placer les valeurs militaires au centre du patrimoine national canadien.

Toute une propagande militariste a pris place par l’action des politiciens et des dirigeants qui prônent activement la primauté de la force militaire dans les relations entre les États.

Nos dirigeants mettent continuellement les enjeux de la sécurité au premier plan dans la relation entre l’État et ses citoyens, stimulant les peurs et multipliant les mécanismes de sécurité. Tour à tour, les politiciens, tenants de cette vision, affirment que l’armée et l’ordre sont les meilleurs instruments pour développer l’économie et servir les intérêts de la population et de la nation.

Commémoration de la guerre de 1812. (Photo: pc.gc.ca)
Commémoration de la guerre de 1812. (Photo: pc.gc.ca)

Disons que, pour les Canadiens, il est difficile de ne pas reconnaître dans cette réalité politique la touche personnelle de l’actuel premier ministre du Canada Stephen Harper, un passionné de l’histoire militaire.  Après la guerre en Afghanistan, des efforts immenses ont été mis dans le recrutement militaire.  Les contribuables ont fait face à une augmentation vertigineuse des budgets militaires et acquisition d’équipements à coûts astronomiques. Et maintenant, ce sont la notion d’occupation du territoire nordique par les manœuvres militaires, les initiatives de propagande culturelle axée sur la valorisation des grands faits d’armes et de grandes réalisations militaires qui dominent les politiques du gouvernement canadien. La machine à propagande militariste est bel et bien emballée.

Avec l’histoire de la « guerre de 1812», toutes les excuses semblent bonnes.

L’omniprésence d’une culture de la guerre.

Difficile de contredire le gouvernement lorsqu’il affirme qu’il existe bel et bien une culture militaire au Canada, laquelle serait au cœur de notre identité commune. Pour peu que l’on prenne la culture canadienne comme l’ensemble des traits distinctifs, spirituels, matériels, intellectuels et affectifs qui caractérisent la société canadienne, on reconnaîtra que la chose militaire a eu sa part d’influence sur la vie du pays. En fait, la naissance même des structures du gouvernement fédéral est associée à l’effort de guerre. Près de 40 % de ses activités économiques, consulaires, de recherche  & développement sont associés à son armée. Même le droit de vote des femmes au Canada peut être vue comme une concession du gouvernement  de 1917 contre l’assentiment des femmes à la conscription des hommes. Les exemples en ce sens pourraient se multiplier. Les faits historiques ne manquent pas à qui veut promouvoir une culture de la guerre, cette réalité qui a inévitablement influencé les arts, la littérature, les mœurs, les systèmes de valeurs, les traditions et les croyances collectives partagées par un nombre important de Canadiens.

Oui!  N’en déplaise à certains, il existe bel et bien une culture militaire au Canada.

(Photo: patrimoine-culturel.gouv.qc.ca)
(Photo: patrimoine-culturel.gouv.qc.ca)

Ne serait-ce que parce que l’histoire du Canada qu’on enseigne à nos enfants est truffée de grands faits d’armes, de « héros » militaires et de « faits divers » de type guerrier.  De nos villes jusqu’au plus petit village, on retrouve des places de commémoration des guerres, des sculptures honorant les héros, des noms de rues et des places ainsi que des parcs commémorant les faits d’armes. Même les canons anciens sont partout exposés des vestiges historiques. La pratique est tellement répandue qu’on ne la questionne même plus. Lorsqu’on ajoute à cette litanie de manifestations la  réalité quotidienne, soit l’influence de la culture américaine qui véhicule à sa façon sa culture militaire,  on ne peut que constater l’omniprésence dans notre quotidien de la culture de la guerre.

On ne retrouve plus la culture militaire que dans les musées, mais aussi depuis longtemps dans les jouets pour enfants, dans les jeux vidéos et le paintball, dans la prolifération de nombreux sports de combat, et autant au petit écran que dans les films sur grand écran provenant de Hollywood.

Culture militaire ou militarisme ?

Le problème survient quand ceux qui dirigent l’État croient en la nécessité de promouvoir la culture de la guerre et pensent que cette culture constitue la valeur première sur laquelle guider le futur du pays.

Si la notion de militarisme et le terme militariste ont acquis de fortes charges péjoratives, ce n’est pas seulement le fait de l’omniprésence de symboles militaires partout dans notre société, mais aussi et surtout celui du recours de plus en plus courant à la force militaire à des fins offensives dans les relations internationales.  Nombreux sont les chercheurs qui considèrent qu’un État qui s’arme pour se défendre n’est pas nécessairement militariste.

Opposition au Festival culturel militaire de Montréal, 2012. (Photo: inconnu)
Opposition au Festival culturel militaire de Montréal, 2012. (Photo: inconnu)

Un État devient militariste lorsque, sans la moindre menace imminente, ses dirigeants décident que leurs efforts de développement politique et économique doivent essentiellement s’appuyer sur le développement de la force militaire ; lorsque le stimulant économique privilégié devient la production d’armes ;  lorsque les valeurs militaires deviennent la voie par excellence pour s’identifier aux autres et établir nos relations avec les autres; lorsque l’armée devient la voie privilégiée d’engagement vers laquelle l’État oriente la jeunesse ; bref, lorsque les opérations militaires deviennent le mode d’occupation du territoire.

Le militarisme devient une réalité dès lors que les efforts de promotion de la culture militaire vont trop loin et que la disproportion des forces politique et économique s’établit en faveur des visions de l’armée, lorsqu’on constate que la vision des militaires s’impose à la société civile et que cette société civile devient une menace à une propagation de la vision militariste des dirigeants.

En fait, il y a péril dans la demeure lorsque l’économie militaire domine et accapare la plus grande part des ressources au point de se développer au détriment de l’équilibre social et économique, lorsqu’un système politique devient soumis aux impératifs guerriers.

L’agressivité militariste : une menace à la stabilité interne

La notion de militarisme mène à un autre problème : où finit la défense ? et où commence l’agression, l’agressivité d’une politique?

Les plus grands stratèges militaires ont toujours considéré l’action militaire comme un dernier recours. Selon eux, le politique ne devrait emprunter cette voie  que lorsque tous les autres moyens politiques ont été épuisés. La société civile et ses représentants politiques doivent s’investir dans le développement des moyens alternatifs à la guerre pour régler les différends autrement que par la force militaire. La force militaire ne règle rien ; elle comporte plutôt de grands dangers d’occupation à long terme et d’escalade pouvant même mener au recours à des armes de destruction massive.

(Photo: Baz Ratner)
(Photo: Baz Ratner)

Les porteurs d’une vision militariste de la vie politique font du potentiel militaire d’un pays la base de sa sécurité nationale.  Ils affirment que le maintien et l’amélioration des capacités militaires devraient être le plus important objectif de sa société civile. Leur argumentaire récurrent plaide pour  les bienfaits de la « paix armée », la force des armes étant vue par eux comme le moyen de bâtir un « monde plus sûr ». Leur opinion s’appuie sur le vieil adage des rapports sociaux et politiques : « la raison du plus fort est toujours la meilleure ».  Dans une telle vision la fabrication des équipements militaires est un fer de lance de l’économie et le moteur de la recherche et du développement technologique.

Pour parvenir à leurs fins, les tenants du militarisme conseillent aux dirigeants politiques de toujours garder à l’esprit les problèmes militaires, et de s’entourer de personnes travaillant dans le complexe militaro-industriel, officiellement ou non. La militarisation qui s’ensuit influe sur l’économie, la culture et la politique civiles.

Ce phénomène ne fait maintenant plus de doute au Canada.  Ces visions militaristes canadiennes qui font du potentiel militaire d’un pays la base de sa sécurité nationale ressortent clairement de la nouvelle tradition que le Canada tente de se forger à l’international.

Ce discours de plus en plus présent, qui affirme que le maintien et l’amélioration des capacités militaires devraient être le plus important objectif de sa société civile, représente un réel danger.

Le gouvernement Harper a l’intention d’acheter 65 avions de chasse F-35 JSF : un contrat sans appel d’offres de 9 milliards de dollars. (Photo : La Presse Canadienne /Northrop Grumman)
Le gouvernement Harper a l’intention d’acheter 65 avions de chasse F-35 JSF : un contrat sans appel d’offres de 9 milliards de dollars. (Photo : Northrop Grumman)

Il voile l’effet pervers de l’économie militaire. Il exprime une vision économique qui mobilise massivement les fonds publics vers une technologie hautement sophistiquée, peu créatrice d’emplois, improductive et qui devient rapidement désuète.

Les priorités sont établies au détriment des investissements sociaux, de l’économie de consommation courante et des besoins fondamentaux de la population civile.  Le militarisme canadien est la solution trouvée par le gouvernement Harper pour régler le problème du déséquilibre fiscal entre le Québec et le Canada.  En augmentant les dépenses militaires, on équilibrait les revenus fédéraux et les dépenses.  Une telle approche peut devenir très rapidement une menace plus grande à la stabilité sociale du pays que la menace extérieure hypothétique qu’elle prétend vouloir contrer.

En fait le militarisme peut rapidement devenir le cancer de la société civile canadienne, les cellules agressives et déprogrammées d’un organe qui se reproduisent hors contrôle, qui diffusent ses métastases sur l’étendue du corps, s’accaparant ainsi de toutes les ressources nécessaires au fonctionnement des autres cellules vivantes.

La question devient :  Où se trouve la véritable menace ?   Provient-elle véritablement de l’extérieur, ou de l’intérieur de ce pays?