L’accompagnement de proximité
Au moment où la ville de Toronto est victime des règlements de compte de « Gang de rue », et que des gestes similaires commencent à toucher Montréal, l’administration municipale s’apprête à démanteler un des programmes les plus novateurs en prévention de l’adhésion des jeunes aux « Gangs ». Un équilibre entre l’approche policière et l’approche communautaire doit être trouvé; mais le communautaire ne doit se contenter que de miettes.
Toronto fait face à des épisodes meurtriers liés à l’action des gangs de rue, de nombreux règlement de comptes semblent avoir contribués aux épisodes meurtrières des dernières semaines. Dans la plus pure tradition de « la loi et l’ordre » et de la culture de tolérance Zéro; le maire Forbe revendique des fonds pour l’embauche plus de policiers. Il rencontrait récemment Stephen Harper, le Premier Ministre est certainement réceptif à ce genre de réclamation pour pacifier la Ville Reine. On sait pourtant que les gangs de rue comblent un besoin chez des jeunes ayant décrochés socialement. Ironiquement, à Montréal, un des programmes les plus prometteurs en prévention de l’adhésion des jeunes aux gangs de rue dans un secteur autrefois sensible, semble en bonne voie d’être démantelé. Notre société souffre-t-elle d’un dramatique manque de vision?
Le Burgundy Urban Mediation Project, connu sur le nom BUMP, a récemment été fusionné avec le programme Tandem de la Ville de Montréal. L’approche d’accompagnement communautaire de grande proximité envers une communauté particulièrement vulnérable a fait ses preuves. L’emprise des gangs de rue dans ce secteur fragile a été considérablement réduite. Le programme a su gagner la confiance de la communauté en offrant un accompagnement rapproché et solidaire aux familles, au prise avec des problèmes sociaux divers. Le service qui a gagné la confiance grâce à son omniprésence, est devenu la référence pour le règlement de multiples problématiques vécues par les jeunes et leur famille de la communauté noire du secteur de la Petite Bourgogne. La mise en place de nombreuses activités jeunesse a aussi servi à consolider l’action et la position du service communautaire auprès des jeunes. Ainsi BUMP s’est vu décerner la médaille de la paix 2011 du YMCA de Montréal.
Malgré le succès et la reconnaissance communautaire de l’initiative, dès le début de l’année 2012, le programme a subit un curieux « choc administratif » des gestionnaires municipaux de Montréal. Le programme, totalement financé par la municipalité, s’est vu imposé une fusion administrative irresponsable; les fonctionnaires ont intégrés le projet BUMP à la structure municipale Tandem du Sud-Ouest de Montréal. Suite à cette fusion, l’intervenante féminine a été remerciée et le programme est en réévaluation pour être offert sur l’étendu du territoire. Cet impératif remet en question l’approche de très grande proximité, clé du succès d’un tel programme dans une communauté vulnérable aux violences.
Les fonctionnaires de la ville semblent considérer que la prévention des violences et de l’adhésion des jeunes aux « Gang de rue » repose sur les mêmes fondations que la prévention des incivilités tels que le vol, les graffitis, l’errance dans les parcs, la sensibilisation aux lois pour les jeunes etc. Cette vision est non seulement erronée; mais elle mène directement à un cul de sac dans l’intervention communautaire préventive. Les milieux vulnérables demandent des interventions de proximité spécifiques, et des ressources orientés vers l’intervention citoyenne d’assistance directe, non simplement vers l’éducation communautaire. Dans des case de décrochage social, c’est l’accompagnement rapproché qui fera une différence.
Au cœur des nombreux actes de violence auxquels les outils de communication électroniques nous exposent, il y a le désespoir. La perception concrète ou abstraite, que l’avenir est fermé. Qu’il reste peu à obtenir de la vie, du système, ou, des autres. C’est dans un tel contexte que sont presque toujours posés les gestes irréparables. L’accompagnement préventif auprès des jeunes vulnérables vise à déconstruire ces perceptions. C’est un défi audacieux, nécessitant des actions précises.
Souvent, par certaines gratifications immédiates, pour certains jeunes la rue redonne espoir. Ils reconnaissent qu’il y a un prix à payer, mais au moins des résultats tangibles sont obtenus. L’argent est accessible, donc les biens matériels convoités aussi. Dans une société de consommation surtout pour des jeunes souvent sans ressources, c’est beaucoup. C’est dans un tel contexte que travail des intervenants de première ligne en prévention de la violence se fait. Les défi à surmonter sont multiples : établir un lien de proximité, gagner la confiance du milieu, puis du jeune, aussi devenir une référence en cas de problèmes, transmettre de nouvelles habiletés sociales au jeune et à son entourage, et idéalement offrir de véritables opportunités de s’en sortir. La route de la prévention est longue et parsemée d’embûches.
Les administrateurs municipaux ne semblent pas comprendre que l’intervention en prévention de la violence est un investissement social à long terme. Les approches d’éducation communautaires ne suffisent pas.
Chaque jeune en voie de décrochage social nécessite un accompagnement communautaire rapproché. Souvent les intervenants ont l’impression de pallier à la responsabilité, ou plutôt à l’irresponsabilité parentale, et dans plusieurs cas ce n’est pas qu’une impression. L’intervention communautaire en prévention de la violence est une approche en développement que peu de service sont en mesure d’offrir. Contrairement aux travailleurs de rue qui visent à établir une relation de confiance individualisée avec les jeunes en difficulté afin de pouvoir les aider dans de multiples démarches, les services communautaire de médiation social visent à établir une relation de proximité avec l’entourage du jeune, afin que ses proches le réfère à un service de confiance. L’intervenant vise à aider le jeune à revaloriser son environnement social et les liens avec les personnes qui comptent pour lui. Les défis à relever sont encore nombreux dans une telle approche, mais grâce aux intervenants de l’équipe de BUMP les jalons étaient à ce jour en place sur le territoire montréalais.
L’approche BUMP, grâce à son mode d’intervention et son aide direct aux personnes dans une perspective communautaire a établi les bases de la notion d’accompagnement communautaire préventif. Un tel service, une fois démantelé, peut prendre des années à être rétablis. La confiance des personnes empreintes de désespoir a souvent été trahie à maintes reprises. Gagner la confiance du milieu, puis de ces jeunes, et franchir les étapes jusqu’au raccrochage social est souvent une entreprise de longue haleine qui demande une intervention continue et beaucoup de perspicacité de la part des intervenants. La proximité, et la capacité dans une perspective communautaire de construire des relations personne à personne sont les clés de voute du succès de ces démarche de prévention communautaire de la violence.
L’éducation et la sensibilisation ne suffisent pas!
Dans cette voie, on est loin de l’éducation jeunesse, de la sensibilisation à la criminalité et à ses conséquences et de la simple référence des personnes aux services sociaux, juridiques ou communautaire. Ces jeunes en crise nécessitent une démarche d’accompagnement continu. La démarche a pour but de soutenir la personne afin de l’aider à retisser son tissus de liens sociaux et qu’elle ne décroche pas socialement, et ne se retrouve pas dans le cycle de la criminalité réprimée, entraînant une escalade des violences et des coûts en mécanismes de plus en plus sophistiqués de surveillance et de répression.
Par son incurie administrative, Montréal risque de s’amputer d’une expertise et d’un modèle d’intervention d’une valeur exceptionnel pour les milieux vulnérables du Québec. Il serait important que l’administration municipale soit questionnée sur l’éventuelle disparition de cette approche d’intervention. Comment se fait-il que le ministère des communautés culturelles du Québec ait été incapable de maintenir le soutien à ce programme?
Nos administrateurs auront bien des questions auxquelles répondre.