Écrit par Collectif quartier
Projet de médiation urbaine de la Petite‐Bourgogne, Médaille de la paix du YMCA 2011
Les médiateurs urbains du projet se promènent quotidiennement dans les rues et, en parlant aux jeunes, désamorcent les conflits avant qu’ils n’explosent. Le projet est une référence en intervention citoyenne préventive de proximité en termes de violence : il a véritablement aidé le milieu à dissuader le recrutement pour des « gangs de rue » et les gens y ont recours pour régler toutes sortes de problèmes.
Ce projet, mis en place pour répondre aux besoins immédiats et pressants d’une communauté, inspire actuellement des principes d’accompagnement communautaire préventif.
Pendant l’été 2003, le quartier de la Petite-Bourgogne est secoué par plusieurs meurtres et incidents criminels concernant de jeunes hommes noirs de la communauté. Le meurtre de l’un d’entre eux en septembre 2003, peu après le Festival de la Petite-Bourgogne dans le Parc Campbell, est en quelque sorte la goutte qui fait déborder le vase. Plusieurs acteurs institutionnels et communautaires se rassemblent pour faire le point sur la situation et élaborer un plan d’action afin de répondre aux problématiques criantes que vivent les résidents du quartier.
Parallèlement, sous le guide de madame Rosee Segee, des résidents noirs du quartier se regroupent afin de créer un lieu de discussion et d’entreprendre des actions concrètes auprès des familles noires de la communauté. C’est ainsi que naît le Little Burgundy Black Family Support Group (LBBFSG). Ce groupe est aujourd’hui formé d’une trentaine de résidents qui se réunissent normalement deux fois par mois. Le projet de médiation urbaine de la Petite-Bourgogne initié à leur initiative a pour objectif de « promouvoir des changements dans la communauté dans le but de retrouver la paix.
- Promouvoir une nouvelle manière d’aborder les tensions et les conflits;
- Promouvoir l’unité dans la famille et dans la communauté et renforcer les valeurs familiales positives;
- Obtenir l’adhésion des services publics à participer aux démarches de résolution de problèmes les concernant;
- Référer qui de droit à des ressources spécialisées, s’il y a lieu;
- Susciter la participation citoyenne à la résolution de problèmes;
- Créer des nouvelles solidarités.
Puisque le projet est défini comme un projet de médiation urbaine, les interventions sont influencées par la conception que les membres de l’organisme se forgent de ce que devrait être la médiation urbaine dans le contexte de la Petite-Bourgogne. Les membres de l’équipe croient que dans le contexte d’un tel projet, le terme médiation de réfère pas seulement pas seulement au processus visant à réunir des parties afin que celles-ci règlent leurs contentieux. Pour eux, la médiation urbaine renvoie à toutes les activités opérées par le projet visant à atteindre les objectifs précédemment cités et ainsi, à améliorer le bien-être des résidents du quartier en agissant directement sur les problématiques que ceux-ci rencontrent quotidiennement.
Les médiateurs ne sont pas là pour reprocher, juger ou réprimander, même s’ils tentent d’amener les parties à reconnaître leurs responsabilités et leurs rôles dans la situation. Il sont là pour outiller et supporter les résidents du quartier, mais également les intervenants des institutions qui sont souvent dépassés par certaines situations dans lesquelles ils sont souvent impliqués. Ceux-ci ont également besoin d’un oeil extérieur afin de remettre les choses en perspective et ainsi mieux juger des meilleures actions à entreprendre afin de résorber un problème ou un conflit.
Les caractéristiques des interventions découlent directement de la philosophie d’intervention privilégiée par les membres de l’équipe de médiation. Selon les différentes informations colligées dans le cadre de l’évaluation, nous avons pu remarquer que les interventions des médiateurs sont :
Proactives : les médiateurs n’attendent pas nécessairement que les résidents ou les institutions avec qui ils travaillent les contactent pour aller de l’avant. Par exemple, la patrouille permet aux médiateurs de repérer et d’observer des situations problématiques ou conflictuelles, ainsi qu’à intervenir dans ces situations. Ils n’attendent donc pas seulement que des résidents viennent les voir pour solliciter leurs services. Aussi, une résidente interviewée explique qu’il arrive que le médiateur passe près de chez-elle et vienne la voir pour l’informer d’activités dans le quartier qui pourraient potentiellement susciter son intérêt. Un sergent patrouilleur de la STM affirme également que les médiateurs l’ont téléphoné plus souvent que l’inverse.
Flexibles : les médiateurs adaptent leurs interventions à la réalité du terrain. Ils ont reçu une formation en médiation, mais ne se restreignent pas à cette vision de la médiation, considérant que le modèle enseigné n’est pas applicable à toutes les situations rencontrées. Dans cette optique, un médiateur raconte que l’impartialité n’est pas toujours de mise lorsqu’il est question de diriger une médiation entre des enfants ou des jeunes adolescents qui vivent un conflit. En effet, dans ces situations, le médiateur est davantage porté à utiliser un modèle de médiation plus directif, qu’il qualifie de médiation-arbitrage.
Vu la multiplicité des interventions opérées par les médiateurs et les différents axes qui sous-tendent ces interventions, on pourrait dire que les médiateurs s’attaquent aux problématiques rencontrées par les résidents noirs du quartier dans une perspective globale. On pourrait comparer cette intervention à l’épluchage d’un oignon, dont chaque couche est soigneusement soulevée et examinée jusqu’à ce que l’on en découvre le coeur. Nous croyons que ce projet vient en rupture avec les interventions conventionnelles dans le réseau socio-communautaire et socio-judiciaire où l’on intervient souvent de manière cloisonnée par le biais de services spécialisés qui traitent les problématiques que vivent les gens de manière hermétique les unes aux autres. Également, l’approche de BUMP est plus structurelle qu’individuelle dans le sens où les membres de l’équipe de médiation interviennent moins sur l’individu que sur l’individu dans son rapport à une pluralité de réseaux et d’organisations. Nous croyons que cette perspective d’intervention est très novatrice et pertinente, spécialement dans le contexte urbain et multiethnique qu’est la Petite-Bourgogne.
Même si la médiation est un processus marginal dans la panoplie des actions entreprises par BUMP, on peut également considérer que BUMP constitue en quelque sorte un service de médiation entre les individus et les institutions. De part l’intervention auprès des résidents et la collaboration avec les institutions, BUMP construit un pont entre les résidents et les institutions.
http://www.collectifquartier.org/wp-content/uploads/2014/01/MEDIATION-petite_bourgogne_2005.pdf