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Lybie : La révolte populaire usurpée

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La crise en Libye, voilà un autre cas où la « Responsabilité de protéger » les populations civiles est invoquée pour justifier une intervention militaire.  Encore une fois, c’est « pour protéger » que des opérations militaires, des Nations-Unies cette fois, sont menées.

La machine médiatique s’est rapidement mise au service de l’entreprise guerrière pour jouer son rôle habituel dans de tels cas : dénoncer les violences meurtrières du « démon » Kadhafi qui menace de massacrer sa population, justifier les bombardements et préparer l’opinion à ne pas s’alarmer de quelques « dommages collatéraux », entendons par-là la mort de civils innocents.

Mais, sommes-nous bien en Libye pour « protéger » le peuple libyen ou pour positionner un gouvernement qui nous sera sympathique ? Connaissons-nous le « Conseil national de transition » auxquels nos gouvernements se sont alliés pour combattre Kadhafi ?

La réalité souvent plus complexe

Muammar al-Gaddafi, 2009. (Photo: auteur inconnu)
Muammar al-Gaddafi, 2009. (Photo: auteur inconnu)

L’homme à abattre, Kadhafi, est au pouvoir depuis 1969 quand il a mis fin par un coup d’État à la monarchie du roi Idris 1er . Prenant le pouvoir dans un environnement politique sous le diktat des multinationales pétrolières,  le jeune capitaine  de l’époque –il avait 27 ans lors de son coup d’État —manifesta très rapidement l’ambition de réaliser deux principaux objectifs : l’unification socialisante du monde arabe, la nationalisation des ressources pétrolières. Il a réussi très tôt à faire frémir banquiers et émirs pétroliers à la solde des multinationales et, grâce à cette nationalisation, il a pu se permettre la  redistribution des richesses. Ce qui a fait grimper le niveau de vie de son pays jusqu’au deuxième rang en Afrique.

Aujourd’hui, la Libye est probablement l’État où les citoyens sont les plus éduqués en Afrique, mais également un État devenu graduellement la camisole de force d’une population en mal d’émancipation et de développement participatif. À cet égard, la dictature de Kadhafi  ne fait pas de compromis : aucune critique des minorités éclairées ne peut s’exprimer.

Le chaud et le froid

Vis-à-vis les pouvoirs occidentaux et l’Organisation des pays producteurs de pétrole, Kadhafi a toujours soufflé le chaud et le froid pour tirer son épingle du jeu et montrer à ses concitoyens qu’il travaille pour leur bien. Ce qui lui a longtemps réussi et ce malgré les conflits qu’il a générés avec des pays voisins. Le guide libyen a réussi à être perçu dans le monde africain comme un leader capable de tenir tête à l’occident comme le démontrent les nombreux bras de fer qui  ont caractérisé ses relations avec l’Occident au cours des années 80 et 90.

Avions de chasse libyens. (Photo: auteur inconnu)
Avions de chasse libyens. (Photo: auteur inconnu)

Mais au début des années 2000, craignant probablement de s’affaiblir suite aux embargos, raids et condamnations internationales pour actes terroristes, son gouvernement s’est livré à une campagne de normalisation. Souvent,  par le biais de son fils, Kadhafi a été capable de négocier au point de conclure des contrats d’approvisionnement en armes avec la France, l’Italie et l’Angleterre. Les multinationales se bousculaient au portillon. Quelle ironie que de voir,  il y a quelques semaines, les avions Mirage 2000 français venir détruire en catastrophe les Mirages V récemment acquis par le nouvel ennemi?

Usurpation rapide

Manifestation à Bayda, en Libye, 2011. (Photo: auteur inconnu)
Manifestation à Bayda, en Libye, 2011. (Photo: auteur inconnu)

Puis vint le printemps arabe qui a contaminé la Libye. Des manifestations populaires ont débuté dans le nord-est et, en quelques jours, ce fut le dérapage.  Une offensive de « forces rebelles » contre une caserne d’armes du Colonel  a été rapportée. Il n’en fallait pas plus pour que le fiel sorte de la bouche du dictateur. Confiant en ce que le peuple se range à ses côtés, il a menacé d’exterminer les rebelles. Et l’Occident en a conclu que le pays était au bord du génocide.

C’est en effet dans la région de Benghazi que les manifestations de forces démocrates ont été  diverties vers la lutte armée. Nous parlons d’une région royaliste, traditionnellement insoumise au régime et où des services de renseignements occidentaux ont toujours été présents. Pour mieux connaître et déstabiliser un régime qu’on rêve de voir disparaître, rien n’est plus avantageux qu’un pied-à-terre dans une région rebelle. Sauf que cette région est aussi un terreau fertile pour les terroristes fanatiques islamistes. Depuis le début de la « Guerre au terrorisme », il est établi que les groupes partenaires du nord-est de la Libye fournissaient des combattants de la liberté aux groupes terroristes mondiaux dont Al Qaeda.

Nous n’en sommes pas à une contradiction près, mais c’est la réalité. Nos alliés objectifs contre Kadhafi sont nos ennemis stratégiques contre Ben Laden.

Mais là, y’é mort! C’est donc moins grave, nous dira-t-on.

Mais, la « Responsabilité de protéger » dans tout ça, qu’en est-il au juste lorsque n’est envisagée aucune initiative sérieuse répondant au principe de la « Responsabilité de prévenir »?  Rien d’autre qu’une excuse pour mettre de côté toutes les formes de diplomatie et institutionnaliser le recours systématique à la force militaire, une mascarade des pays riches qui justifient l’intervention militaire selon leurs intérêts à défendre.

Responsabilité de protéger. (Auteur: Daryl Cagle)
Auteur: Daryl Cagle

C’est l’enfer pavé de bonnes intentions pour les populations civiles, pour les soldats du front et leurs familles.