Écrit par Dominic Simard
J’avais 8 ans et mon nom figurait déjà sur une liste d’attente : celle du 118e groupe scout de Pintendre (Lévis). J’attendais impatiemment de rejoindre une communauté de jeunes cherchant, tout comme moi, l’aventure et l’action. Après quelques années de scoutisme, un voisin m’aborda et me dit : « Pourquoi ne viens-tu pas chez les cadets, tu connaîtras l’aventure, la vraie ». Après tout, y a-t-il vraiment une différence entre les scouts et les cadets ?
Vingt ans plus tard, je suis toujours scout et de plus en plus fier de l’être : c’est qu’après de nombreuses années passées dans ce mouvement en tant que jeune et comme bénévole, je peux affirmer avec certitude que le scoutisme constitue un des plus beaux réseaux jeunesse et l’alternative par excellence à l’institution jeunesse militaire que sont les cadets de l’armée. Cette certitude, je ne l’ai pas acquise en m’enrôlant moi-même dans les cadets pour comparer ce mouvement à celui du scoutisme. Non, j’ai plutôt opté pour une recherche universitaire de 3 ans, laquelle a débouché sur l’écriture d’un mémoire de maîtrise abordant de front la notion de paix (éducation à la paix) au sein du Mouvement scout mondial. Elle m’a conduit à participer au rassemblement Jamboree mondial marquant le centenaire du mouvement scout : 40 000 scouts de 156 pays qui se sont réunis en Angleterre en 2007. Ce type de rassemblement a lieu tous les 4 ans, dans un pays différent. Or, le « Jamboree » de l’été 2007 se distingua des autres puisqu’il marqua un évènement majeur : le centième anniversaire du Mouvement scout, plus grand Mouvement de jeunes bénévoles du monde entier, avec ses 28 millions de participants répartis aux quatre coins du globe.
C’est là que j’ai redécouvert l’immensité de son potentiel d’éducation à la paix, transmis aux jeunes à travers l’expérience de la vie en plein air, l’apprentissage de la coopération, des responsabilités, du leadership social et par-dessus tout, de l’engagement envers un code de valeurs partagé au-delà des frontières nationales et culturelles.
Après de multiples entrevues et l’analyse du code de valeurs scout connu sous le nom de la Loi scoute (déclinée en 10 articles), mes recherches m’ont conduit à identifier une caractéristique qui semblait être la plus importante aux yeux des répondants : la notion du devoir envers les autres, c’est-à-dire cette volonté de mettre à contribution le meilleur de soi-même pour se rendre utile dans sa communauté et en société. À ce niveau, la pratique de la « Bonne Action » illustre très bien cet idéal recherché par le jeune scout. Il s’agit d’un des procédés pédagogiques qui vise le développement de la volonté de mettre à contribution le meilleur de soi-même pour sa communauté. C’est ainsi que l’apprentissage de la responsabilité envers autrui et la volonté de s’impliquer socialement s’acquiert de façon quasi naturelle, au fur et à mesure qu’un jeune scout progresse et développe son potentiel individuel, avec le soutien d’adultes désireux et capables de mener à bien leur rôle éducatif.
Quiconque s’intéresse au scoutisme et vise à le comprendre au-delà des préjugés et de l’ignorance qui sont couramment véhiculés à son égard arrivera vite à la conclusion suivante : la vie de son fondateur, Baden-Powell, a eu une influence majeure sur la méthode et les idéaux scouts, tels qu’on les connaît aujourd’hui. C’est là qu’il faut chercher la nature toute particulière de la notion de paix dans le scoutisme.
Tout d’abord, on peut se demander comment Baden-Powell, ayant passé la moitié de sa vie au sein de l’armée anglaise, a-t-il décidé de fonder un mouvement de jeune prônant la paix et la solidarité entre les peuples ? On constate vite que cet homme en question, général respecté et décoré des plus hautes distinctions militaires, a lui-même été profondément choqué par les horreurs de la guerre, en particulier celles de la Première Guerre mondiale.
C’est ainsi qu’il consolidera son idée du scoutisme, perçu par lui comme le ferment d’une paix sociale à venir, une paix basée sur l’engagement civique et la bonne volonté. En fait, Baden-Powell a doté la « paix scoute », si on peut l’appeler ainsi, d’une dimension bien particulière : c’est une paix qui s’appuie en bonne partie sur « l’imaginaire chevaleresque » ou, en d’autres mots, sur l’esprit de la chevalerie. Citons comme exemple la façon dont Baden-Powell. introduit et soutient la pratique de la « Bonne Action » quant il écrit son premier livre destiné à expliquer la méthode scoute : « un point important du programme des chevaliers, c’est que tous les jours, ils devaient rendre un service à quelqu’un ».
Suite à une analyse plus en profondeur de cet imaginaire chevaleresque à la base du scoutisme, on comprend qu’une des spécificités les plus originales de la méthode scoute est qu’elle semble évacuer toutes les caractéristiques de violences qui peuvent être associées au chevalier. Sont donc conservées uniquement les caractéristiques positives telles la vaillance, le courage, la courtoisie, le dépassement de soi et bien sûr, l’honneur et le sens du devoir.
En matière d’éducation à la paix et à l’engagement citoyen, le modèle scout a fait ses preuves. Au Québec, il se révèle de plus en plus compatible avec les nouvelles approches pédagogiques des milieux scolaires actuels, en particulier celles des Établissements Verts Brundtland. Puisqu’il porte en lui tous les éléments permettant de créer les conditions de la non-violence, le Mouvement scout constitue non seulement une alternative des plus efficaces pour contrer la militarisation des jeunes, mais propose par-dessus tout une méthode d’éducation qui pourrait inspirer grandement tous ceux qui rêvent à la mise en place d’un éventuel service civil pour la paix, pour et par les jeunes.