La polarisation d’un enjeu sensible attire toujours l’attention. C’est particulièrement le cas ces derniers temps au regard de tous les débats concernant le droit à l’avortement. Être « pro-choix » ou « pro-vie » semble l’alternative imperturbable à laquelle tous les débats veulent nous mener.
Des efforts sont mis dans la promotion d’une idéologie et de certaines valeurs; les argumentaires prennent l’avant-plan et les questions de fond sont éludées. Il s’agit là d’un jeu déplorable auquel se prêtent d’importantes institutions en perte de sympathie populaire, un jeu qui, malheureusement éclipse les vrais problèmes de société et l’urgence d’y apporter des solutions viables.
Violence et non-violence
Du point de vue de la non-violence, la protection de la vie demeure un principe capital. N’empêche qu’en des circonstances exceptionnelles, le recours à la violence nous paraisse souvent incontournable.
Pour un organisme voué à la non-violence, le défi n’est pas de pouvoir condamner la violence ou défendre l’importance de la vie. Il réside plutôt dans la recherche des moyens appropriés pour rendre exceptionnel le recours à des formes de violence souvent perçues comme incontournables.
Si le recours à la violence militaire est jugé « nécessaire » en des situations exceptionnelles, le défi du point de vue de la non-violence est de déterminer les mécanismes à mettre en place pour que ce recours devienne exceptionnel. De même, si certaines formes de violence structurelle sont jugées inévitables, la question n’est-elle pas de se demander : « comment contrer ou atténuer leur impact ? »
On le sait, le désespoir mène un terroriste, un membre de gang vers la violence. Le défi n’est-il pas de construire, pour le concerné, une voie de sortie du désespoir ? Face à l’isolement dû à une crise, dans les situations de violence ou de négligence familiale, la question n’est-elle pas de savoir comment refaire le tissu social ?
En situation de violence face à soi-même, aux niveaux interpersonnel et international, le recours à des moyens non violents rencontre d’énormes difficultés qui, souvent, le rendent impossible.
C’est pour cela que la non-violence se définit mieux comme une philosophie de la prévention. Mais, même quand la violence a eu lieu, les principes de non-violence commandent la mise en place des services d’accompagnement et des moyens appropriés pour réduire les chances de voir la situation se reproduire.
Non-violence et l’avortement
Dans beaucoup de cas, l’avortement est une violence; mais il se pose toujours la question des moyens à mettre en œuvre pour en faire un dernier recours?
La recherche des moyens pour faire de l’avortement un dernier recours devient la base du travail à accomplir. Les mécanismes non-violents à mettre en œuvre sont multiples : une meilleure éducation sexuelle, promouvoir la prudence et la patience dans la sexualité, éduquer sur la contraception, construire un environnement de soutien au profit des femmes contraintes à des grossesses problématiques, offrir l’option de crèches anonymes, faciliter les mécanismes pour céder les enfants en bas âge, accélérer et faciliter les mécanismes d’adoption, reconstruire des mécanismes de soutien communautaire aux familles touchées, offrir un soutien particulier et pro-actif aux femmes monoparentales, etc. Le travail à faire pour réduire le recours à l’avortement est immense au Québec et la construction d’une voie de sortie non-violente est impérieuse. Les acteurs doivent se retrousser les manches et se mettre au travail.
Le débat sur l’avortement, un dérapage
Affirmer haut et fort le « droit à la vie » en travaillant à limiter l’accès à l’avortement, ou proclamer en public le « libre choix », sans s’investir corps et âme dans la mise en œuvre des choix; sont deux attitudes irresponsables du point de vue de la non-violence. Cette polarisation à outrance ne sert qu’au théâtre médiatique; il ne sert en rien le meilleur intérêt des femmes qui doivent faire le difficile choix de garder ou non l’enfant. Une société doit faire tout en son pouvoir pour rendre un tel choix aussi responsable que possible.