Aujourd’hui, on compte par milliers les centres de recherches sur la guerre; incluant les instituts militaires et les centre de recherche sur les conflits, les guerres, les technologies de guerre, les armées et les études stratégiques que financent les États.
Comme on a pu le constater, un nombre croissant d’universités canadiennes possède un Centre de recherche financé par le Ministère de la Défense nationale. Le financement gouvernemental y circule par centaines de millions, sinon par milliards à l’échelle du globe.
Ironiquement, dans un pays comme la Canada, dont le passé étroitement lié aux missions multilatérales de maintien de la paix, à peu près personne ne connaît le vaste domaine de irénologie. Le terme est construit à partir de la racine grecque signifiant paix, l’irénologie est la science de la paix. L’irénologie (ou peace research) qui intègre tout le domaine de la solution non-violente des conflits est une des disciplines composant les études de sécurité. Elle devrait supplanter à moyen terme l’étude de la préparation et de la conduite des conflits violents, soit la polémologie.
Dans le monde, les centres de recherches sur la paix ne se comptent que par centaines, et il n’y en a aucun au Canada. Le Centre Pearson qui se penche surtout sur l’intervention militaire après conflits, n’est pas un institut pour la paix dans le vrai sens du terme. Pourtant, sur la scène universitaire mondiale, l’irénologie a gagné en crédibilité et de nombreux Centres se sont développés en Europe, particulièrement dans les pays nordiques où on retrouve les incontournables Instituts pour la paix de Stockholm et de Oslo. Ce domaine de recherche est probablement devenue la branche la plus interdisciplinaire des études de sécurité associant des juristes, politologues, philosophes, sociologues, éthiciens, théologiens, informaticiens, spécialistes en communications, logisticiens, anthropologues et psychologues, voire des écologues, travaillant avec des ONGs, l’ONU et certains États. Plus récemment des technologues en Australie ont commencé à publier des travaux sur les technologies de paix.
La notion de sécurité globale englobant la sécurité sanitaire, la sécurité humaine, la prévention des conflits violents, la sécurité environnementale, la sécurité alimentaire, la sécurité économique et énergétique transforment le domaine en un vaste champ d’étude d’une importance de plus en plus critique. Plusieurs y intègrent maintenant le domaine des mesures d’urgence et de l’assistance humanitaire dans une perspective de prévention. A l’ère des changements climatique globaux, ce domaine est probablement voué à accroître considérablement son importance. Pourtant les ressources financières qui lui sont allouées en comparaison à la recherche militaire sont pratiquement nulles.
L’irénologie qui a pour objet la compréhension des multiples facteurs à l’origine des conflits armés dans le but de les prévenir, les modérer, les contrôler ou les résoudre devrait être une priorité. Ce domaine d’étude se base sur le postulat de plus en plus accepté affirmant que les guerres constituent une pathologie sociale devant être éradiquée. Pour ces chercheurs, le recours à la force doit en toutes circonstances devenir un dernier recours. Elle étudie la panoplie des mécanismes de sanctions et d’interventions préventives capables de contrecarrer le recours à la force, à l’armée et à la guerre. La priorité de ces travaux sur les coûteuses et contre productives recherches militaires n’a pas à être démontré.
La discipline est aujourd’hui composée de divers domaines de recherche et d’action, curieusement tout aussi méconnus les une que les autres. Un simple inventaire préliminaire donne un excellent aperçu de l’aspect critique du domaine:
-Le droit international et des conflits armés.
-La prévention des abus des droits fondamentaux.
-Le contrôle du transit des armes et des technologies de guerre.
-Le dépistage avancé des conditions à l’origine des conflits violents.
-Les rôles de l’action civile et citoyenne.
-Les mécanismes de détection avancée, d’alerte et de réaction non-militaire.
-Les mécanismes d’étanchéité des frontières.
-L’analyse des conditions de vulnérabilité et des structures névralgiques.
-La maîtrise des armements et les mécanismes de désarmement (Désarmement nucléaire)
-La diplomatie préventive et l’application des sanctions non-violentes.
-La prévention et la résolution non violente des conflits incluant la médiation , la conciliation et les autres processus de solution.
-Les structures de communication, de contre propagande et de désamorçage des haines.
-La guérison des séquelles psychologiques et la prévention des cycles génocidaires.
-La reconstruction des sociétés ravagées par la guerre (Séquelle de guerre, Résilience)
-Les mécanismes de justice alternatifs de réparation et de réconciliation.
-L’intervention internationale après conflit incluant le maintien, la construction de la paix.
-Sociologies et l’influence politique de mouvements pacifistes.
La conséquence la plus dramatique de la croissance des dépenses dans la recherche militaire, est la mobilisation de ressources intellectuelles vers des activités de destruction, au détriment des véritables priorités dans la résolution des conflits internationaux.
Le très vaste et prioritaire domaine de l’irénologie, de par son approche préventive devrait normalement requérir la majorité des fonds de recherche. La prédominance du secteur de la polémologie, malgré les échecs répétés des interventions militaires, est une aberration. La véritable construction de la paix passe par l’étude des mécanismes de l’action non-violente. Qui pourrait en douter?