Écrit par Richard Renshaw
Après la Seconde Guerre mondiale, Dorothy Day et ses compagnons de New York avaient décidé de ne pas faire grand cas des sirènes d’alarme qui appelaient régulièrement tous les citoyens à se rassembler dans les abris contre les bombes. Elle fut arrêtée plusieurs fois pour avoir circulé en ville au lieu de se soumettre à ces « exercices d’urgence ». Son refus d’obtempérer aux consignes du gouvernement équivalaient à dire aux autres citoyens, comme dans le conte d’Andersen, qu’en réalité « l’Empereur n’a pas d’habit du tout ! ». Elle allait ainsi à l’encontre de tout le système qui visait à inculquer la peur dans les esprits, par imitation, et dont elle révélait la profonde immoralité. Depuis le 11 septembre 2001, l’accroissement de la peur et la multiplication des mesures de sécurité en Amérique du Nord et ailleurs dans le monde m’intriguent. Je sens qu’il y a quelque chose qui cloche avec tous les programmes anti- terroristes. Ces programmes révèlent une volonté de créer chez tous les citoyens le sentiment vivre sous la menace. L’on nous fait croire que, quelque part en Afghanistan, en Irak (ou alors à Cuba, en Corée du Nord, en Iran ou en Cisjordanie), des gens se prépareraient à envahir nos foyers et à détruire tout notre style de vie, tout le système qui nous fournit emplois, nourriture, logements, services d’éducation, etc.
C’est pour cela que nous permettons à nos gouvernements de dépenser des milliards de dollars chaque année pour nous protéger, pour nous surveiller et fourrer leur nez dans nos affaires et pour s’assurer que rien ne cloche. Le moindre doute, la moindre imprécision pouvant être interprétée comme un lien à de vagues cercles terroristes peut suffire pour suspendre les droits démocratiques et les libertés civiles et pour maintenir des personnes au secret pour une période indéterminée de plusieurs années ou même de décennies.
Comme j’ai dit, je sens qu’il y a quelque chose qui cloche. Qui profite de tout cela ? Où sont ces hordes qui vont nous attaquer ? Seraient-ce les enfants palestiniens qui jettent des pierres aux soldats israéliens ? Ou les membres du Hamas qui jettent des fusées artisanales de leurs ghettos-prisons dans lesquels ils ont, eux et leurs familles, été emmurés depuis presque trois générations ? Seraient-ce plutôt les jeunes iraquiens ou afghans qui attachent des bâtons de dynamite à leur ceinture et se font réduire en miettes dans la place du marché espérant ainsi mettre fin au processus qui ne cesse de détruire leur terre natale ?
Je ne suis pas très sûr, mais il me semble que ces gens aimeraient peut-être que l’Occident s’en aille de leur vie quotidienne, qu’ils aimeraient que nous sortions de leurs pays et que nous les laissions tout seuls. J’ai l’impression
qu’ils ne s’intéressent vraiment pas à ce que je fais dans mon quartier ou à quel endroit je travaille ou ce que nos enfants font à l’école. Ils sont bien plus intéressés à ce qui se passe dans leurs quartiers, à leurs centres d’emploi et à leurs écoles et, après des décennies de présence militaire, il me semble qu’ils aimeraient seulement que nous retournions chez nous et que nous nous occupions de nos propres affaires.
Je ne crois pas du tout que ces gens soient vraiment des terroristes. Je pense que « l’empereur n’a pas d’habit du tout ». Je crois que les généraux et les dirigeants/eantes politiques sont allègrement en train de se constituer leurs petits empires et de se bourrer les poches en profitant de nos peurs et de la rage des pauvres du « Sud global ». Je ne crois vraiment pas à l’existence d’un seul terroriste; je crois à celle des personnes qui veulent que les choses se fassent différemment et qu’il y ait plus d’honnêteté dans le monde où ils vivent. J’aime dire souvent que personne n’est jamais parti en guerre pour autre chose que la justice. Il n’y a qu’une exception : les guerres entreprises par de puissants dirigeants politiques pour consolider leur pouvoir et par des généraux qui veulent une plus grande part du gâteau.
Il n’y a pas de menace importante venant de terroristes dans le monde d’aujourd’hui, pas plus qu’il y en avait il y a quinze, trente ou cent ans. Il n’y a qu’une poignée de criminels qui profitent de toute occasion pour créer le chaos et pour plonger leurs sales pattes dans nos poches alors que nous courons vers les abris pour nous protéger. Je pense que nous devrions tous nous asseoir dans la rue et refuser de nous cacher dans des abris contre les bombes et refuser de nous emmurer dans des bunkers; refuser d’accepter quelque mesure de sécurité que ce soit. Je crois que nous devrions refuser de suivre ce qu’ils proposent et d’appuyer ce qu’ils font.
Notes : Hans Christian Andersen – Les habits neufs de l’empereur :