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Élever la voix contre le militarisme et le nucléaire

Par 

Même en temps de guerre.

Texte rédigé en russe par Radislava Lavrik, été 2022.

Il est important ici de noter que ce texte a été produit par une réfugiée ukrainienne maintenant établie au Québec, en russe, au cours de l’été lors des avancées des troupes russes. Le conflit a présentement beaucoup évolué sur le terrain, et les observations semblent particulièrement pertinente dans le contexte des récentes menaces de recours à l’arme nucléaire de l’appel à la mobilisation des jeunes russes ces derniers jours.

Les États qui, aujourd’hui ou à l’avenir, peuvent être impliqués dans des conflits militaires, tentent d’écraser le droit à l’objection de conscience visant le service militaire. Ils tentent de bloquer à la source les rejets massifs de services militaires par les jeunes, des refus qui conduiraient ensuite à une réduction de l’armée.

Diverses structures internationales s’emploient activement à sensibiliser les com-munautés et à faire connaître les principes du droit international de tout individu à l’objection de conscience au service militaire. Quelle que soit l’évolution de ce sujet à travers le monde, il faut continuer à en parler, à faire de la recherche et à en diffuser les exemples. Les gens doivent impérativement comprendre que ce droit a été pro-clamé au niveau international, ce qui signifie qu’il concourt à l’épanouissement de l’humanité de manière incontestable.

Associations de collectivités et organisations non gouvernementales

Depuis 1962, alors que la menace nucléaire devient palpable avec l’apogée de la guerre froide, de nombreuses associations publiques non étatiques sont apparues dans le monde, dont l’objectif principal était d’arrêter la course aux armements et arrêter la menace d’une guerre nucléaire. Qui sont ces ONG ? Nombreuses parmi celles-ci se sont impliquées, au moins dans le cadre de leurs activités, dans la trans-mission d’informations publiques ou dans le travail éducatif. Conscientes que la base de leur soutien est le grand public et que plus les gens sont conscients de ces pro-blèmes, plus il y a de possibilité de les mobiliser pour de l’activisme social, elles ten-tent de transmettre le plus d’informations possible en ce qui a trait aux consé-quences d’une guerre nucléaire. L’objectif de ces ONG est d’influencer les structures gouvernementales et militaires par le biais de la voix de millions de personnes dans le monde.

Il faut comprendre qu’au stade où nous en sommes, les médias sont passés de simples moyens de recherche, de traitement et de transmission de l’information à moyens de contrôle et de transformation des consciences. Au lieu d’élargir les hori-zons du développement de la conscience humaine, de favoriser l’indépendance du jugement, les médias modernes manipulent de plus en plus la conscience des masses. En essayant de transmettre des informations aux consommateurs que nous sommes devenus, les médias s’acquittent de leur tâche la plus importante : s’assurer que dans la conscience des masses, ces informations suscitent des réactions qui ré-pondent aux exigences du client, qui peut être l’État, des sociétés, des individus.

Le rôle joué par les ONG dans ces conditions devient unique puisqu’elles ne tirent pas leurs informations des structures dirigeantes, mais de l’état réel des choses et diffusent des informations qui laissent au lecteur la possibilité de se faire une image neutre du monde.

Des centaines d’ONG sud-coréennes s’opposent ouvertement à la guerre

Le 29 février 2022, 393 ONG sud-coréennes ont soutenu une déclaration dans la-quelle la société civile sud-coréenne appelle à la paix et à la solidarité avec ceux qui s’opposent à la guerre en Ukraine. Cette déclaration a été diffusée sur des milliers de

sites web, de médias sociaux, de publications régionales. Et, comme on peut le cons-tater, la déclaration n’appelle pas à la haine du peuple russe; elle exprime plutôt un soutien aux personnes qui, quel que soit leur lieu de résidence, sont opposées à toute action militaire contre un peuple et contre la souveraineté d’un État.

Il nous suffit juste de prêter attention à l’une des lignes de cette déclaration : « Nous sommes fermement solidaires avec toutes les personnes vivant sur le territoire de l’Ukraine, et nous soutenons la portion de la population de Russie qui s’oppose à la guerre… ».

Le mouvement pacifiste en Ukraine

Le mouvement pacifiste ukrainien, même en ces jours difficiles pour le peuple ukrainien, continue à travailler activement pour la paix.

Voici les lignes importantes de la déclaration qui a été faite par les pacifistes ukrai-niens le 22 avril 2022.

« -Nous condamnons les déclarations russes sur l’intention d’atteindre certains ob-jectifs par des moyens militaires, s’ils ne peuvent être atteints par des négociations.

-Nous condamnons les déclarations ukrainiennes selon lesquelles la poursuite des pourparlers de paix dépend de la conquête de meilleures positions de négociation sur le champ de bataille.

-Nous condamnons la réticence des deux parties à cesser le feu pendant les pourpar-lers de paix.

-Nous condamnons la pratique consistant à forcer les civils à effectuer leur service militaire, à accomplir des tâches militaires et à soutenir l’armée contre la volonté des civils en Russie et en Ukraine. Toute forme de non-respect du droit humain à l’objection de conscience au service militaire est inacceptable.

-Nous appelons toutes les personnes éprises de paix en Ukraine et dans le monde entier à rester des personnes éprises de paix en toutes circonstances et à aider les autres à être des personnes éprises de paix, à collecter et à diffuser des connais-sances sur les sujets suivants :

– un mode de vie pacifique et non-violent,

– les vérités qui unissent les gens épris de paix,

– les mythes qui promeuvent la nécessité d’une guerre inévitable et « juste ».

Les pacifistes du monde ont une bonne imagination et l’expérience de la réalisation pratique de leurs rêves. Nos actions doivent être guidées par l’espoir d’un avenir pacifique et heureux, et non par la peur. Puisse notre travail pacifique créer un ave-nir à partir d’un rêve [traduction libre]. »

Médecins du monde pour l’élimination des armes nucléaires

Une activité antinucléaire incroyablement puissante est menée par l’organisation non gouvernementale Médecins du monde pour la prévention de la guerre nucléaire (IPPNW). IPPNW a été fondée par des médecins américains et russes en 1980.

À cette époque lointaine, les militants de cette organisation ont créé des événements très médiatisés pour convaincre les dirigeants américains et soviétiques que la course aux armements nucléaires de la guerre froide mettait en danger la survie du monde entier. L’IPPNW a reçu le prix Nobel de la paix en 1985 en reconnaissance de

ses réalisations sans précédent dans la lutte contre la course aux armements nu-cléaires. L’expérience, la compassion, la citoyenneté active des médecins, des étu-diants en médecine et des citoyens bienveillants dans plus de 60 pays servent chaque jour la mission de prévention de la guerre. IPPNW dépend des dons et de la participation active de tous ceux qui sont concernés par la menace nucléaire et l’im-pact de la guerre sur la vie et la santé. Pour en savoir plus sur les possibilités de dons, visitez le site https://www.ippnw.org/.

L’Internationale des Résistants à la Guerre

Connaissez-vous l’organisation de l’Internationale des Résistants à la Guerre ? Un groupe de jeunes actifs s’est formé à Londres il y a plus de 10 ans. À partir de petites actions pour la paix, cette organisation est devenue un réseau mondial qui met en œuvre un certain nombre de programmes, écrit des livres, organise des conférences et des formations. Dans le cadre de l’un de leurs programmes, « Counteraction to the Militarization of Youth », le site web de l’ONG http://www.antimili-youth.net a été lancé, où chacun peut obtenir les informations nécessaires et un soutien juridique. Vous pouvez y ajouter vos propres ressources – partager des expériences, des exemples, poser des questions.

Qu’est-ce qui est intéressant dans les activités de cette organisation ? Pour plusieurs dizaines de milliers de personnes dans le monde, cette organisation à but non lucra-tif fait passer le message selon lequel la militarisation est un processus qui va bien au-delà du recrutement ouvert.

Qu’y a-t-il donc d’autre?

– la propagande de la normalité des forces armées dans le domaine de l’éducation,

– la popularisation des événements militaires (parades et jeux vidéo sur des thèmes militaires, etc.)

– l’encouragement à accepter les valeurs militaires comme normales et dignes d’un soutien inconditionnel.

Convenez que lorsqu’il n’y a pas de bourdonnement de raid aérien derrière votre fenêtre et que les fusées ne volent pas dans les maisons voisines, lorsque les oiseaux chantent dans un arbre près de votre maison et qu’il y a suffisamment de nourriture dans le réfrigérateur, la menace de guerre nucléaire ne semble pas si réelle. Mais en ce moment, chaque personne sur la planète Terre doit secouer l’ignorance et la pas-sivité, qui est très bénéfique pour ceux qui, essayant de maintenir des positions do-minantes dans l’arène internationale, détruisent la population de la terre comme des cafards.

Sans grandes déclarations ni promesses vides

La Campagne Internationale pour l’Abolition des Armes Nucléaires (ICAN) est une coalition d’organisations non gouvernementales dans une centaine de pays qui prône l’adhésion au traité des Nations Unies sur l’interdiction des armes nucléaires et son application.

ICAN a un objectif spécifique : mobiliser la société civile pour l’élimination des armes nucléaires. Le siège de l’ICAN se trouve à Genève, en Suisse. Ces militants vraiment infatigables créent une norme puissante contre les armes nucléaires : non

pas par de nobles déclarations ou des promesses vides, mais par une action pratique et ciblée impliquant une communauté véritablement mondiale de gouvernements et de la société civile.

En juin 2022, des scientifiques de l’Institut de recherche sur la paix Sipri de Stockholm ont déclaré que le stock mondial d’armes nucléaires allait être multiplié au cours des dix prochaines années.

La jeunesse contre la guerre nucléaire

Seize ans plus tard, les mots du secrétaire général de l’époque, Kofi Annan, restent plus pertinents que jamais :

« Il n’y a jamais eu un aussi grand besoin d’éducation en matière de désarmement… Depuis la fin de la guerre froide, l’évolution des concepts de sécurité et des menaces a nécessité de nouvelles façons de penser. Cette nouvelle pensée viendra de ceux qui sont éduqués et formés aujourd’hui. »

En matière d’armes nucléaires, les étudiants d’aujourd’hui ont moins d’expérience de vie que les générations précédentes. Les étudiants d’aujourd’hui sont de futurs politiciens, scientifiques et journalistes, et certains d’entre eux seront inévitable-ment confrontés à la question nucléaire au cours de leur carrière. Pour ces étudiants, une exposition précoce aux questions relatives aux armes nucléaires dans un contexte éducatif peut constituer une préparation utile pour aborder professionnel-lement le problème de la destruction des armes nucléaires.

Voici des exemples d’actions menées par les étudiants et les jeunes dans le monde entier :

– Un groupe d’étudiants japonais a envoyé des lettres aux autorités des pays et ré-gions qui ont signé ou ratifié le Traité des Nations Unies sur l’interdiction des armes nucléaires. Ces jeunes ont déclaré au monde que ces lettres reflétaient leurs grands espoirs quant à l’activité de tous les pays en vue de l’élimination des armes nu-cléaires. En outre, les étudiants exhortent ceux qui ont signé le traité d’interdiction des armes nucléaires à prendre des mesures immédiates pour ratifier le pacte.

– Les étudiants et scientifiques russes de l’Institut des sciences et technologies de Skolkovo (Skoltech) ont demandé à la direction de l’établissement d’enseignement supérieur d’ « exprimer une protestation consolidée » contre les actions militaires de la Russie sur le territoire de l’Ukraine. La lettre a été signée par des dizaines d’étudiants de premier cycle, d’étudiants diplômés, de scientifiques et de diplômés de l’université. Voici quelques lignes de cette lettre :

« …La paix et les vies humaines n’ont pas de prix. Notre protestation consolidée con-cernant les actions militaires de la Fédération de Russie sur le territoire de l’Ukraine contribuera à sauver des vies ! »

– L’organisation étudiante du Massachusetts Institute of Technology, Students for Nu-clear Weapons Control, coordonne des événements de diffusion d’informations et des discussions sur les questions liées aux armes nucléaires pour le public étudiant. Réduire les risques de guerre nucléaire prendra sans doute des décennies, mais éduquer les futurs dirigeants et citoyens sur ces risques est l’étape cruciale dont parlent ces jeunes.

– Dès les premiers jours de la guerre en Ukraine, la jeunesse russe a réalisé une en-quête sur les personnes les plus reconnaissables du pays : artistes, réalisateurs,

peintres, politologues, journalistes, scientifiques, etc. Grâce à ce travail, www.meduza.io a recueilli les signatures de dizaines de milliers de personnes qui condamnent ouvertement la guerre en Ukraine et les menaces d’utilisation d’armes nucléaires.

* * *

Toute cette variété d’organisations et d’actions nous ramènent à penser la culture de la PAIX comme un impératif, comme quelque chose qui devrait faire partie des valeurs humaines principales et indéniables. Quoique, au vu de ce qui se passe au-jourd’hui, nous ayons à comprendre que son développement est affaire de temps.

Une nouvelle ère du nucléaire est née ; la question de notre survie ne peut être abandonnée au hasard et aux caprices des seuls dirigeants. L’abolition complète des armes nucléaires n’est possible que par les forces d’un mouvement antinucléaire mondial massif auquel nous incitent les exemples d’associations antimilitaristes et antinucléaires, dont celles que nous avons énumérées. L’énergie de toutes ces initia-tives est encore trop faible pour avoir un impact considérable sur la situation ac-tuelle. Rejoindre ou appuyer n’importe laquelle de ces initiatives est un moyen d’agir; recueillir des signatures à partir des protocoles de son choix, faire des com-muniqués, distribuer des nouvelles et envoyer des lettres, sont toutes des manières d’apporter de l’eau au moulin.

Chaque voix compte dans la lutte contre l’obscurité de la guerre et du nucléaire.

Par Radislava Lavrik, établie présentement à Chicoutimi.