Le mouvement syndical étudiant: longue tradition de lutte pacifique

Grève étudiante de 1968.

Grève étudiante de 1968.

N’en déplaise aux partisans des idéologies confrontationistes et à nos médias sensationnalistes, l’action sociale et politique qui s’est poursuivie au Québec au printemps dernier s’inscrit dans le cadre d’une tradition bien ancrée de lutte pacifique.

Il est maintenant possible de la caractériser comme un travail de lutte essentiellement pacifique et de lui accorder une place d’honneur parmi les nombreuses luttes québécoises qui ont concouru depuis le début des années 50 à faire avancer notre démocratie, nos droits et libertés.

Faisant preuve de beaucoup d’imagination et  de créativité, les étudiants ont su se rallier les masses par des appels à des actions citoyennes autonomes; ils ont pu faire de leur lutte un événement social et politique unique.

Une lutte dans la plus pure tradition pacifiste québécoise

Grève étudiante générale illimitée au Québec, en 2005. (Photo: CC)

Grève étudiante générale illimitée au Québec, en 2005. (Photo: CC)

Tout au long de leur histoire qu’on peut remonter aux années 60, les luttes étudiantes québécoises se rattachent à l’action politique pacifique dont des manifestations, des vagues de grèves et d’occupations menant à des lock-out constituent la toile de fond.

Au cours des cinquante dernières années, on recense très peu d’actes de violence, d’interventions policières et d’arrestations dans les mouvements de lutte et de syndicalisme étudiants.

En prenant du recul, même ceux qui ont souvent associé « lutte étudiante » et « violence » s’apercevront que la lutte du printemps 2012  prend racines et expérience dans les campagnes pacifiques, dont certaines plus récentes, qui l’ont précédée.

En 2005, pour s’opposer à la hausse des plafonds des prêts étudiants et une baisse drastique des bourses d’études, les associations étudiantes ont réussi une des plus grandes mobilisations à l’échelle nationale. Plus de la moitié des étudiants du Québec se sont mis en grève et des dizaines de milliers d’entre eux ont déployé d’énormes manifestations à Montréal. Le gouvernement a dû reculer, signant une entente avec les fédérations étudiantes et renonçant aux coupures qu’il avait annoncées.

Die-in au cégep de Ste-Foy devant le kiosque de recrutement de l'armée

Die-in au cégep de Ste-Foy devant le kiosque de recrutement de l’armée. (Photo: inconnu)

Depuis 2007, la campagne d’opposition au recrutement militaire dans les écoles est menée dans le strict respect des principes de la non-violence : elle a misé sur des tactiques authentiques de résistance pacifique : blocus, invasion de lieu de conférence, obstruction au déploiement de kiosques, die-in, contre-propagande, etc.

Grâce à des moyens d’interposition pacifique, l’unique façon d’attirer la sympathie immédiate de nombreux intervenants, enseignants, syndicats d’employés et même, souvent les directions, les associations étudiantes ont fait échouer sans casse les campagnes de recrutement de l’armée sur les campus.

À L’automne 2011, « Occupons Montréal » fut un autre cadre de réveil et d’apprentissage, un événement  dont la lutte étudiante aura hérité une forme de combativité pacifique, des approches de communications et de mobilisation. Des groupes d’affinités issus du mouvement « Occupons » ont certainement servi dans l’organisation de nombreuses manifestations du Printemps érable.

Campement "Occupons Montréal", Square Victoria, 2011. (Photo CC)

Campement « Occupons Montréal », Square Victoria, 2011. (Photo CC)

Ces différentes campagnes ont largement contribué à l’émergence, en milieux étudiants, d’une culture de la résistance dont se sont inspirées plusieurs actions menées lors des grèves du printemps 2012. Dans cette dernière lutte, ce sont des actions pacifiques de perturbation économique, l’action directe d’interposition par les militants qui ont contraint le gouvernement à des décisions qui lui ont été fatales.

Compte tenu des contraintes imposées aux actions par les injonctions, de l’usage récurrent des moyens de contrôle des foules et de l’impact relatif des manifestations qui se multipliaient rapidement; la notion de désobéissance civile, cette forme d’action dans la plus pure tradition de la lutte non-violente, s’est également imposée aux représentants d’associations étudiantes.

Grève étudiante de 2012. (Photo: CC)

Grève étudiante de 2012. (Photo: CC)

Nous avons tous été témoins de dérapages violents provoqués, selon certains, par l’exacerbation des tensions et par des actes délibérés de quelques groupes partisans de la riposte violente. Les forces policières sont souvent passées en mode répression et la frustration des manifestants a poussé certains d’entre eux à des répliques violentes. Mais on retiendra que sur des centaines de manifestations, ces situations de violence ne furent que marginales malgré les milliers d’arrestations. Pour trouver les événements de violence, il faut les rechercher dans les agissements de certaines factions idéologiques plus radicales.

Ainsi, rien ne semble justifier tout le poids accordé dans les médias aux incidents apparus à une vingtaine seulement des manifestations sur un total de six cents,  ayant impliqué une centaine d’individus sur des masses dépassant parfois les centaines de milliers de personnes.

De plus, ces actions ont pratiquement cessé dans les dernières semaines de la lutte, vraisemblablement par essoufflement des matamores masqués et par la réduction des techniques de contrôle des foules menant à la confrontation avec des policiers.