Arsenal de démocratie, ou arsenal de conquête ?

Le Canada et le Québec sont maintenant plongés dans un profond débat de société.  Participer ou ne pas participer à une guerre. Pour certains, la guerre est la seule voie d’action face aux terroristes. Quitter l’Afghanistan, c’est abandonner une lutte de libération démocratique.

Pour pouvoir espérer une victoire militaire, une société doit y mettre des moyens. La base de la stratégie militaire n’est pas la conquête des cœurs et des esprits comme on aimerait nous le faire croire, c’est le contrôle du territoire.  Ce contrôle, par la suite, permet l’installation d’une économie orientée vers de nouveaux objectifs.

 

Comme les canadiens le constatent, conquérir de nouveaux territoires coûte cher, même si la facture est partagée entre de nombreux pays.  Un territoire occupé par des forces ennemies ne peut être conquis que par la mise à contribution de tout un arsenal destructeur.  Une campagne de bombardements aériens suit généralement une opération de commandos aéroportés qui a détruit des batteries anti-aériennes, et, localisé des cibles névralgiques.  Par la suite, le déploiement d’un imposant pont d’appui logistique s’impose avant le positionnement des bataillons composés de fantassins, de blindés et d’artilleurs.  Les positions d’artillerie sont renforcées et s’attaquent, à distance, aux positions renforcées de l’ennemie.  Souvent on progresse de positions renforcées en positions renforcées par des assauts de blindés soutenus par des fantassins.  Une fois la brèche créé et franchie dans la position ennemie affaiblie, les fantassins terminent le travail pour sécuriser la nouvelle position.  Ils nettoient le site des forces ennemies.  Puis, des équipes d’ingénieurs de combat se mettent en action pour renforcer la position à l’avantage du conquérant, et reconstruire l’infrastructure d’approvisionnement.  La mécanique est bien connue.

 

La conquête territorial en cours en Afghanistan est une entreprise très coûteuse tant en ressources financières, qu’en vies humaines.  Elle impose la mise à contribution d’un imposant arsenal de moyens militaire pour arriver à ses fins.  La population est dans le chemin d’une machine qui opère uniquement en fonction de son objectif ultime.  Les morts civiles, souvent difficiles à discriminer, font partie des dommages collatéraux.  Malheureusement, ce sont des dommages qui multiplient les haines et les sources de désespoir et de violence et favorise la mobilisation et le recrutement chez l’ennemi.

 

Les gens ignorent souvent que, depuis la fin de la guerre froide, on a vue émerger un nouvel arsenal dans la lutte pour la démocratie.  La résistance populaire pour le renversement d’une tyrannie a été utilisée avec une redoutable efficacité dans la chute de l’URSS et dans la transformation du paysage politique de nombreux pays.  Les militaires, dont l’armée canadienne, continuent à prétendre que la seule façon de lutter pour la démocratie est la voie de la conquête territoriale.  Le retrait de l’armée en Afghanistan signifierait, selon eux, l’abandon de la population à la tyrannie.  Rien de plus faux.

 

L’arsenal de la démocratie est de mieux en mieux connu, et il se diversifie et se raffine.  L’inventaire de ces moyens est en cours, et il s’agit d’un puissant outil de changement.  Sa mise en œuvre vise essentiellement à soutenir l’organisation des efforts de résistance d’un peuple.

 

Voici comment se déploie cet arsenal qui vise à reverser une tyrannie à la faveur d’un peuple.  Des moyens de contrainte économique et politique sont mis en place par la communauté internationale pour déstabiliser la dictature et son économie.  Le renversement du régime d’apartheid a bien démontré l’efficacité de la mise en oeuvre de ces moyens.  Dans certaines situations, la combinaison de blocus, boycotts et embargos, bien ciblés et bien orchestrés, contribueront efficacement à la déstabilisation économique des biens nantis qui cesseront de tirer des avantages de la tyrannie.  La saisie des avoirs de tyrans et de leurs acolytes doit devenir une véritable priorité internationale, n’en déplaise aux banques suisses.  La documentation des actes de répression et de violation des droits de la personne est aussi une composante clé.  Documenter précisément les actions des dirigeant et de leurs fiers à bras est un fort élément dissuasif dans le contexte du droit international qui se structure présentement.  Les pays, agences internationales  aériennes, bancaires, économique et politique doivent se donner un code de conduite pour ostraciser les oppresseurs, leurs collaborateurs et les membres de leurs familles.  Il est inconcevable qu’une tyrannie opprime tout un peuple, pille les ressources du territoire, et soutienne le train de vie royale de sa famille, outre-mer, grâce à la collaboration du système bancaire et des installations de transport.

 

Le soutien actif, tant économique que par la présence active d’accompagnateurs internationaux, des organismes et leaders non violents de l’opposition est la pierre angulaire de la reconstruction démocratique.  Il est possible d’envisager l’organisation et le soutien à un gouvernement parallèle en exil en travaillant avec la diaspora issue du régime oppresseur.  La communauté internationale a comme responsabilité d’inviter les agents policiers et militaires à l’objection de conscience à la désertion et à l’émigration.  Une telle mesure  peut s’avérer extrêmement efficace surtout si elle est aussi appliquée aux familles des agents ciblés.  Bien sûr, de telles mesures ne s’appliquent pas aux dirigeants, tant militaires que politiques qui eux, doivent répondre de leurs actes.  Une véritable chasse policière aux marchands d’armes doit être lancée et toute preuve de collaboration, transaction ou soutien au régime doit être considéré comme un crime en droit international.  Dans un tel contexte, une coordination internationale des sanctions et interventions internationales sera nécessaire car les états impliqués peuvent mettre en place une panoplie d’initiatives :  l’appui et la mise en œuvre d’une véritable stratégie médiatique de propagande et de contre-propagande, le travail de surveillance des embargos et blocus, le soutien aux pays limitrophe en finançant l’action de surveillance des frontières par des équipes de réfugiés, le travail d’enquête sur les approvisionnement en matériel d’oppression et surtout le soutien indéfectible et la diffusion du message de l’opposition.  Dans le cas de l’Afghanistan, il est possible de mettre en place une véritable économie parallèle permettant l’utilisation des dérivés du pavot à des fins médicale.  Une telle initiative peut soutenir effectivement l’opposition à un régime en s’assurant que les activités profitent à la population.

 

Tout comme pour l’arsenal des moyens militaires, il ne s’agit ici que d’un simple survol des moyens d’actions non-militaires qui peuvent faire parti de l’arsenal de la lutte à la dictature, et en faveur de la démocratie.   Lorsqu’on connaît ces mécanismes de transformation politique, on ne peut qu’être profondément perplexe par le discours qui prétend lutter pour la démocratie à l’aide de l’arsenal des moyens de conquête militaire.

 

Effectivement, le retrait des troupes canadiennes d’Afghanistan peut vouloir dire l’abandon d’une position stratégique, aux mains de la Russie ou de l’Iran, au cœur des richesses en énergies fossiles de la mer Caspienne et des marchés en expansion de l’Asie orientale. Prétendre que le retrait des troupes équivaut à abandonner à son sort une population opprimée est pure démagogie teintée d’ignorance.